Chapitre 38 : La punition

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La totalité des os de son corps le faisait souffrir quand il reprit conscience. Les hautes fenêtres barrées d'acier de leur cellule laissaient échapper quelques rayons de lumière, assez pour que Beovar puisse reconnaître Léna, en train de masser son épaule engourdie.

Partout là où Marcus l'avait frappée, elle avait développé des ecchymoses tuméfiées, et il se doutait bien qu'il devait porter des marques similaires. Bientôt, la trompette militaire vint sonner l'heure du réveil. La maison d'arrêt se trouvait assez près de la caserne, et ils purent entendre le lieu reprendre vie.

Le claquement en rythme des chausses renforcées se fit entendre, avec la régularité d'une horloge. La journée démarrait toujours par une patrouille dans les rues du Bastion. Chaque compagnie se dispersait selon un parcours prédéfini. Beovar faisait toujours le même chemin, croisait souvent les mêmes têtes. Des connaissances de son père, parfois. Ils étaient fiers de la voie qu'il avait prise. Enfin, il pensait. Quelque part, ils n'auraient peut-être pas été capables de prendre la même que lui.

La plupart des gens pensaient que les nobles étaient trop faibles pour s'engager aux côtés des Paladins. Beovar, lui, avait connu ce milieu. C'était d'expérience qu'il savait qu'ils étaient utiles à la société, à leur manière. Tout était complémentaire.

D'autres pensaient que les soldats n'étaient que des brutes bonnes à ne faire travailler que leurs muscles et pas leur intellect. Ceux là non plus ne connaissaient pas les Paladins. Ce n'était pas seulement une élite militaire. Il s'agissait aussi d'une élite magique, et la pratique assidue de la magie de la Lumière ne pouvait se faire sans force de caractère.

C'était une telle force, dont Léna avait fait montre la veille, aux yeux de Beovar. Un vrai paladin sacrifiait son énergie et sa sécurité au profit des faibles. On racontait que plus le paladin était altruiste, plus sa magie était forte. Il ignorait encore si c'était vrai. Il ne l'avait pas assez développée pour le savoir.

Mais il se plaisait à penser que c'était le cas. Que la magie de la Lumière était la force du Bien, là pour contrecarrer les engeances maléfiques, là pour servir les innocents.

Un cliquetis dans la serrure vint déranger ses pensées divergentes.

"On vous attend en cuisine, les prisonniers."

C'était l'un des gardes qui les avaient conduits en cellule. 

L'un des principes de la prison, en camp militaire, était qu'elle servait au groupe. Les captifs ne passaient pas leur temps à se tourner les pouces en cellule, on les assignait aux tâches ingrates d'habitude confiées aux recrues un peu trop turbulentes. Il paraissait que cela forgeait le caractère. Si Beovar ne ressentait pas grande gêne à faire le travail de petite main, il convenait volontiers qu'il aurait préféré rester avec ses camarades à apprendre.

Et il supposait fortement que c'était aussi le cas pour Léna.

La grille fut vite ouverte. Et ils n'eurent pas beaucoup de chemin à faire pour qu'on leur assigne leur travail du matin.

"Vous voyez les sacs de toile, là ? Vous amenez ça en cuisine, et ensuite vous épluchez. Ordre de Marcus. Vous avez la journée. Au moins un sac de fini avant le repas qui vient. Pareil pour les trois jours qui viennent."

La mâchoire de Beovar eut du mal à ne pas tomber net. La réserve était remplie d'une quinzaine de sacs gigantesques, remplis à ras bord ! Il y avait là de quoi nourrir toute la caserne, officiers compris, pendant plusieurs jours. Son corps n'allait pas tarder à réveiller de très fraîches faiblesses... Quatre jours d'arrêt !... La sanction était lourde.

Le garde les avait vite laissés à leur tâche : s'ils ne finissaient pas, il savait très bien qu'ils allaient devoir répondre de leur manquement. Et Beovar savait aussi qu'ils le payeraient très cher. Alors...

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