C'était en ressassant ses souvenirs que Ritak erra à travers les collines désolées du territoire du Chaos. A la mort de son maître, il était seul. Etrek ne l'avait jamais laissé tisser des relations avec qui que ce soit.
Son sorcier avait réglé ses problèmes lui-même, il n'était qu'un serviteur. Il ne connaissait personne : il allait devoir reconstruire sa vie.
C'était un nouveau départ. Basé sur les cendres de son ancienne existence...
Les gouttes chaudes martelaient sa nuque. A l'approche du crépuscule, une averse s'était mise à arroser la terre. L'eau avait progressivement éteint l'incendie que le déchaînement de sa rage avait provoqué.
Du corps d'Etrek, il ne restait rien. Ses os carbonisés avaient été dissous et dispersés dans la boue sombre dans laquelle le démon pataugeait maintenant.
Il avait cherché à se mettre à l'abri. Plus par besoin de compagnie que pour se protéger de la pluie. Ritak ne supportait plus sa solitude. Il avait marché, une heure durant, vers un modeste hameau qui laissait échapper une faible lumière à travers la nuit naissante et le rideau nuageux.
Quatre petites maisons de bois étaient regroupées ici, blotties les unes contre les autres. A la plus grande, était accroché un panneau à moitié arraché, indiquant que la bâtisse servait d'auberge. Il resserra contre lui le vêtement qu'il avait volé sur le corps de son ancien maître.
A présent, les tatouages qui ornaient son corps n'étaient plus des marques rigides, géométriques, mais elles tourbillonnaient et serpentaient en ondes imprévisibles sur sa peau. Il n'avait aucune envie de révéler aux autres qu'il n'était plus un domestique. Dans la région, cela pourrait lui attirer des ennuis.
Auparavant, c'était Etrek qui gérait les problèmes, il avait toutes les responsabilités. Toutes ses pensées le ramenaient à lui. La culpabilité le saisit à la gorge. Même si le sorcier lui avait volé sa vie, il ne l'avait fait que sous influence d'une substance magique incontrôlable. Sa vengeance avait été sauvage. Irréversible.
Il se força à l'oublier : rien de ce qu'il pourrait faire ne pourrait y changer quoi que ce soit. Il ne servait à rien de se torturer de cette manière. Avec une profonde inspiration, il poussa la porte de l'auberge.
Une petite dizaine d'occupants étaient déjà présents. La lumière chaude des lanternes couvertes de poussière accrochées au plafond filtraient à travers les fenêtres.
C'était ce qui l'avait amené à marcher jusqu'ici. Il craignit d'abord qu'on l'interroge sur le fait qu'il se déplaçait seul, tenu compte de sa condition d'esclave supposée. Mais l'assemblée était visiblement trop avinée pour se soucier de quoique ce soit d'autre que du contenu de son verre. La soirée était sans doute un peu trop avancée.
Les clients, tous des humains vêtus de modestes chemises de laine caractéristiques des travailleurs de la terre, s'esclaffaient si bruyamment que Ritak doutait qu'ils puissent l'entendre arriver.
Seules deux personnes faisaient exception : un voyageur encapuchonné, attablé seul dans un coin, qui ne laissait rien voir de son visage, et un homme au visage déplaisant, qui portait une cape de sorcier.
Une grimace exagérée fixée sur le visage, il contemplait la scène de ses yeux qui louchaient au-dessus d'un nez à la forme d'une pomme de terre écrasée. Sa peau crasseuse étirée par le rictus qu'il lui imprimait, il semblait être mécontent de la situation qui s'offrait à lui.
Ritak espérait que son insatisfaction n'avait rien à voir avec sa présence dans l'établissement. Il se hâta de se trouver une place, esseulé, et se mit à réfléchir à ce qu'il allait faire ensuite. Comment vivre en tant que démon libre en Elunae ? La plupart des humains ne lui feraient pas confiance. Comment avait vécu son libérateur avant de le rencontrer, indépendant, en autarcie ?
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Nations
FantasyLe monde d'Elunae repose sur un équilibre stable depuis des millénaires. L'ordre et la paix établis sont maintenus par les dirigeants Immortels des Nations. Mais une malédiction menace leur immortalité, et des groupes d'aventuriers vont devoir mener...