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Héloïse

Je resserrai une dernière fois la bande de tissus autour de ma poitrine en observant le résultat dans un miroir émaillé. La courbe de mes seins avait presque disparu au profit d'une légère bosse, que je couvris en enfilant une chemise prêtée par mon frère. Je nouai le petit lacet autour du cou avant d'enfiler la tunique en tissu vert mousse par-dessus.

Je quittai ma petite chambre et me rendis dans la salle commune. J'attrapai le couvre chef en feutre laissé par mon frère et le mis en veillant à ce que toute la tresse de mes cheveux y soit bien cachée. Lorsque j'entrai dans la pièce, ma mère eut un sursaut sur le banc et me fixa avant d'ouvrir la bouche en grand.

- Je t'ai réellement prise pour un jeune homme ! Héloïse, tu ressembles à s'y méprendre à un garçon dans cette tenue.

Une minute plus tard, la porte s'ouvrit derrière moi.

- Ah Elliot, tu es là, je t'ai cherché dans tout le château pour te présenter au Seigneur Tristan, s'exclama mon frère dans mon dos.

Frédéric n'avait pas vraiment fait d'effort pour trouver un prénom masculin qui ne permettrait pas de rapprochement avec le mien. Je me retournai et me retrouvai nez à nez avec mon frère et un autre homme.

- Messire, dis-je en exécutant une révérence devant Tristan et en priant pour ne pas perdre le chapeau de feutre.

- Redressez vous Elliot, Frédéric m'a dit que vous étiez la personne idéale pour me servir en tant que valet et écuyer.

Sa voix était encore plus captivante que dans mon souvenir. J'osai enfin poser mon regard sur lui. Le bleu de ses yeux était saisissant et je ne parvenais pas à m'en défaire. Ce fut en voyant qu'il fronçait les sourcils que je compris qu'il attendait une réponse de ma part.

- Je l'espère Messire.

- Très bien, suivez moi, nous allons tester vos capacités à manier l'arc dans les bois.

Je sortis derrière lui, Frédéric sur mes talons. Durant la descente jusqu'aux bois en dehors des remparts, j'eus le temps de détailler les mouvements que faisaient les muscles de Tristan sous le tissu de sa tunique. En trois années, il était passé d'un adolescent ravissant à un jeune homme séduisant. Les servantes avaient dû se jeter sur lui à son retour. Je secouai la tête pour me débarrasser de ces pensées malvenues. Arrivés à l'orée du bois, Frédéric me tendit un arc avec un sourire encourageant. Une cible était installée à quelques pas de moi. Un tir d'échauffement. Une minute plus tard, la flèche se planta en plein milieu de la cible et Tristan eut un petit mouvement satisfait de la tête.

- Je vais marquer la seconde cible, annonça t'il en se dirigeant vers le bois.

Il avança et au bout d'une dizaine de toises, se planta devant un arbre. Il sortit sa dague de son fourreau et grava une croix dans l'écorce avant de revenir se positionner à côté de Frédéric.

- Montrez moi de quoi vous êtes capable Elliot.

Je me mis en position de tir, le buste de profil, les pieds solidement ancrés dans le sol, le coude remonté et la corde tendue. J'expirai doucement tout l'air de mes poumons en fixant le centre de la croix du regard et relâchai la corde de l'arc. L'air siffla dans les plumes d'oies de la flèche tandis qu'elle parcourait la distance qui la séparait de la cible. Elle acheva sa course à moins de deux pouces* du centre de la croix. J'aurais pu faire mieux, Frédéric m'avait soumise à un entraînement bien plus compliqué que ce tir. Tristan laissa échapper un petit sifflement.

- Vous êtes engagé Elliot, à peine la moitié des hommes que j'amène avec moi sont capables de tirer si près de la cible à une telle distance. Je vois que Frédéric a été un excellent professeur.

Héloïse ou Le double jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant