Nations

Chapitre 55 : Retrouver son chemin

Falin n'aurait su dire s'il rêvait. Il flottait dans un état de non conscience flou.

Ses paumes serraient le sable qu'il était incapable de retenir. Inexorablement, il s'écoulait.

Pas encore. Pas encore...

Il riait aux éclats, au milieu du grand jardin familial. 

Lisabeth rejetait en arrière ses boucles blondes.

"Tu ne m'avais jamais raconté ça !" fit-il entre deux rires.

"C'est un peu honteux..." s'expliqua t-elle d'une voix de souris, le rouge aux joues.

"Oh tu sais, je suis certain que ça arrive à plus d'Azeloks qu'on ne veut bien le raconter !"

Falin sauta du banc de pierre et atterrit à pieds joints dans un salut élégant. Il passa sa main au fil des fleurs d'un blanc éclatant. Le simple fait de les remuer ainsi libéra la senteur d'anis qu'il appréciait tant.

"Ça m'est arrivé, à moi aussi." lâcha t-il ensuite, espiègle.

"Non ? Tu t'es perdu, toi ?"

L'incrédulité de Lisabeth honorait Falin. Mais, honnête, il confirma :

"Je te l'ai dit, ça arrive sans doute à tout le monde, mais on le raconte pas. C'est tabou, mais je ne sais pas pourquoi... Après tout, c'est en faisant des erreurs qu'on apprend !"

"Mais alors... Comment est-ce arrivé ?" voulut-elle savoir, pendue à ses lèvres.

L'Azelok sortit une balle de caoutchouc de sa poche et commença à jouer avec. Elle s'élevait dans les airs avant de retomber dans ses paumes à un rythme régulier.

Cela l'aidait à organiser ses pensées.

"C'est le genre de choses qui arrivent quand tu penses maîtriser la situation. On n'y pense jamais, avant. On croit toujours que tout ira toujours bien, avant de déraper. Et là, quand ça arrive..."

La balle ralentit sa chute pour permettre à Falin de l'attraper.

"On panique. Et toute la préparation qu'on aurait dû mettre en place pour éviter la situation, on se retrouve à essayer de l'ériger en une fraction de seconde. Ce n'est pas possible, bien sûr. Mais on essaye."

Il soupira, dépassé par le souvenir.

"On avait simplement décidé de prévenir un village humain d'une attaque. Des Zaars, encore une fois. C'est toujours eux... Enfin, pour s'attaquer aux humains. Les In'Helors, eux, ils sont à nos basques. De vrais pots de colle !"

La remarque arracha un sourire compatissant à Lisabeth. Elle partageait sa méfiance pour les autres peuples du Temps.

"Il s'agissait de remonter d'une journée seulement. Un jeu d'enfant, pour nous. On y allait à plus d'une dizaine, alors on pouvait mettre en commun nos réserves magiques. Il y avait... Il y avait même Albin, tu le connais, non ?"

Il reçut un signe d'acquiescement de la tête de la part de sa compagne, avant de continuer.

"Mais c'est là qu'ils nous ont fait ce coup tordu, je n'avais jamais vu ça... C'était... C'était vicieux, vraiment. Les Zaars, ils ont... Attaqué notre flux temporel. Comme s'ils l'avaient coupé en deux à coups de griffes. Il était... En pièces, en mille morceaux. C'est une sensation très bizarre. C'est comme si, au lieu de simplement revenir à hier, on se mettait à avoir le choix entre des milliers d'hier différents. Et on a commencé à arpenter... Tous les chemins, en même temps."

La balle rejoignit sa main close, pour ne plus la quitter.

"C'est difficile à expliquer, mais c'est comme essayer de revenir en arrière sous l'effet de la fatigue, ou quand tu es à sec. Je ne sais pas si tu l'as déjà fait ?" questionna Falin, interrogatif.