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Vous êtes de plus en plus nombreux à suivre les aventures de Tristan et Héloïse alors merci à tous !

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Tristan

J'avais poussé ma monture dans ses retranchements afin d'atteindre Lectoure le plus rapidement possible. Par rapport au temps qu'il m'avait été nécessaire pour gagner Orléans à l'aller, j'avais un jour d'avance lorsque je franchis les portes de la ville dans la nuit. J'avais envisagé de retrouver Héloïse dès mon retour mais l'heure était si avancée qu'il était préférable que j'attendîs le lendemain.

Je laissai mon cheval à l'écurie puis traversai les couloirs silencieux du château dans la pénombre afin de gagner ma chambre. J'étais épuisé par le voyage même s'il m'était difficile de l'admettre. De plus, je n'avais cessé de penser à proposition du Duc à Héloïse. Le coursier de Louis d'Orléans avait dû arriver quelques jours auparavant et ma fiancée avait peut-être déjà pris sa décision. Pour des raisons égoïstes, j'espérais qu'elle refuse. Le Comté de Nevers était bien trop loin à mon goût pour qu'elle accepte d'en être la nouvelle comtesse car si tel était le cas, nous voir deviendrait ardu. Nous aurions tous les deux des responsabilités dans nos comtés qui nous empêcheraient de les quitter plus d'une semaine.

Ces pensées perturbèrent mon sommeil et je me réveillai épuisé aux aurores. Sans perdre de temps, j'enfilai des vêtements convenables pour me présenter en tant que fiancé à la mère d'Héloïse et gagnai les couloirs du château qui s'éveillait juste. Certains domestiques furent étonnés de me voir les saluer gaiement et je piquai quelques pâtisseries à la cuisine pour ne pas arriver les mains vides.

Lorsque je fus devant la porte de la petite masure habitée par Héloïse, sa mère et son frère, je me souvins de la dernière fois où je m'étais trouvé à cet endroit. J'avais réellement pris Héloïse pour un jouvenceau et il m'avait fallu plus d'une longue semaine pour découvrir la supercherie.

Je frappai à la porte avant de me rendre compte que je risquais de tous les réveiller en venant si tôt. Toutefois, Frédéric m'ouvrit la porte et sa tenue me laissait penser qu'il était déjà debout.

- Entre, ma soeur sera ravie de te voir. Elle est intenable depuis que le messager du Duc a annoncé ton retour.

- Où est-elle ? Demandai-je en pénétrant dans la pièce principale.

- Elle dort encore, tu peux peut-être la réveiller, me suggéra-t-il en m'indiquant une porte du doigt.

Je hochai la tête et m'approchai silencieusement de la porte désignée, du bout des doigts je l'ouvris. La pièce était plongée dans la pénombre mais je distinguais sans mal la silhouette d'Héloïse sous la courtepointe, les cheveux répandu en auréole autour de son visage sur les draps de sa couche. Je restai un instant immobile à l'entrée de la pièce, fasciné par le spectacle qui s'offrait à moi.

En faisant le moins de bruit possible, je vins m'asseoir au bord de sa couche et mes doigts frolèrent la peau douce de sa joue. Elle eut un frémissement mais ne se réveilla pas. J'accentuai ma caresse en murmurant son prénom pour l'aider à quitter le monde des songes. Cette fois, elle bougea, se retourna et son bras vint entourer ma taille tandis qu'elle laissait échapper mon prénom dans un soupir.

- Oui je suis là.

Elle ouvrit brusquement les yeux, réalisant qu'elle ne rêvait pas. Son regard encore un peu embrumé par le sommeil se planta dans le mien et elle se redressa au même instant que je me baissai. Nos lèvres se frolèrent à mi-chemin avant de réellement se retrouver depuis des semaines.

Après avoir échangé un baiser de retrouvailles, Héloïse se blottit dans mes bras. Un raclement de gorge derrière la porte nous sortit de notre bulle.

- Héloïse, maman est levée, nous informa Frédéric. Je crois que tu as quelque chose à lui annoncer.

Elle quitta mes bras et se redressa sur sa couche avant de me demander de l'attendre dehors. Lorsqu'elle nous rejoignit dans le salon, elle avait passé une robe qui me laissait deviner ses formes et dont le rouge sombre mettait en valeur l'éclat lumineux de sa chevelure. Elle s'installa sur le banc en face de moi, de l'autre côté de la table. Sa mère déposa une miche de pain entamé et du fromage aux côtés des pâtisseries que j'avais amenés avant de s'asseoir à côté de sa fille adoptive.

- Je suis ravie de voir que vous êtes de retour Messire. Que nous vaut l'honneur de votre visite de si bonne heure ?

Soudainement, je me sentis intimidé devant cette femme qui avait élevé ma fiancée. Elle semblait être une force de la nature, toujours dynamique malgré le temps qui agissait sur son corps.

- Comme vous le savez certainement, nous avons fait annuler la tutelle que le Vicomte de Marsan avait sur Héloïse.

Sa mère hocha la tête, signe qu'elle en avait bien été informée.

- Héloïse étant libre de tout engagement, j'ai demandé sa main à son père. Il a accepté.

Le regard de la mère de Frédéric alla de moi à une Héloïse souriante et inversement, elle semblait assimiler ce que je venais de lui annoncer. Brusquement, elle se tourna vers sa fille adoptive et la prit dans ses bras avant de déposer un baiser sur son front.

- Que tu sois heureuse est tout ce qu'il compte.

Puis elle se leva pour venir se planter face à moi.

- Debout mon garçon.

Je lui obéis et à mon tour elle me serra dans ses bras.

- Prends soin d'elle. Et bienvenue dans la famille.

Je la remerciai tandis que mon regard plongeait dans celui de ma future fiancée de l'autre côté de la table en bois où le petit-déjeuner n'avait toujours pas été touché. Elle me sourit, plus radieuse que jamais.

Il me fallut plus d'une heure pour pouvoir quitter leur habitation avec Héloïse à mon bras afin de regagner le château pour la présentation officielle de ma future femme à mon père le Comte. Nous avions droit à quelques regards étonnés des membres du personnel en traversant les couloirs du château. Aucune annonce n'avait été faite en dehors de celle du Duc d'Orléans lorsque nous étions au domaine royal.

Mon père accueillit avec plaisir Héloïse et je savais qu'il la considérait déjà différemment des autres jeunes filles du personnel depuis que ma mère s'était prise d'affection pour elle. Vint enfin le temps où nous nous retrouvâmes seuls. Je guidai Héloïse jusqu'à ma pièce de travail et la laissai s'installer sur un fauteuil couvert de velours vert sombre. Je m'appuyai contre le bureau en bois en la contemplant. Je savais que nous allions à présent aborder la seule ombre au tableau.

- Il faut que je te parle de la proposition de mon père pour le Comté de Nevers, annonça Héloïse son regard plongé dans le mien.

Nous y étions.

Héloïse ou Le double jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant