Chapitre 49 : Un havre dans la tempête

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Son corps était aussi engourdi que son esprit quand il fut réveillé, le lendemain matin. La bouche pâteuse, sa protestation se mua en gémissement plaintif.

"Il est l'heure, Davian." fit la voix rocailleuse de l'orc.

L'envie de ne plus paraître comme un moins que rien aux yeux de son groupe agit comme l'électrochoc nécessaire pour le tirer définitivement du sommeil.

Les premières lueurs de l'aube filtraient déjà à travers les feuilles, Ahelys préparait les montures, déjà bien réveillée. Son regard sévère constitua le dernier coup de fouet mental pour le jeune forgeron.

Sans un mot, il rassembla son équipement, avant de se mettre à la suite de la sirène, prête à partir la première.

"Nous serons bientôt sortis de la forêt. Aujourd'hui nous pourrons progresser plus vite, si on s'y met sérieusement nous dormirons chez les Nains cette nuit."

"Les chevaux vont être mis à rude épreuve." Commenta Khorman. "Mais si on y arrive, ce sera une bonne chose pour l'enquête. Il ne faut pas qu'on prenne trop de retard sur les autres."

Davian guetta l'orc, sans savoir s'il allait évoquer sa rencontre de la nuit d'hier. Mais visiblement, il ne tenait pas à en parler. De ce qu'il avait compris, il cachait sa véritable extraction à Ahelys, et craignait de perdre son respect si elle l'apprenait. Le jeune homme aurait bien voulu savoir quel genre de vie il avait mené, avant d'être ici. Mais cela devrait rester secret, pour le moment.

La traversée de ce qui restait de parcours boisé avait en effet été rapide. Les membres du groupe se consultaient souvent concernant le cap, et ils avaient besoin les uns des autres pour se frayer un chemin dans les endroits les plus sauvages.

Ils sortirent de la Forêt de la Vie de manière assez brutale, comme si la frontière en avait été dessinée à la main par un dieu capricieux. Davian fut surpris de voir que la végétation se stoppait de manière si abrupte, mais il se retint d'en faire la remarque à voix haute.

Il n'avait pas envie qu'Ahelys ne le reprenne. Son moral n'étais pas assez solide pour le supporter. A vrai dire, il était d'un côté soulagé de quitter la dureté de l'environnement sauvage qui constituait la Forêt de la Vie. De l'autre, il regrettait de ne pas avoir quelque chose sur quoi déverser sa frustration. 

Plus la réalisation de la mort de son père s'enterrait dans ses réflexions, plus la colère l'emportait sur le reste. Il aurait sans doute été triste si Enton était parti de manière naturelle. S'il avait décidé de cesser de vivre parce qu'il était parti...

Davian déglutit à cette pensée.

Mais non, on lui avait pris son père. Quelqu'un lui avait enlevé. Et il savait qui c'était.

Toutes les conditions étaient réunies pour entretenir sa rage, comme un incendie qui couvait lentement avant de s'embraser pleinement.

Il se remémorait son père. Lui qui n'avait jamais voulu le laisser aller au-delà des frontières de Volcar. Lui qui ne le laissait même pas s'approcher des vols de dragons au-dessus de la ville. Il lui en avait tellement voulu, à l'époque. Aujourd'hui, il regrettait.

Il n'aurait jamais dû quitter sa forge. Peut-être serait-il encore là aujourd'hui, s'il n'était pas parti ?...

Le forgeron réprima ses larmes, secoua la tête. Cette pensée lui était trop insupportable pour l'entretenir. Et pourtant, elle s'imposait à lui.

Et le voyage serait encore long... Avec de telles réflexions, la journée allait paraître une éternité.

Confus, Davian porta son regard loin devant lui, encore un peu hébété de ne plus voir d'arbres pour lui obstruer la vue. Le paysage était relativement plat, en tout cas pas assez vallonné pour que l'horizon ne se perde pas dans cette vague ligne floue, si étrange aux yeux du jeune homme.

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