Chapitre 27 : L'Helor l'exige

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Les deux chevaux à la robe alezane trottaient côte à côte, leurs sabots retournaient la terre humide dans un petit bruit mat à intervalles réguliers. L'odeur fraîche de la rosée qui couvrait la végétation de la forêt emplit les narines de Raluka.

Elle avait pris une profonde inspiration, fait un effort conscient pour se calmer. Elle n'aimait pas l'effet que la froideur et la moiteur avait sur sa fourrure.

Les longs poils gris qui couvraient son corps se collaient ensemble, emmêlés et regroupés dans des enchevêtrements disgracieux. La rêveuse secoua ses longues oreilles, agacée. Elle détestait les matins froids.

"Nous étions vraiment obligées de partir si tôt ?" demanda t-elle, une pointe d'exaspération dans la voix.

Après un silence marqué, une voix aussi fraîche que la forêt lui répondit :

"Oui."

Les narines de la lapine se retroussèrent, avant d'expulser un fin filet d'air. Elle n'arrivait pas à tirer grand-chose de sa coéquipière. Raluka se redressa sur sa monture, avant de prendre le temps d'observer celle qui lui menait la vie dure depuis hier soir, quand leurs dirigeants respectifs avaient décidé qu'elle formeraient un duo.

Sa silhouette filiforme était toujours cachée sous un châle rose pale qui ne laissait rien voir d'elle, pas même son visage. D'après ce que Raluka avait compris, les In'Helor appréciaient peu de se montrer, pour des raisons religieuses. Et sa nouvelle compagne de route, Ni'Pteh, semblait être la plus fervente pratiquante de sa foi.

Bien curieuse foi... Elle avait bien tenté de la comprendre, mais chaque fois, elle s'était heurtée à un mur.

"Tu sais, s'il fallait aller plus vite, nous aurions pu demander des griffons..." commença Raluka, prudente.

"Je sais."

Les coussinets de ses pattes se crispèrent sur la bride. Ses réponses lapidaires avaient le don de l'agacer. Peut être que la prêtresse ne les concevaient pas comme ça, mais elle avait l'impression d'être prise de haut...

"Notre destination n'est pas dans la forêt, même si on la traverse." développa t-elle avec patience. "Alors l'atterrissage n'est pas un problème. De plus, je suis vraiment, vraiment désolée mais..."

Raluka essayait d'obtenir son attention avec sa pause, et figeait un sourire gêné sur son visage, en attendant que Ni'Pteh se tourne vers elle. Ce qui n'arriva pas. Déçue, elle termina sa complainte :

"Je déteste vraiment les matins."

Encore dégoûtée par le traitement réservé à son pelage, elle s'ébroua légèrement pour la sixième fois depuis qu'elles s'étaient mises en route. Même si elle savait que cela ne réglerait pas cette terrible sensation de moiteur.

"C'est nécessaire." lâcha simplement Ni'Pteh, sans un regard pour elle.

Elle espérait peut être clore la discussion avec cette affirmation. Au contraire, elle enflamma l'esprit de contradiction de Raluka :

"Ah, vraiment ? Et comment ça se fait ? Tu peux m'expliquer ?"

Elle avait lâché le cuir qui permettait de diriger sa monture pour placer ses poings sur les hanches, dans une pose exagérée.

La prêtresse étouffa un petit rire, avant de répliquer :

"Parce que l'Helor l'exige."

Cette fois-ci, c'est un soupir franc qui s'échappa de la bouche de la rêveuse. Voilà bien une bonne dizaine de fois qu'elle se voyait répondre cette formule, sans qu'elle sache vraiment ce qu'elle signifie. Au départ, elle avait trop peur d'importuner son binôme. Mais maintenant, l'agacement l'avait emporté :

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