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Tristan

- Maintenant que nous nous sommes assez éloignés du château, est ce que tu pourrais m'expliquer à quoi tu joues avec ma sœur ? Me demanda Frédéric en tirant sur les rênes de sa monture pour la faire ralentir.

Nous chevauchions depuis presque une heure en direction du château où s'était installé le Roi avec toute sa cour. Et l'endroit où le Vicomte de Marsan et mon père se rendaient. Le château d'Amboise était un lieu où j'avais déjà pu me rendre à de rares occasions, mais cela ne me concernait jamais directement comme cette fois. Je savais que je n'allais pas échapper à un interrogatoire de mon ami au sujet de ma relation avec Héloïse mais j'espérais tout de même qu'il attendrait un peu plus longtemps avant de me confronter.

- Je ne joue pas.

Frédéric passa devant moi et arrêta son cheval de sorte à me forcer à l'arrêt aussi.

- Tu ne joues pas ? J'apprends que vous avez passé la nuit dans la même chambre ! Et je n'ai vu qu'une couche, alors je suppose aussi que vous avez dormi dans le même lit ? Ose me dire que j'ai tort... Et tu as toi-même admis que tu l'avais touchée ! Je ne voulais pas m'énerver devant elle tout à l'heure, mais maintenant tu vas devoir passer à table. Tu veux en faire ta maîtresse ?

- Frédéric, je pensais que tu me connaissais mieux que ça...

- Tu as déjà eu une maîtresse, alors rien ne me garantit que Héloïse ne sera pas la suivante.

- Tu sais très bien que ma maîtresse précédente était une veuve et que jamais je n'oserais m'adonner aux plaisirs de la chair avec une femme encore pure.

- Alors c'est quoi ton objectif avec elle ? Tu vas attendre qu'elle soit mariée au Vicomte pour la mettre dans ton lit ?

Frédéric me fit voir rouge, jamais une telle idée ne m'avait effleurée et actuellement l'idée que le Vicomte consommât son mariage avec elle me répugnait au plus haut point.

- Je refuse qu'elle épouse cet homme ! Pourquoi est ce que tu crois que je suis prêt à me battre en duel avec lui ? Je ne veux pas qu'il la touche. La simple idée de ce mariage m'écœure.

- Je peine toujours à comprendre tes intentions Tristan, murmura Frédéric en secouant la tête.

Je soufflai un coup avant de me lancer.

- Je compte la libérer de son mariage pour faire les choses correctement. Elle est promise à un homme et lui faire la cour serait mal vu.

- J'ai bien l'impression que ce que vous partagez déjà dans l'intimité de la chambre serait mal vu, grommela Frédéric avant d'écarquiller les yeux. Attends, tu veux lui faire la cour ? Tu comptes lui demander sa main ?

Je hochai la tête, observant son visage pour guetter la moindre de ses réactions.

- Mais tu la connais trop peu, ça doit faire une semaine que vous vous côtoyez !

- Non, on s'est croisé pour la première fois il y a trois ans, avant que je parte. Et depuis elle hante mes rêves. Et tu as passé des années à me parler d'elle. Je suis sûr de moi, mais je ne sais pas comment elle réagira.

- Commençons par régler le problème du mariage avec le Vicomte de Marsan avant de penser à cela.

Frédéric remit son cheval en marche et je suivis le mouvement. Il avait bien raison sur ce point, le problème le plus urgent était le Vicomte de Marsan qui comptait traîner mon père dans la boue parce que la femme qu'il comptait épouser de force avait disparu. Mais je m'étonnais quand même de voit Frédéric lâcher le sujet de la cour que je comptais faire à sa sœur.

D'ailleurs je ne pouvais m'empêcher de penser à elle. Que faisait-elle maintenant que nous étions partis ? Le Duc d'Orléans cherchait-il encore après elle ? Je soupirai et tentai de me concentrer sur le discours que j'allais devoir servir au Vicomte pour le convaincre d'attendre encore un peu avant de réclamer une audience au Roi. Ma blessure me tirait encore un peu trop pour que je le provoquasse dès mon arrivée et par dessus tout j'avais promis à Héloïse de ne pas le faire.

