Nations

Chapitre 47 : Rencontres nocturnes

Davian se replaça sur la selle de son cheval, retrouvé après cette rencontre impromptue avec les araignées géantes. L'ambiance était glaciale entre lui, l'orc et la sirène. Mais il ne sut dire ce qui avait provoqué ce soudain malaise. Peut-être était-ce sa question auprès d'Erendar ?

Ahelys s'était sans doute dit que le forgeron n'oserait plus rien dire après les remontrances qu'elle lui avait faites. Mais il restait le représentant de son pays ! Expérimenté ou non, il demeurait porteur des espoirs et des intérêts de son peuple. Quoique la princesse put en penser, il ne regretta pas son intervention. Il traverserait cette aventure en restant lui-même, hors de question de s'effacer pour respecter une bienséance qui n'aurait peut être bientôt plus de sens.

Le jeune homme porta un regard en coin à l'orc. Khorman aussi manœuvrait comme il pouvait sa monture, au milieu des racines sorties de terres et des amas de ronces compacts. Ils n'étaient pas encore sortis de la Forêt de la Vie, même s'ils en étaient proches. Au-delà de la rencontre avec Erendar, Davian se fit la remarque qu'ils auraient peut-être dû emprunter des griffons pour être aussi rapides que les autres. Quoique le groupe de l'elfe et celui de la lapine était aussi parti à cheval. Pensif, il décida d'exprimer son interrogation à voix haute pour briser la glace.

"Dites, vous savez pourquoi nous n'avons pas de griffons ?"

"Oui." répliqua Khorman. "Je ne tiens pas dessus. Les chevaux sont plus robustes, même s'ils sont plus lents. De plus, des griffons nous auraient été inutiles dans la forêt. Ou même pour entrer sous les Hauts-Plateaux. Autant Volcar possède une large plateforme au sommet qui peut servir pour l'atterrissage, autant dans les montagnes il n'y a aucun vrai endroit idéal pour eux."

"Mais ils auraient pu nous approcher ?" suggéra le jeune homme.

"Et on termine la montée des Haut-Plateaux à pied ? Non merci." répliqua sèchement Ahelys, agacée.

"Désolé, je ne savais pas..."

"Quand on ne sait pas, on s'abstient. C'est aussi valable devant un Immortel. A vrai dire, ça l'est encore plus."

La remarque acerbe d'Ahelys entérina le froid qui couvait entre les aventuriers. Remué, Davian se défendit :

"Ecoutez, je sais bien que je n'ai pas la même expérience que vous deux. Mais je ne saurais jamais si je peux apporter quelque chose sans essayer. Alors..."

"Alors, je vais te le dire." la sirène s'était dressée droite sur son cheval bai, sans interrompre son pas. "Tu ne peux pas. Tu ne pourras pas. Tu es un forgeron. Quand tu tentes de poser des questions, tu t'embarrasses. Quand tu t'embarrasses, tu nous embarrasses ! Arrête. Arrête, simplement, tu as compris ? Non, mais à quoi tu pensais ? Demander à un Immortel la raison de leur existence ! Si tu voulais nous faire passer pour des traîtres, tu ne t'y serais pas pris autrement ! Tu te rends compte que tu lui demandais, en fait, pourquoi il ne mourrait pas ? C'est à la fois stupide et incroyablement offensant."

"Il n'a pas l'air de l'avoir mal pris !" rétorqua Davian, piqué au vif. "Et d'abord, on m'a toujours dit qu'il n'y avait pas de question stupide !"

"Je ne sais pas qui est ce on, mais il avait tort !" lança Ahelys, exaspérée. "Il faut que tu te rendes compte que quand tu parles, tu ne t'exprimes pas qu'en ton nom. Tu nous engages aussi. Nous sommes des équipiers, si tu dépasses les limites, nous en serons tenus pour responsables aussi !... Explique-lui, Khorman..."

La sirène avait lâché cette dernière demande dans un soupir, espérant un peu de soutien. L'orc pencha la tête, hésitant.

"Ta question... N'était pas des plus pertinentes, c'est vrai. Je ne sais pas si tu t'en rends compte, mais nous enquêtons pour découvrir qui veut mettre à mal les Immortels... Et tu demandes pourquoi les Immortels existent, c'est..."