Héloïse
Comme Tristan l'avait pressenti, Frédéric ne fut pas contre l'idée de gérer le Comté de Nevers, sa seule crainte était de laisser notre mère seule. Je n'avais pas tort, il pensait toujours aux autres en premier et encore une fois face à cette proposition unique. Suite à la demande muette de Tristan, je les avais laissés seuls, il était certainement plus apte que moi à discuter avec Frédéric de ce qu'impliquait s'occuper d'un Comté. J'avais quitté le bureau pour faire un tour aux cuisines le temps de donner un coup de main puis j'avais fini par rejoindre ma mère en dehors des murs du château lorsque le soleil avait atteint son zénith.
Mes occupations allaient très certainement changer le jour où je serais mariée à Tristan alors j'appréciai encore un peu ma routine. J'aidai ma mère à la couture, ramassai le linge sec dans la cour derrière les cuisines et préparai le repas. Le temps s'étira lentement et aucun des deux hommes n'était revenu à la maison, ce qui commençait à m'étonner et m'inquiéter. Frédéric était-il finalement contre l'idée de partir dans le nord du royaume ? Allais-je devoir annoncer à mon père un refus pur et simple à sa proposition ? Mes inquiétudes tournoyaient dans mon esprit sans que je pusse m'en empêcher et toute forme de scénario s'esquissait à la volonté de mon imagination trop débordante au fil de l'après-midi.
Le ciel commença à s'assombrir quand finalement Frédéric franchit le seuil de la porte de notre logis. Son regard se posa immédiatement sur ma silhouette installée sur l'un des bancs autour de la table en bois.
- J'ai besoin que tu m'accompagnes au château avec maman.
Je fronçai les sourcils. Il commençait à être tard pour retourner là-bas, de plus accompagnés de notre mère.
- C'est pour régler ce dont on a parlé tout à l'heure dans le bureau de Tristan. Tu devrais changer ta robe, je crois deviner une tâche sur le corset... tu ne serais pas passée par les cuisines toi ? Me taquina-t-il.
- J'arrive, attendez-moi, répondis-je en plaçant ma main devant la fameuse tâche.
En ouvrant la porte de ma chambre, je découvris une robe soigneusement déposée sur ma couche. D'un bleu sombre et ornée de broderies dorées, elle rivalisait avec toutes celles que j'avais pu porter durant mon bref séjour à la cour de France.
- Il y a de quoi te changer sur ton lit, cria Frédéric depuis la pièce commune, se doutant de ce que je venais de trouver.
Mes doigts caressèrent l'étoffe en velours tandis que je me demandais qui l'avait déposée à cet endroit. Mettant de côté mes interrogations, je m'empressai de la passer à la place de celle tachée pour ne pas faire attendre plus longtemps ma famille. Malheureusement, après avoir complimenté ma tenue, ma mère me réprimanda pour ma coiffure désordonnée. Elle attacha un soin particulier à arranger ma chevelure, allant jusqu'à planter une épingle au sommet de ma tête qui retenait mes mèches d'un blond sombre en arrière, dégageant ainsi mon visage et la courbe de mon cou.
- Nous pouvons y aller, déclara ma mère satisfaite en contemplant son travail.
Lorsque nous pénétrâmes dans le château, ma mère nous abandonna, le temps de passer s'informer sur son travail du lendemain avant de nous retrouver plus loin. Frédéric insista pour que je pris son bras et il me guida à travers les couloirs, se trompant à plusieurs reprises et nous faisant perdre toujours un peu plus de temps alors que le crépuscule s'installait derrière les étroites ouvertures dans les murs. Il s'immobilisa finalement devant la porte fermée de la grande salle.
- Nous ne retournons pas dans le bureau de Tristan ?
- Ici, cela sera tout aussi bien, ne t'en fais pas, répliqua Frédéric avec un petit sourire.
Il jaugea une dernière fois ma tenue, ce qui me rendit encore plus suspicieuse envers ses agissements.
- Bien, nous pouvons y aller, indiqua-t-il au garde posté à côté de la porte.
Celui-ci nous l'ouvrit sur une pièce comble. Le Comte se tenait au bout de l'allée, son fils à ses côtés, avec un homme d'Église. Je suivis le pas de Frédéric, encore perdue et peinant à comprendre ce qu'il se passait.
Les gens se tournaient à mon passage au bord de l'allée, j'étais certaine que nous n'allions pas aborder la question du Comté de Nevers devant autant de personnes. J'aperçus même notre mère au premier rang de l'assemblée alors qu'elle devait passer aux cuisines. Mon frère n'avait tout de même pas fait tous ces détours uniquement pour permettre à notre mère d'arriver dans cette salle avant nous ? Frédéric s'arrêta au pied des marches de l'estrade et Tristan s'approcha de nous. Il me tendit sa main que je saisis après un dernier regard à mon frère qui paraissait plus qu'heureux.
Souriant, Tristan me fit gravir les marches jusqu'à la dernière où nous nous immobilisâmes.
L'homme d'Église sortit une lettre de la poche de son habit et défit le sceau royal après l'avoir montré à tous. Il déplia le papier légèrement jauni tandis que je jetai un regard curieux à Tristan. Il semblait parfaitement savoir ce qu'il se passait et souriait. En surprenant mon regard sur lui, il resserra ses doigts autour des miens.
- Nous, commença l'homme d'Église en lisant le papier devant l'assemblée silencieuse, dits Duc d'Orléans et Comte d'Armagnac, avons accordé, promis et juré, accordons, promettons et jurons que Sire Tristan d'Armagnac prendra Dame Héloïse, certifiée de noble naissance, pour femme et épouse par loyal mariage.
L'homme baissa le parchemin avant de poursuivre.
- Les sceaux et signatures des Duc d'Orléans et Comte d'Armagnac sont apposés à la suite. Vous avez un an pour vous unir à partir de ce jour.
Je restai immobile face au Comte d'Armagnac et à l'homme d'Église. Nos fiançailles venaient d'être prononcées devant une foule qui commença à manifester sa joie derrière nous. Tristan tira sur mes doigts pour me faire pivoter et je me retrouvai dans ses bras.
- Surprise, murmura-t-il contre mon cou. Le document était gardé par le coursier de ton père.
Je m'écartai de lui pour plonger mon regard dans le sien.
- Tu aurais pu me le dire quand même !
- Je voulais être sûr d'abord que tu voulais bien rester à mes côtés, la proposition concernant le Comté de Nevers est venue tout bouleverser.
Un raclement de gorge retentit derrière nous et nous nous tournâmes vers celui qui deviendrait mon deuxième père.
- Il est temps de passer au banquet de fiançailles ! Je vous invite à tous rejoindre la salle de fête pour poursuivre les festivités. Rejoignez-nous rapidement, ajouta-t-il un peu moins fort avec un sourire quand la foule se mit en mouvement.
Progressivement, la salle se vida et il ne resta plus que Tristan et moi. Me prenant par la main, il me tira jusqu'à la porte qu'il referma avant de se tourner vers moi avec un grand sourire qui le rendait encore plus séduisant. Et maintenant, tout le personnel du château savait qu'il était mon fiancé.
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Héloïse ou Le double jeu
Historical FictionAutant vous prévenir de suite, il y aura bien une demoiselle en détresse mais pas de dragon, pas de marraine la bonne fée ni de chevalier servant. Quant au noble qui doit épouser la demoiselle en détresse à la fin de l'histoire... c'est un Vicomte m...