Les années avaient passé.
Beovar n'était plus la jeune recrue qu'il était auparavant. Une barbe drue parsemait de noir son menton autrefois imberbe. Son visage s'était affermi, ses mains s'étaient creusées des sillons de ceux qui manient les armes quotidiennement.
Ironie du sort, aujourd'hui, ses stigmates ne se creuseraient plus autant. Il maniait la plume plus souvent que l'épée. C'était la condition qui venait avec la montée en grade.
Sa plume, il la passait sur de fins et longs traits, contours d'une carte de la région. Il étudiait les différents itinéraires possibles pour ses hommes. Et aucun de ceux qui s'offraient à lui ne lui plaisait vraiment. Il marmonnait, râlait, raturait, puis se reprenait.
"Capitaine ?" intervint quelqu'un.
C'était une voix féminine. Beovar la connaissait bien.
"Léna. Qu'est-ce qui t'amène ?" interrogea t-il.
La nouvelle venue se fendit d'un sourire ravi, quoique teinté d'une pointe de défi.
"Je ne sais pas... Le plaisir de te voir me suffit, pas toi ?"
"Léna..."
Son ton était à moitié exaspéré, à moitié amusé. Il ne savait plus vraiment que penser à son propos. Il ressentait tellement de sentiments mêlés pour elle que son esprit ne savait plus réagir.
"D'accord, d'accord. Je sais par où on passe." révéla t-elle.
Beovar leva un sourcil.
"Tu sais... ?" fit-il, douteux.
"Oui ! Je suis allée voir. Oh bien sûr, ce n'était pas de tout repos. Mais je sais me faire discrète. Et je n'ai même pas essayé par le nord, parce que par le nord... Enfin, je t'en ai déjà parlé. Si on passe par la route de Milranes. Déjà, on évite le gros du danger. Ensuite, on arrive plus vite, parce que figure-toi que j'ai repéré un éboulement au nord-est, juste avant Efladore ! Et je te raconte pas le..."
"Léna..."
Toujours le même ton.
Elle s'était arrêtée, à moitié surprise et à moitié offensée.
"Quoi ?"
"Depuis quand as-tu été nommée éclaireuse ?" demanda l'officier, presque prudemment.
"Ils sont nuls, les éclaireurs ! Je n'arrête pas de le dire ! Ils ne font même pas la moitié du chemin avant de se replier, et ensuite ils ne font que jouer aux cartes au camp de base. Tiens, je parie que là, si on va les voir, ils jouent aux cartes."
"Ce n'est pas la question, ce n'est pas ton rôle, tu le sais." reprit-il, paternel.
Elle détestait quand il avait ce ton. Mais c'était ça ou s'énerver. Ou bien abandonner totalement. Avec elle, il hésitait encore.
"Ah oui, et je suppose que tu les avais déjà, ces informations-là, ils t'ont bien informé, les éclaireurs ? Je peux regarder ta carte ?"
Elle s'avança, et Beovar eut un mouvement de recul, repliant le document sur lui-même.
Léna ouvrit de grands yeux, et il se justifia immédiatement :
"Les écuyers n'ont pas accès aux informations classées..."
"Tu te fiches de moi !" s'énerva t-elle.
"C'est la procédure, ce n'est pas contre toi !" plaida t-il.
"Bien sûr, et je suppose que tu vas me dénoncer à Marcus, alors ?"
Son absence de réponse en dit long. Léna fut stoppée net dans son assaut continu de reproches.
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Nations
FantasyLe monde d'Elunae repose sur un équilibre stable depuis des millénaires. L'ordre et la paix établis sont maintenus par les dirigeants Immortels des Nations. Mais une malédiction menace leur immortalité, et des groupes d'aventuriers vont devoir mener...