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Tristan

Au lieu de me ramener à ma chambre, mes pieds me portèrent jusqu'à la porte qui semblait correspondre à la fenêtre où j'avais aperçu ma vision. Incertain, mon poing fermé heurta à plusieurs reprises le bois dans un bruit sourd qui résonna entre les murs en pierre grise du couloir sombre. Quelle ne fut pas ma surprise de me retrouver nez à nez avec mon valet lorsque la porte s'ouvrit !

- Vous avez besoin de moi messire ?

Il fuyait mon regard et semblait légèrement mal à l'aise. Son chapeau de feutre paraissait enfilé à la va vite tout comme son veston et ses chausses. Pris d'un doute, tout en lui répondant qu'il serait libre la journée du lendemain puisque je ne solliciterais pas ses services, je jetai un œil derrière lui pour rechercher une quelconque présence féminine dans la pièce qui évidemment n'existait pas. Je me sentis tout à coup gêné : je me retrouvais à déranger mon valet alors qu'il semblait sur le point d'aller se coucher uniquement parce que je courrais après une chimère.

- Bonne nuit Elliot, et profitez de votre journée de repos, j'aurais besoin de vous au meilleur de votre forme après.

- Bonne nuit Messire.

Il referma la porte en fuyant encore mon regard. Il devait me prendre pour un dérangé et moi-même je commençais à douter de ma santé mentale. Je retournai à ma chambre, songeur. Elle avait eu l'air tellement réelle à la fenêtre et tous les détails ne pouvaient quand même pas à ce point être une simple création de ma part. Je tentai de me la sortir de l'esprit en anticipant l'organisation pour l'arrivée du Duc d'Orléans prévue le surlendemain, mais mes efforts furent réduits à néant lorsque je me retrouvai enfermé dans ma chambre avec pour seule lumière une bougie. Cette situation n'était pas sans rappeler celle dans laquelle j'avais vu ou imaginé ma nymphe quelques minutes plutôt.

Je me délestai de ma veste tout en laissant mon esprit s'emplir des mêmes images de la femme hantant mes nuits. Je visualisais à nouveau la cascade de ses cheveux sur son épaule, la peau nue et dorée par la bougie de son cou, la courbe délicate de sa poitrine, et ces images laissaient la tension s'accumuler dans mon bas ventre. Mon corps ne pouvait plus réfréner ses ardeurs avec les images de la même muse dont l'expression était de plus en plus lascive dans mon esprit. Je la voyais glisser ses mains sur mon torse, se pencher sur moi pour m'offrir ses lèvres, j'eus chaud et me débarrassai de mes chausses. Son visage ne quittait plus mon esprit, j'étais comme victime d'un sortilège qui me faisait perdre tout contrôle sur mon corps et avant que je n'ai pris conscience de l'ampleur de mon geste, ma main saisit mon érection.

Si j'avais été aussi croyant que ma mère, j'aurais dû aller me confesser le lendemain pour ce que je m'apprêtais à faire, c'est-à-dire céder au pêcher de luxure. Mais ce fut sans songer à cela que ma main commença à se mouvoir pour soulager la tension qui m'habitait. Imaginer le même visage angélique, qui me fixait d'un regard où perçait une lueur malicieuse, m'amena toujours plus près de la délivrance.

Mais mon élan fut brisé lorsque quelques coups discrets furent frappés à ma porte. Le souffle court, j'immobilisai ma main sur mon membre gonflé et je repris brusquement mes esprits. Je remontai mon pantalon d'un geste vif et nouai le lacet. Le tissu dissimulait encore difficilement mon érection lorsque je fis tourner la clé dans la serrure.

- Bonsoir Messire d'Armagnac.

Un élan d'animosité m'envahit en voyant qui venait de me déranger.

- Bonsoir Constance de Nemours. Vous ne devriez pas être là.

- Je le sais Messire, mais je souhaitais vous voir...

Elle fit un pas en avant et tendit sa main vers mon torse que j'avais oublié de couvrir d'une chemise. J'empoignai son poignet avant que ses doigts ne touchassent ma peau.

Héloïse ou Le double jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant