Chapitre 45 : Ce voleur et ce meurtrier

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Beovar n'attendit pas plus, rassuré d'avoir réussi à confirmer que l'Aerian n'était pas parti dans une nouvelle quête vengeresse. Il tourna les talons et partit rejoindre son lit. Le sommeil risquait de manquer cette nuit.

Verën, quant à lui, était resté allongé sur le dos, à admirer le vol de sa wyverne, bercé par les rayons des lunes. Lälë traçait des sillons gris dans les nuages dont la base se teintait de nuances d'orange, au-dessus de Volcar. Le ballet des couleurs nacrées et des formes arrondies qui se mélangeaient en tourbillons harmonieux lui rappelait son foyer.

Il pensa à Neyvä... Elle et tout son peuple comptaient sur lui. Le Chevaucheur n'avait pas le droit à l'erreur. Et pourtant, son premier acte en tant qu'ambassadeur avait été un faux pas. En tout cas, il le ressentait comme tel. Pourtant, Lorën lui avait indiqué la marche à suivre. Avait-elle su à l'avance que son intervention allait lui attirer tant d'ennuis ? Ou s'attendait-elle à ce qu'elle reste secrète ?

Peut-être aurait-il dû être plus discret ? Ou peut-être sa reine considérait-elle que le courroux d'Heimlar n'était pas problématique. En dehors du fait d'avoir tué un parfait inconnu, ce qui l'avait remué, Verën n'était même plus sûr de son avantage stratégique. Certes il savait ce qu'il avait fait. L'homme n'avait même pas tenté de nier. Il n'avait même pas semblé surpris en le voyant débarquer chez lui.

"Faites ce que vous avez à faire." avait-il dit.

Son stoïcisme avait perturbé Verën plus encore que son apparence. Il s'était attendu à tomber sur un tortionnaire sans pitié. Au contraire, il avait fait face à un vieillard résigné. Était-ce vraiment le genre d'hommes à mener en secret une attaque de dragon sur une ville remplie d'innocents ? Bien sûr qu'il l'était. Le rapport des espions ne laissait aucune place au doute.

Verën se prit la tête dans ses mains, pensif. Impossible que ce vieux forgeron ait agi seul. Il pensa à son fils. Davian était-il au courant ?

Sa respiration s'accéléra. 

Heimlar allait le mettre au courant.

Sans doute permis. Comment le jeune humain allait-il réagir ? Avant de le connaître, il avait simplement présupposé qu'il connaissait les projets de son père et les supportait.

Mais après l'avoir croisé et avoir confronté son ennemi, il n'en était plus vraiment certain.

Verën jura.

Tout aurait été tellement plus simple s'il avait dû combattre des individus détestables seulement intéressés par la dévastation.

Quoiqu'il en soit, il ne pouvait plus reculer. Plus maintenant. Les actes de ces séditieux devaient être stoppés. Il ne laisserait pas une telle catastrophe se reproduire.

Son regard se perdit dans la nuit à nouveau, vers les ailes de Lälë.

Plus jamais. Pas sous sa surveillance. Le vieil Enton avait des complices et s'il ne s'agissait pas de Davian, il allait devoir les identifier au plus vite.

Et les mettre hors d'état de nuire.

Un bruissement d'air tira Verën du fil de ses pensées. Ses lèvres frémirent dans un sourire satisfait. Il avait raison. Lälë redescendait pour lui.

Le bruissement se mua vite en bourrasque. La wyverne battait des ailes pour ajuster son atterrissage. Une fois ses quatre pattes sur la terre ferme, elle émit un cri de joie avant de se précipiter vers son Chevaucheur. Celui-ci l'accueillit dans une étreinte sincère.

"Oui, je t'ai vue. Oui, tu étais magnifique."

Il lui flatta l'encolure de son cou avant de reculer de quelques pas, tentant de retenir ses larmes.

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