¤ - ¤ - ¤
Héloïse

Le silence régnait dans le couloir quand je quittai ma chambre. Mes cheveux avaient été soigneusement coiffés et j'avais enfilé la même robe que pour le soir de la réception. J'inspirai un grand coup avant de me lancer à la recherche du Duc. J'arrivai dans la grande salle qui était presque vide, nous étions encore loin du repas et le petit-déjeuner était passé depuis un moment. Je reconnus Adélaïde en train de nettoyer les tables.

- Bonjour Adélaïde.

Elle se redressa brusquement et quand elle me vit elle fit une révérence maladroite.

- Bonjour ma dame. Si vous cherchez messire d'Armagnac, il est parti ce matin.

- Merci Adélaïde, à vrai dire, je cherchais le Duc d'Orléans. Pouvez vous me renseigner ?

- Il est dans son bureau, voulez-vous que je vous y conduise ?

J'acceptai et elle me guida dans le couloir, me jetant quelques coups d'œil curieux de temps en temps. Les autres domestiques que nous croisâmes firent de même et je mesurai la portée de la curiosité que j'avais suscitée en me présentant au banquet, de surcroît sans faire annoncer mon identité.

- C'est ici, voulez-vous que je vous annonce ?

- Non, ça ne sera pas nécessaire. Merci beaucoup Adélaïde.

Elle disparut à l'angle de couloir et je fixai, légèrement tremblante, la porte en bois massif devant moi. Rassemblant tout mon courage, je frappai la porte. D'un ton un peu bourru, le Duc m'invita à entrer. Je n'osai pas lever les yeux lorsque j'entrai dans la pièce et gardai le regard baissé, fixé sur le tapis recouvrant le parquet. J'entendis des froissement de feuilles, des pieds de chaises frottant le sol et enfin les chaussures du Duc apparurent dans mon champ de vision.

- Je vous ai fait chercher ces derniers jours, vous étiez introuvable.

- Pourtant je n'étais pas loin Messire.

- Peut-être voulez-vous vous asseoir ?

J'acceptai et il me guida jusqu'à un fauteuil en face de son bureau avant de s'installer sur celui d'à côté.

- Je ne pensais pas vous revoir un jour après vous avoir laissée au couvent. Comment avez-vous su pour moi ? J'avais demandé aux nonnes de ne rien vous dire.

Je tirai la chaîne pendant autour de mon cou pour faire sortir la bague du corset et la lui tendis.

- Comment l'avez-vous récupérée ?

- Je ne suis pas restée au couvent quand vous m'y avez laissée, j'ai été confié à la sœur d'une nonne qui avait déjà un enfant, elle était plus apte à s'occuper de moi. Et cette nonne m'a donné la bague il y a quelques semaines quand j'ai voulu vous retrouver.

- Au risque de me répéter, vous ne deviez rien savoir de moi.

Je me ratatinai dans mon fauteuil face à ses reproches.

- Je le sais mais la situation nécessitait que je vous retrouvasse.

- Que se passe-t-il ?

- Le couvent a donné sa tutelle à un Vicomte qui souhaite m'épouser contre mon gré.

- Nous sommes à une époque où la femme n'a pas son mot à dire.

Il comptait refuser de m'aider ? Je ne pouvais y croire. Tous mes efforts ne pouvaient être vains. J'avais traversé un bout du Royaume de France, travestie en homme, pour immédiatement essuyer un refus catégorique ?

- Ce Vicomte violente ses servantes et a tué ses précédentes épouses. Avez-vous à ce point si peu de considération pour votre fille pour consentir sans mot dire de la laisser aux mains de cet homme ?

Le Duc m'observa en silence, assez surpris par le ton que j'avais employé avec lui. Je baissai les yeux.

- Je suis navrée, je n'aurais pas dû m'exprimer comme cela. Je ne voulais pas vous déranger avec mes problèmes, je vais vous laisser, vous devez avoir des affaires autrement plus importantes à traiter.

Héloïse ou Le double jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant