Nations

Chapitre 20 : Symbiose

Eweya tremblait de peur et de frustration. Les massifs troncs d'arbre qu'elle contrôlait resserrèrent leurs prises sur Hiriel plus encore, et le cachaient totalement à sa vue à présent.

Mais elle avait pu l'apercevoir : la lueur de rage primordiale qui avait brillé dans les pupilles du Vitaliste au moment où son Quatrième Cercle était apparu.

Hiriel était sur le point de faire déferler sur elle un torrent de violence.

Son mugissement profond, bestial, retentit à travers l'écorce et le public frémit en entendant un son si surnaturel.

Des fissures craquèrent le long de l'épais carcan de bois, alors qu'Eweya ressentit un intense choc à travers son usage de la Symbiose. Le Vitaliste allait se libérer par sa seule force brute !

Elle n'eut pas le temps de rassembler son pouvoir pour consolider sa prise : dans un craquement épouvantable, l'un des trois chênes fut coupé net en deux, et la cime de l'arbre chuta et s'écrasa au sol. La secousse ainsi provoquée fit perdre l'équilibre à Eweya, tandis que tous les elfes rassemblés dans le public se reculaient dans un mouvement de panique.

L'elfe effrayée risqua un regard suppliant vers Norken, qui observait toujours le combat en silence. L'ours affichait un air calme qui ne laissait présager aucune intervention de sa part.

Il ne ferait rien pour arrêter l'affrontement.

Eweya se remit sur pieds d'un bond agile, et agrippa fermement le manche de son bâton. Elle fixait des yeux Hiriel, qui s'était extirpé de sa cage végétale et se tenait maintenant au pied des deux chênes encore debout, le troisième s'étant littéralement ouvert pour le laisser sortir.

Son aspect était maintenant encore plus monstrueux. Sa peau était recouverte d'une épaisse écorce brune couverte d'épines, d'où émanait un fluide visqueux, qu'Eweya supposa être son sang coagulé avec de la matière végétale. Son visage était méconnaissable : sa mâchoire s'était élargie, ses traits étaient tirés d'une façon non symétrique et dessinaient une face informe et effrayante. Ses yeux transpiraient une haine quasi palpable, tandis que tout son corps maintenant démesuré exhalait une vapeur verdâtre, l'excès de magie de Vitalité qui s'échappait de lui.

Il fixait son adversaire avec une expression indéchiffrable, tant ce monstre était différent des elfes. Après quelques secondes de tension, il rugit bruyamment et posa ses mains déformées sur les deux arbres survivants. D'une torsion brusque de ses épaules, il les déracina en même temps et les envoya voler à travers la clairière, sous les réactions impressionnées et effrayées du public.

Eweya déglutit tandis que les secousses dûes aux impacts des arbres résonnaient à ses pieds, et Hiriel s'adonnait à un nouveau mugissement de défi. Son abandon si profond au Vitalisme lui avait peut-être fait perdre l'usage de la parole, mais l'elfe y reconnaissait là une réponse à sa propre incitation au forfait un peu plus tôt.

C'était certain : elle avait peur.

Ce monstre était la créature la plus puissante qu'il lui était donné un jour d'affronter, et il pourrait très certainement la blesser et lui laisser des séquelles pour le reste de sa vie.

Mais elle ne reculerait pas maintenant. C'était maintenant que le véritable duel démarrait.

Le bâton vint se planter dans la terre dans un bruit mat. Toute l'arène luisait à présent d'une douce lumière verte.

Hiriel grogna, et se lança à quatre pattes vers son adversaire, ignorant la flore qui poussait à grande vitesse tout autour de lui. Un mur végétal se dressa soudain devant le vitaliste, qu'il déchira d'un balayage sauvage de sa main gauche, à présent dotée de griffes acérées. Le mur se recomposa instantanément sous le regard concentré d'Eweya, qui s'affairait à le refermer pour y emprisonner le Vitaliste.