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Frédéric nous trouva toutes les deux endormies l'une contre l'autre en rentrant au logis dans l'après-midi. Il fit attention à ne pas nous réveiller brusquement, de peur de subir les foudres de sa mère levée du mauvais pied. Il avait l'air assez inquiet et son expression faciale accéléra mon réveil.

- Que se passe-t-il ? Lui demandai-je.

- Le Vicomte de Marsan est en train de faire un esclandre chez le Comte pour te voir. Il faudrait que tu y ailles si nous ne voulons pas craindre des représailles à l'encontre du Comte. Quand je suis parti, ils n'étaient pas loin du duel...

Une sueur froide parcourut ma colonne vertébrale à ces mots. Je me levai alors que ma mère essayait de me retenir par le poignet, le temps de me nouer une coiffe d'un blanc immaculé autour des cheveux. Je suivis ensuite mon frère à travers les rues pavées de Lectoure jusqu'au château. Trop de domestiques étaient rassemblés dans la cour, à croire qu'ils avaient désertés l'intérieur. Ils nous regardèrent passer en courant tandis que nous entrions et traversions les couloirs jusqu'à la salle de réception où des cris nous parvenaient de plus en plus forts alors que nous nous approchions. Nous déboulâmes dans la salle et, pendant une seconde, j'espérai qu'arriver en sueur et en courant, ce qui était un terrible manquement à l'étiquette, dégoûterait le Vicomte de Marsan. Mais à voir le regard qu'il m'adressa, ce ne fut pas le cas.

- Ma chère épouse ! S'exclama t'il en venant vers moi. Figurez-vous que...

- Que je sache, nous ne sommes pas mariés pour l'instant, assenai-je froidement.

- Justement, c'est à ce sujet que je voulais vous voir mais le Comte ne semblait pas disposé à me laisser entrevoir votre charmant minois.

- Cela n'a rien d'étonnant, aucun homme ne serait assez fou pour vous laisser approcher une femme.

- Je vous trouve beaucoup plus virulente qu'à notre dernière rencontre ma chère. Mais passons. Je suis venu vous annoncer que nous allons nous marier au début du mois prochain.

- Non !

Ce mot était sorti en même temps de ma bouche et de celle de Frédéric.

- Comment cela non ? Demanda le Vicomte. Il ne me semble pas que je vous avais demandé votre avis.

- Je ne peux pas me marier au début du mois prochain... je euh... en fait nous devrions attendre d'avoir passé les fêtes de l'assomption.

- Pourquoi attendre ? Vous êtes sous ma tutelle depuis plusieurs semaines, vous avez de la chance de ne pas déjà être mienne depuis ce temps !

- C'est soit ça, soit j'entre dans les ordres et de façon définitive.

Le Vicomte pâlit en me fixant. Il ne devait pas être habitué à ce qu'on lui tienne tête et encore moins que cette opposition vienne d'une femme.

- C'est impossible, vous êtes sous ma tutelle ! S'exclama t'il.

- Vous prendriez vraiment ce risque de vous confronter à notre Seigneur ? Demandai-je en ayant l'air sûre de moi alors que j'avais peur de craquer l'instant suivant.

- Vous n'êtes qu'une...

¤ - ¤ - ¤
Tristan

Ce Vicomte cassait les pieds de mon père et commençait à échauffer mes nerfs d'acier. Ce qui était un exploit.

- J'exige de voir l'orpheline hébergée par l'une des femmes qui travaillent pour vous. Sachez que la jeune fille est sous ma tutelle, vous ne pouvez pas m'empêcher de la voir.

- Et sachez que je me demande bien comment une telle chose a pu se produire ! Vous feriez mieux de laisser cette jeune fille tranquille, répliqua mon père à bout de nerfs.

Héloïse ou Le double jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant