31

1.1K 108 6
                                    

Héloïse

Je n'arrivais pas à croire que les hommes qui m'entouraient souhaitaient m'épouser alors qu'ils ne m'avaient jamais adressé la parole et que visiblement mon comportement ne les satisfaisait pas. Au moins, mon père avait fait preuve de bon sens en rejetant la demande du Vicomte de Turenne pour cette raison. Mais savoir qu'il pouvait encore accepter la demande émanant d'autres nobles que Tristan me rendait légèrement anxieuse.

- C'est assez à présent. Laissez moi donc regagner mes appartements sans m'interrompre pour vanter les avantages à vous marier avec Héloïse.

La voix de mon père s'éleva, tranchante, dans l'air. Certains comtes se jetèrent des regards surpris mais tous prirent au sérieux la menace silencieuse qui leur était adressée. La paix ou l'enfer à la cour. Très vite, l'espace autour de nous se vida de toute présence, ne laissant que Tristan et Frédéric.

- Votre Altesse, me laisseriez-vous raccompagner ma sœur à sa chambre ? Demanda-t-il en s'adressant à mon père.

- Faîtes donc, j'ai à parler avec Tristan d'Armagnac.

Je lançai un regard légèrement paniqué à Tristan. Cette soudaine envie de discuter était-elle une bonne chose ? Quoiqu'il en soit, je ne pouvais m'opposer à la volonté de l'héritier du trône même s'il était mon père. Alors après un dernier regard à Tristan, je posai ma main dans le creux du coude de mon frère et nous nous engouffrâmes à l'intérieur du château.

- Tout va bien se passer, ne t'inquiète pas, chuchota Frédéric au détour à force de me sentir me crisper sur son bras.

- Je ne peux pas m'en empêcher. Et s'il lui annonce qu'il refuse de lui donner ma main ? Tristan pourrait se montrer impulsif... Ou s'il l'envoyait sur une autre mission que sa protection ? S'il devait être obligé de partir sans que je puisse le suivre ?

- Arrête donc cela Héloïse, tu es en train de t'imaginer le pire alors qu'il n'y a surement pas à s'inquiéter de les savoir en train de discuter en tête à tête. Attendons de savoir de quoi il en retourne réellement avant de nous alarmer. Je demanderai à Tristan la teneur de leur conversation quand ils auront fini. En attendant, reste calme et essaye de te détendre avec tes femmes de chambre avant le dîner.

Nous étions arrivés devant la porte de mes appartements sans que je n'ai pu m'en rendre compte puisque j'étais perdue dans mes inquiétudes. Frédéric me laissa là dès que Charlotte eut ouvert la porte pour m'inviter à l'intérieur d'un geste du bras.

- Alors Mademoiselle, comment s'est passée votre entrevue avec le fils du Comte d'Armagnac ? Me demanda Marguerite dès que je fus assise dans un fauteuil dont l'assise rembourrée était plus que confortable.

- Il est avec mon père en ce moment, je ne sais pas si c'est une bonne chose. Et le nombre de mes prétendants, bien qu'il vienne de diminuer, est encore affreusement haut à mon goût.

- Ne vous inquiétez pas, je suis certaine que votre père le Duc considère plus Tristan d'Armagnac que n'importe lequel de vos autres prétendants. Il a eu l'occasion de le voir se battre pour le protéger. C'est bien plus qu'à fait chacun des hommes qui se pressent aux pieds de votre père.

- Je ne sais pas, je suis tout de même inquiète.

Je renversai ma tête contre le dossier du fauteuil tandis que Charlotte attrapait mes cheveux pour les démêler, ce qui était devenu l'une de ses activités préférées depuis qu'elle les avait touché pour la première fois.

- Nous allons vous préparer pour le dîner, ne pensez qu'à votre bien-être pendant que nous nous occupons de vous.

Un long moment s'était écoulé depuis que Charlotte et Marguerite s'étaient mis en tête de me bichonner pour une simple apparition au dîner avec la cour lorsqu'on frappa à la porte de mes appartements. Marguerite se précipita vers elle pour aller l'ouvrir.

- Bonsoir votre Altesse, elle est prête.

- Très bien, dites lui que je l'attends pour rejoindre la grande salle.

Le bruit de la porte qui se referma résonna dans la pièce et Marguerite revint auprès de nous.

- Votre père vous attend pour vous accompagner jusqu'à la salle du dîner.

Je me levai, engoncée dans une robe d'un rouge bordeaux cette fois-ci. Plus je passais de temps ici, et plus j'avais l'impression que les parures dont on m'habillait valaient une fortune. Perles, fils dorés, étoffes inestimables... Tout cela me mettait autant mal à l'aise qu'au début, surtout que cela attirait le regard d'hommes pour lesquels j'aurais préféré rester une anonyme. Dès que je fus dans le couloir, mon père me tendit son bras pour que je puisse y poser ma main jusqu'à la salle du dîner.

Pas un mot ne fut prononcé jusqu'à ce que nous nous retrouvâmes devant les portes closes de la salle de réception. Le Duc d'Orléans fit signe aux deux gardes postés de chaque côté de l'ouvrir pour que nous pénétrions à l'intérieur. Quand ils saisirent les poignées, j'entendis la voix de mon père résonner dans le couloir avant que nous nous retrouvions aux yeux de tous.

- J'ai pris ma décision au sujet de vos prétendants.

Mon cœur rata un battement et je me forçai à ne pas regarder mon père tout en gardant un visage impassible tandis que nous commencions à nous avancer vers la foule. Mon sort était à présent scellé mais je ne savais de quoi il s'agissait. Je n'allais sûrement pas tarder à le savoir mais l'angoisse m'étreignait à l'idée de la déception que je pourrais ressentir si mon père m'avait promise à un autre que Tristan.

Le Duc d'Orléans me guida jusqu'à nos places autour de la grande table dressée dans la pièce regorgeant d'invités. J'avais l'impression que les nobles se pressant autour de nous étaient plus nombreux que les autres soirs mais ce n'était peut-être qu'une impression due à ma sensation d'angoisse qui grimpait à mesure que je comprenais que mon père ne me révèlerait pas immédiatement la teneur de sa décision.

Mon père adressa quelques mouvements de têtes à ceux qui venaient le saluer mais il ne s'attardait pas, affichant clairement son intention de gagner nos places assises. Nous finîmes par nous asseoir non loin du Roi sans qu'un mot ne fut prononcé. Cela sembla être le signal pour les nobles gagnassent leur place puisque quelques minutes plus tard, tout le monde avait gagné les bancs, hormis les domestiques qui étaient alignés le long du mur, les mains dans leur dos, et les gardes encadrant la porte d'entrée.

Mon regard chercha mon frère et Tristan parmi les convives mais il ne trouva que Constance de Nemours, ce qui ne m'enchantait pas. Rien n'avait changé dans sa posture depuis que je ne l'avais plus revue, tout dans l'excès, aucune pudeur. Je détournai le regard, ne souhaitant pas observer plus longtemps celle qui malmenait le sommeil des employés de ce château, et jetai un œil à mon père qui venait de se lever et d'imposer le silence dans la pièce par la même occasion.

- J'ai une annonce à tous vous faire. Depuis mon retour à la cour, beaucoup d'entre vous sont venus me demander la main de la jeune Héloïse assise à mes côtés. J'ai pris une décision concernant toutes vos demandes. Il me paraît évident qu'un seul homme peut l'épouser.

Héloïse ou Le double jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant