Nations

Chapitre 54 : Même à travers les sables du temps

Les murs ocre de la capitale finirent par se dresser de toute leur hauteur devant le groupe d'aventuriers. Au fur et à mesure qu'ils s'en rapprochaient, Eweya sentait la force de la Vie croître autour d'elle.

Les quelques oasis qui bordaient la ville confirmaient son impression ; ils purent même marcher à l'ombre de palmiers à la fin de leur voyage. L'elfe sentit même des créatures proches des daims qu'elle connaissait de sa forêt qui se cachaient dans les alentours.

Ils avaient certainement l'habitude d'être chassés par les orcs, comme ils étaient si proches de la ville. Eweya perçut leur crainte latente, sans qu'elle ne se transforme en peur panique : leur groupe ne les avait pas dérangés.

Une pointe de tristesse la saisit à la pensée de ce à quoi devait ressembler leur vie.

"Enfin un peu de frais !" s'extasia Falin, insouciant des inquiétudes de l'elfe. "J'espère qu'ils ont de l'ombre aussi à l'intérieur !"

"Certainement." grogna Rodan, peu mécontent d'arriver lui aussi.

"Par quoi on commence ?" interrogea l'Azelok, un doigt sur le menton. "Le marché, peut-être ? On peut toujours surprendre des conversations, au marché ! Et puis, on pourrait aussi acheter à manger !"

"Tu as faim, c'est ça ?" s'amusa Eweya, oubliant ses soucis un instant.

"Je ne le cache pas !"

Falin avait accompagné son aveu d'un gargouillement de ventre équivoque.

"Ce n'est pas une mauvaise idée." acquiesça Rodan.

Si la faim le tiraillait, lui ne le montrait pas. Il se montrait plus concentré que sur la route, plus attentif. Ils approchaient des portes de la ville, et deux orcs bruns en armure de cuir s'y tenaient, l'air sévère.

"Bonjour ! Nous aimerions accéder au Vortex !" claironna Falin d'un ton enthousiaste.

"Vous y restez combien de temps ?" questionna l'un des deux gardes après un grognement.

"Le temps qu'il faudra, je suppose." répliqua le Nain, irrité. "Nous sommes les ambassadeurs désignés pour l'enquête, nous venons chercher des informations."

Les orcs échangèrent un regard. Le deuxième relança :

"C'est pour notre chef, il faut qu'on fasse un rapport des gens qui arrivent et pour combien de temps. On contrôle qui rentre chez nous, vous comprenez."

"Nous en aurons pour trois jours, certainement." lâcha Eweya pour libérer la situation. "Le temps de récupérer les informations."

"Et vous allez où ?" fit le premier garde, insistant.

"Au marché, en premier lieu. On verra, ensuite." annonça Rodan.

L'interrogatoire le mettait visiblement sur les nerfs. Nouvel échange de regard entre les gardes. Puis, ils écartèrent leurs lances.

"Vous pouvez passer. Ne tardez pas trop, ici."

L'accueil glacial fit tiquer l'elfe. Elle n'avait pas le souvenir de relations si tendues entre leurs peuples. Peut-être le fait qu'ils viennent pour l'enquête les avait vexés ? Après tout, ce n'était pas forcément une position agréable... N'empêche que cette façon de les recevoir ne la rassurait pas !

Le groupe entra par la massive double porte de bois qui menait à l'intérieur, et passa de la vaste étendue du désert à un espace confiné, aux couleurs chaudes, animées.

De courtes habitations à la couleur sable unie étendaient leurs toits plats dans les rues étroites. Une quantité phénoménale de tapis, toges et tissus en tout genre y étaient étendus : rouge sombre, ocre, orangé, comme si un coucher de soleil habitait les sinueux passages de la ville.