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Tristan

Ce furent mes réflexes de combattant qui me réveillèrent en plein milieu de la nuit. Le corps chaud d'Héloïse était toujours blotti contre le mien, retenu par un de mes bras. Mais il y avait du bruit dans le couloir, des bruits de pas précipités.

Je me redressai sur ma couche et sentis Héloïse remuer.

- Ne sors pas de la chambre, je reviens.

Un vague grognement me répondit et je sentis Héloïse se retourner au milieu des draps. J'attrapai mon arme et enfilai à la va vite une chemise avant de quitter la chambre en veillant à ce que personne ne vît Héloïse. Quand j'arrivai au bout du couloir, je découvris tout le monde en panique. J'attrapai le premier domestique qui passa à proximité pour l'interroger sur la raison de l'agitation générale.

- Une chambre brûle dans l'aile ouest.

Mon sang se glaça dans mes veines. L'aile ouest. L'aile opposée à la mienne. Je remerciai vaguement le pauvre domestique qui attendait que je le relâchasse pour travailler et partis en courant rejoindre l'aile ouest. Plus je m'en approchais et plus il y avait de la fumée dans les couloirs. Puis je me trouvai face à un ruban de gardes, bloquant l'accès à un couloir aux curieux. Seuls ceux qui apportaient de l'eau en courant pouvaient passer. Je restai un peu moins d'une heure à attendre que le balai de seaux s'arrêtât. La foule s'était dissipée, il y avait moins de gardes aussi et je pus me faufiler jusqu'à la chambre qui avait brûlé. Sans surprise, je me trouvai devant la porte de celle d'Héloïse. Le Duc ne m'avait pas menti en disant qu'elle risquait sa vie tant qu'elle restait ici à la Cour.

Le Duc d'Orléans était immobile devant la porte, les yeux dans le vague. Quelques nobles étaient encore présents et le regardaient en chuchotant. Quand je m'approchai du Duc, les regards se portèrent vers moi et les murmures reprirent de plus belle.

- Votre Altesse Royale ? Interpellai-je le Duc.

Il sursauta et tourna la tête vers moi, les yeux mouillés.

- Qu'y a-t-il ? Lui demandai-je.

Il secoua la tête, cligna plusieurs fois des yeux pour faire disparaître les larmes qui menaçaient de couler, puis fixa à nouveau son regard vers les restes brûlés de la porte en bois. L'intérieur était noirci par la suie et il ne restait que des carcasses fumantes de meubles partout où se posaient mes yeux.

- Je suis désolé. Si je n'avais pas tardé à donner ma réponse, vous auriez pu être heureux. Mais c'est trop tard.

- Qu'est-ce qui est trop tard ?

Je commençai à comprendre ce qu'il se passait : tout le monde pensait qu'Héloïse avait péri dans l'incendie puisqu'il ne restait rien de l'intérieur de la chambre et qu'elle n'était pas dans la foule. Ils pensaient sûrement qu'elle ne s'était pas réveillée pour quitter la pièce avant que le feu ne se répandît sans savoir qu'elle n'avait même pas dormi dans son lit.

- Héloïse n'est pas sortie de cette chambre à temps, chuchota le Duc d'une voix tremblante.

J'allais devoir feindre la peine que j'aurais ressenti en la perdant. Ne pas contredire le Duc devant les nobles qui épiaient notre conversation à quelques pas en se pensant discrets était le meilleur moyen de protéger Héloïse.

Je baissai la tête et laissai pendre mes bras le long de mon corps.

- Suivez-moi, chuchotai-je au Duc.

Perdu, et surtout chamboulé, il m'obéit. Il croyait avoir perdu sa fille juste retrouvée. Nous quittâmes l'aile ouest pour traverser le château et rejoindre ma chambre. Je m'arrêtai devant la porte pour y frapper un coup et laisser le temps à Héloïse d'être présentable, même si je doutais qu'elle enfile quelque chose de plus couvrant ne sachant pas que son père s'apprêtait à entrer dans la chambre. Je poussai la porte, une bougie à la main que j'avais prise avant d'amener le Duc avec moi.

Héloïse ou Le double jeuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant