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Tristan

Elliot agissait étrangement depuis qu'il avait été blessé et je me demandais s'il n'avait pas perdu plus de sang que ce que je croyais. Quelques coups furent frappés à la porte et je me levai sans quitter Elliot qui venait de s'évanouir des yeux.

- Oui, dis-je en ouvrant la porte.

- Je suis le médecin du Duc d'Orléans, on m'a dit que vous auriez besoin de mon aide.

- Je vais m'occuper de mon valet, dîtes-moi seulement ce que j'ai à faire et laissez-moi votre matériel.

Le médecin parut surpris par ma réaction et moi-même je ne m'expliquais pas la raison de ma décision, mais Elliot avait eu l'air peu enclin à ce que les autres le vissent dans cet état vulnérable. Le médecin, légèrement pantois, laissa la servante qui le suivait poser un récipient empli d'eau chaude et un linge propre à l'intérieur de la chambre. Il me donna ensuite des onguents à étaler sur la plaie et de quoi bander la blessure. Je le remerciai avant de m'empresser de fermer la porte pour m'occuper d'Elliot.

Je soulevai le bas de sa tunique et de sa chemise juste au-dessus de son nombril pour mettre à l'air libre la blessure sur sa hanche. Heureusement, celle-ci avait l'air peu profonde et le sang avait cessé de couler. Je trempai le linge dans l'eau chaude avant de le passer sur la plaie pour enlever toute trace de sang. Suivant les indications du médecin, j'étalai ensuite l'onguent sur la peau à vif et bandai le tout. Au moment de recouvrir le bandage avec le vêtement, une tâche blanche attira mon regard. Je soulevai un peu plus la chemise d'Elliot et mon regard rencontra un second bandage, au niveau du torse.

- Mais qu'est ce que...

Je baissai son vêtement pour recouvrir les bandages et passai ma main sur son torse : ce que je prenais pour des muscles était anormalement tendre. Pris d'un puissant doute, né de l'accumulation d'éléments me troublant fortement, je posai ma seconde main là où aurait dû se trouver une chose qui visiblement n'y était pas. À travers la toile du pantalon, je ne sentais qu'une courbe typiquement féminine.

J'avais eu un doute avant que l'arrivée du cavalier du Duc nous interrompît : ses yeux m'avaient semblé de la même teinte que le regard que j'avais croisé à la fenêtre la veille et, même si je n'étais pas sûr que ce fût elle, ça me l'avait fait percevoir différemment avec ses joues imberbes. Je m'étais alors fait la remarque qu'Elliot avait fuit le bain dans le ruisseau avec les autres hommes lors de notre première nuit à la belle étoile.

Ce qui ressemblait à un gémissement me sortit de mes pensées et j'observai le visage d'Elliot, à condition qu'il s'agît bien de son prénom. Ses yeux étaient entrouverts et me fixaient. Ses cils papillonnèrent un instant, signe qu'il -ou plutôt elle- était encore faible.

- Qu'est ce... que vous... vous faîtes ?

Je me rendis compte que ma main était toujours posée à cet endroit que je savais sensible chez les femmes. Mais je me sentais incapable de la retirer, ça la rendait vulnérable et tremblante sous mes doigts et, après avoir compris que pendant près d'une semaine elle avait maîtrisé son rôle presque à la perfection, je voulais la voir perdre le contrôle et se défaire de son masque. Je fis un léger mouvement de caresse du bout du doigt sur son pantalon et un hoquet s'échappa de ses jolies lèvres qu'elle mordit ensuite pour empêcher un quelconque son d'en sortir. J'accentuai ma caresse et osai descendre mes doigts un peu plus bas, permettant à d'autres discrets gémissements de se faire entendre dans la pièce. Mais j'immobilisai ma main, incertain quant à son accord sur ce que je lui faisais ; je me refusais à être de ces nobles qui disposaient des femmes comme bon leur voulait, sous simple prétexte qu'ils étaient nés avec un titre.

Un grognement de frustration franchit la barrière de ses lèvres mais mes doigts restèrent là où ils étaient sans esquisser le moindre mouvement sur la toile qui me séparait de sa féminité palpitante.

- Bon dieu, ce n'est pas le moment de s'arrêter...

Après cette autorisation lâchée du bout des lèvres, mes doigts reprirent leur mouvement sensuel toujours sur le tissu du pantalon. Ses hanches commençaient à se soulever pour accompagner ma caresse et sa respiration s'accéléra. Je penchai mon visage vers le sien, de sorte que mon souffle vint caresser son oreille.

- Quel prénom dois-je utiliser pour susurrer des mots doux ? Murmurai-je en espérant tirer une information de ce moment intime.

Je savourai le frisson que ma voix rendue rauque par le désir lui provoqua. Sa respiration se faisait courte et était entrecoupée de légers gémissements.

- Vous le connaissez déjà, répondit-elle enfin entre deux halètements.

Je fronçai les sourcils avant de mettre cette information de côté et de me concentrer sur ma main. Mes doigts se firent tantôt légers comme des plumes pour lui arracher des soupirs de satisfaction tantôt plus insistants pour emplir la chambre de ses gémissements incontrôlés.

- Regardez-moi, chuchotai-je au creux de son oreille.

Je voulais voir son masque se fissurer lorsque mes doigts la libéreraient de la tension qui l'habitait. Ses yeux cherchèrent les miens pour ne plus les quitter jusqu'à ce qu'enfin ses muscles se tendissent dans un dernier sursaut et que l'ultime gémissement quittât ses lèvres. Immédiatement après, son regard fuit le mien et ses pommettes se colorèrent d'un rose marqué.

Profitant du fait qu'elle regardait ailleurs, je tendis ma main vers sa capuche et son chapeau de feutre pour les retirer et enfin savoir s'il s'agissait bien de la créature que j'avais aperçu à la fenêtre mais, attirée par mon mouvement, elle retourna la tête vers moi. Un éclat de panique traversa ses prunelles tandis que je suspendais mon geste et qu'elle reculait brusquement contre le mur en baissant un peu plus sa capuche pour se dissimuler. Une plainte douloureuse s'échappa de ses lèvres qui, quelques secondes plus tôt, laissaient encore sortir ses petits cris de plaisir et elle porta une main à sa blessure. J'approchai à nouveau ma main d'elle pour vérifier le bandage de sa blessure mais elle le prit encore comme une menace et tira la dague qui était dissimulée dans l'une de ses bottes.

- Reculez s'il vous plaît, supplia-t-elle.

- Je veux juste vérifier l'état de la blessure après ce mouvement brusque, justifiai-je.

- Je le ferai seule.

- Est ce que vous comptez maintenant me dire et me montrer qui vous êtes ?

Elle baissa un peu plus la tête en ramenant ses genoux vers elle. À cet instant, on aurait dit un animal apeuré. Elle secoua légèrement la tête de négation alors je m'assis sur le lit avant de m'approcher d'elle.

- Reculez, supplia-t-elle à nouveau.

Lorsque je fis un mouvement supplémentaire, sa dague se retrouva sur mon cou, la lame froide à peine posée contre ma peau. Je m'immobilisai, cette femme avait l'audace de me menacer avec une arme et de s'opposer à mes désirs.

- Vous comptez vraiment vous servir de cette arme pour préserver votre identité un peu plus longtemps ? Demandai-je étonné.

Sa main trembla un peu. J'appuyai volontairement un peu plus ma peau contre la lame pour voir jusqu'où elle serait prête à aller. Brusquement, sa main relâcha la dague qui tomba en silence sur le matelas.

- Je suis incapable de vous blesser, murmura-t-elle en détournant la tête.

Je me levai en silence et remis un peu d'ordre dans ma tenue.

- Je vais vous laisser vous remettre de votre blessure mais en attendant vous resterez enfermée dans cette chambre.

Je quittai la chambre avec un dernier regard à l'inconnue qui s'était légèrement détendue avant de verrouiller la porte. La clé alla rejoindre ma poche. Il était hors de question que quelqu'un d'autre se rendît compte de son secret, cela pourrait la mettre en danger et je doutais qu'elle se soit travestie par simple amusement.

Héloïse ou Le double jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant