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Héloïse

Tristan me fixait, appuyé nonchalamment contre son bureau, en attendant que je poursuivis sur cet épineux sujet. J'avais pris le temps de bien réfléchir pendant les quelques jours qui venaient de s'écouler à la proposition du Duc mais je ne pouvais pas prendre de décision définitive sans en avoir parlé à Tristan alors que dans peu de temps nos vies seraient à jamais liées.

- Le Comté de Nevers est loin d'ici, commençai-je, mais je ne peux pas refuser la proposition de mon père après ce qu'il a fait pour moi, pour nous. Attends Tristan, le calmai-je ne voyant ses poings se crisper et la tristesse envahir son regard, laisse-moi finir mes explications. Ce n'est pas parce que je ne peux pas refuser que je compte entièrement accepter. Je voulais proposer au Duc de laisser le domaine aux mains d'un intendant s'il ne veut pas d'une autre personne pour porter le nouveau titre.

- Je ne comprends pas ce que tu veux dire par là, répliqua Tristan en passant une main dans ses cheveux et en s'appuyant un peu plus sur le meuble en bois.

J'expirai en voyant qu'il écoutait mes explications avec attention et ne s'était pas arrêté à l'instant où j'avais annoncé qu'il me serait difficile de refuser.

- Après tout ce que Frédéric a fait pour moi, je me suis dit que ce domaine serait une façon de le remercier. Un jour, notre mère mourra, je serai contrainte de te suivre dans tes déplacements et il n'aura plus personne. Avec ce Comté, c'est l'occasion pour lui de commencer sa vie, il a passé trop de temps à se soucier du bien être de ma mère et du mien pour se soucier du sien. Il est plus âgé que toi et n'a toujours pas trouvé de femme avec qui fonder un foyer parce qu'il se préoccupe trop de sa famille. Si mon père et mon frère acceptent, Frédéric pourrait devenir le nouveau Comte de Nevers. Si seulement mon père refuse, je le nommerai intendant du Comté que mon père me propose.

Tristan vint s'asseoir sur le deuxième fauteuil et lia ses doigts aux miens.

- Tu n'en as pas encore parlé avec ton frère ?

Je secouai la tête et Tristan soupira.

- Je ne pense pas qu'il refuse, il sait parfaitement quelles responsabilités incombent aux Comtes pour s'être plusieurs fois invité dans mes leçons plus jeune. Il a un don naturel pour guider les autres, ce n'est pas pour rien qu'il est Premier chasseur de mon père. Le plus difficile sera peut-être de se séparer de vous mais votre mère peut le suivre et nous pourrions lui promettre des visites régulières. Et en arrêtant de se soucier de vous, il pensera peut-être un peu plus à lui. Mais dans l'immédiat, j'ai envie d'être égoïste.

Je me tournai assez surprise vers Tristan. Il me fixait de ses deux prunelles bleues et je ne pus détacher mon regard du sien tandis qu'il se penchait vers mes lèvres pour les capturer avec les siennes.

- Je suis ravi que tu n'envisages pas de partir à l'autre bout de la France, loin de moi, souffla-t-il après avoir mis fin à notre baiser.

- Tu m'aurais trop manqué.

Il sourit avant de m'embrasser à nouveau avec un peu plus d'urgence. Ses mains glissèrent le long de mes bras, longèrent ma taille avant de s'immobiliser sur mes hanches. Une seconde plus tard, il me soulevait pour m'installer sur ses genoux. J'avais chaud. Nos lèvres se séparèrent et je sentis les siennes venir se poser contre la peau sensible de mon cou pâle. Je ne pus empêcher à un léger gémissement de s'échapper par ma bouche. Si quelqu'un nous entendait dans le couloir ou ouvrait cette porte face à moi, il nous trouverait dans une position fort indécente. Mais cette pensée disparut dès que Tristan m'embrassa à nouveau.

Mes bras vinrent entourer son cou et je pus m'approcher un peu plus de mon futur fiancé. J'avais l'impression de me consumer sur place tant le feu qui brûlait en moi était puissant. Sans réellement contrôler mes gestes et avoir conscience de ceux-ci, je commençai à défaire le nœud de la tunique de Tristan pour pouvoir permettre à mes mains de toucher le velouté de sa peau. La sensation de sa chair sous mes doigts était divine. Il y avait si longtemps que je n'avais pas pu le toucher et je redécouvrais avec joie cette possibilité.

Il laissa échapper un grognement contre ma bouche quand mes mains descendirent le long de son torse.

- Arrête Héloïse, sinon nous allons faire une bêtise avant le mariage. Je doute que ton père m'apprécierait après cela.

Presqu'à contrecœur, j'interrompis l'inexorable descente de mes doigts vers l'objet de mes convoitises inavouables. Le front de Tristan s'appuya contre le mien et je fermai les yeux le temps de retrouver un peu de sang-froid.

- Il faut que nous parlions à ton frère.

Cela eut le mérite de me ramener brusquement les pieds sur terre, loin du désir que je ressentais quelques instants plus tôt. Je pinçai Tristan et il laissa échapper un petit cri.

- Pourquoi tu as fait cela Héloïse ?

- Tu n'avais qu'à ne pas parler de mon frère dans un moment pareil.

Tristan laissa échapper un léger rire rauque, encore plein de désir, avant de déposer un baiser sur ma tempe.

- C'était surtout pour refroidir mes ardeurs.

Je me levai de ses genoux et remis ma robe froissée en place. Tristan m'observa encore un instant avant de quitter le fauteuil où nous étions. Il me tendit son bras et je m'empressai d'accrocher mes doigts au creux de son coude. Nous déambulâmes à travers le château à la recherche de mon frère avant de s'échouer dans la cuisine. De ce que nous appris le chef du Comte, Frédéric n'était pas encore rentré de la chasse alors nous l'attendîmes dans la pièce qui peu à peu s'agitait à l'approche du déjeuner.

Je reconnus des pâtisseries sur un coin de table que Tristan avait apportées à l'aube chez ma mère.

- Dis donc toi, tu n'aurais pas piqué quelque chose ici avant de venir me voir ?

- Je ne pouvais pas venir les mains vides pour annoncer à ta mère que je t'arrachais à ton foyer. Je t'ai échangée contre quelques pâtisseries, précisa Tristan avec un sourire moqueur.

- Je ne vaut que quelques pâtisseries, m'indignai-je faussement.

Tristan se pencha vers moi pour glisser sa réponse à mon oreille.

- La plus délicieuse des pâtisseries.

Je m'empourprai violemment sous les regards amusés du personnel de cuisine. Tristan déposa un baiser sur ma joue avant que nous ne soyons interrompus par un raclement de gorge.

- Il paraît que vous me cherchez.

Nous fîmes face à Frédéric encore vêtu de sa tenue de chasseur et Tristan lui indiqua de nous suivre jusqu'à son bureau. Nos destins allaient se sceller dans le moment qui suivait.

Héloïse ou Le double jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant