Nations

Chapitre 41 : Face à la mort

La créature vêtue d'un pagne assez déchiré pour laisser voir sa fourrure argentée avait enjambé le corps de Trevor, qu'elle avait massacré en un instant.

Une fine cicatrice courait au-dessus de son œil gauche chargé de malveillance. Des côtes moins amples, des griffes plus fines que ses congénères : pas de doute, c'était une femelle. Ses mains tremblantes, elle semblait se retenir de dévorer le cadavre de sa victime. Pour l'instant, elle ne pouvait pas.

Les soldats de la lumière l'avaient encerclée, bien décidés à venger leur camarade.

Juché sur sa monture alezane, Marcus dirigeait l'assaut. A pied, ses écuyers s'approchaient prudemment, pas à pas, boucliers en avant, de la Zaar meurtrière.

Léna frémissait de tension en avançant. Un seul faux pas, une seule inattention...

Un arc ambré traversa la pénombre, alors que la Zaar décrivait un large mouvement de son pied. Par réflexe, les soldats appliquèrent leurs protections magiques.

Une griffure longue comme plusieurs foulées avait surgi. Le sortilège temporel lui avait donné une avance surnaturelle. Elle entama les boucliers de bois d'un bon pouce, après avoir vaincu la magie défensive. Derrière la ligne d'assaut, dans le sol, la coupure s'était répercutée : les pierres s'étaient fendues, les feuilles se levaient, tranchées, les insectes rendaient l'âme soudainement.

La surprise tétanisa une bonne partie des écuyers. Quelques uns sentaient le sang couler le long de leur visage, leurs oreilles entaillées. Partout là où il n'avaient pas été assez protégés, et où le coup de griffe projeté magiquement avait sévi. 

Les rangs se resserrèrent. S'ils n'y prenaient pas garde, leur adversaire pourrait bien tous les éliminer en un seul mouvement.

Le stress cognait à la tempe de Léna. Elle était indemne, mais c'était parce que l'attaque avait été tournée dans la bonne direction pour elle. Tout était une question de rythme, d'anticipation avec ces bêtes. Il était beaucoup trop fatiguant de maintenir sa magie défensive au maximum en permanence. Il fallait plutôt dresser ses parades au bon moment. Mais parfois, le bon moment, c'était avant même de voir l'attaque. Cette magie temporelle était vraiment redoutable. Mais la prudence et la rigueur pouvaient la vaincre.

La Zaar s'était recroquevillée sur elle-même. Son œil parcourut la ligne des soldats avec un regard calculateur. C'est à ce moment que Léna comprit. L'attaque précédente n'était qu'un test.

Elle cherchait une ouverture. Les soldats les moins biens protégés...

Le nez de la bête frémit à l'odeur du sang. C'était sur sa droite que deux oreilles avaient été entaillées.

Léna réagit d'instinct. La prédatrice s'était ruée entre les soldats blessés, sa magie aidant.

La formation était trop solide pour qu'elle sorte de l'encerclement ainsi : son pouvoir ne lui permettait pas de passer à travers les corps. Mais, comme si elle s'était mis à danser, les griffes de ses pieds vinrent faucher avec élégance les mollets des écuyers trop lents à réagir.

Elle ne firent que gratter un bouclier magique fait d'un halo blanc. La jeune femme l'avait placé avec anticipation sur ses camarades, ayant vite déduit qui allait être attaqué.

Surprise, la Zaar balafrée fut perturbée par l'absence de résultats de son action. Elle aurait pu charger ses griffes d'énergie pour contrer à cette éventualité, mais elle voulait l'économiser, et ne s'attendait pas à ce qu'ils puissent s'entraider. Les humains démontraient un niveau supérieur de celui auquel elle s'attendait.

Elle libéra sa magie l'instant suivant, afin d'éviter rapidement les contre-attaques qui ne tarderaient pas à venir.

En effet, les soldats agressés réagirent vite sous l'effet de la panique. Leurs deux épées se refermèrent en ciseaux sur la Zaar, qui bondit sans élan pour passer au-dessus des lames dans un effet de vrille acrobatique. Une fois hors de danger, suspendue en l'air, elle propulsa ses pieds tranchants renforcés par magie dans le point faible de l'armure des écuyers.