Héloïse
Mon cœur battait la chamade. J'allais connaître le sort que me réservait mon père avec les prochaines paroles qu'il allait prononcer. J'allais connaître le nom de celui qu'il me destinait. J'étais prête à fuir s'il ne s'agissait pas de Tristan, qui par ailleurs semblait absent. Le Duc l'avait-il affecté à un quelconque poste assurant la sécurité en cette soirée ? C'était pourtant le moment où j'aurais eu besoin de croiser son regard pour puiser un peu de force le temps que mon père achevât son annonce. Le bleu de ses prunelles m'aurait rappelé le calme du ciel pendant que mon destin se scellerait.
- Héloïse, voudriez-vous bien vous lever ?
Mon père le Duc me tendait sa main pour que je me misse debout à ses côtés.
- J'ai accepté une demande en fiançailles qui m'a été faite. Si vous l'acceptez, poursuivit mon père en me regardant, il sera votre fiancé puis votre mari.
Je clignais des yeux, ébahie, tandis que des murmures s'élevaient dans la grande pièce où nous étions tous réunis. Il me laissait le choix de refuser l'homme qu'il avait sélectionné. C'était... tout à fait inattendu. Et je n'étais pas la seule à le penser si j'en croyais toutes les discussions qui avaient débuté depuis l'annonce de mon père.
- Bien votre Altesse Royale. Et quel est cet homme ?
J'aurais pu jurer avoir aperçu durant un instant fugace un sourire se former au coin des lèvres du Duc d'Orléans. Peut-être me trouvait-il étrangement impatiente ?
- Vous le connaissez déjà, répondit-il alors que son regard se portait derrière moi. Et j'ai cru comprendre qu'il avait déjà fait sa demande en fiançailles, ce que vous vous êtes bien gardée de me dire...
Je me retournai vivement presque certaine de celui que j'allais découvrir. Il s'était apprêté pour l'occasion, sachant déjà ce que mon père allait officialiser devant toute la cour réunie. Sa tunique seyante était taillée dans le tissu le plus précieux que je l'avais vu porter, ses bottes étaient nettoyées à la perfection. Le bleu de ses yeux était encore plus saisissant que les autres jours et son sourire faisait étrangement réagir mon ventre. Ou peut-être que l'émotion suscitée par l'annonce de mon père rendait tout plus beau, et lui encore plus.
N'y tenant plus, en un instant je piétinais l'illusion de jeune noble pourvue de manières, que j'avais miraculeusement réussi à tenir, en me jetant au cou de Tristan. Ses bras m'enserrèrent puissamment tandis qu'il me serra contre son torse. Un rire m'échappa et Tristan déposa un baiser sur ma joue.
¤ - ¤ - ¤
TristanLe rire cristallin qui s'échappa spontanément des lèvres d'Héloïse fut la plus belle des choses à cet instant.
- Il a accepté, murmura-t-elle contre mon cou.
Je desserrai mes bras, j'aurais bien gardé Héloïse plus longtemps contre moi mais je refusais d'ensuite étaler mon désir devant tous les nobles qui devaient être en train de commenter la scène qui se jouait sous leurs yeux. Dès qu'elle fut décollée de mon torse, la chaleur de son corps contre le mien me manqua déjà. Nous reprîmes une distance un peu plus raisonnable pour tous les regards fixés sur nous. La place à côté de la sienne autour la table me fut cédée et le Duc d'Orléans leva son verre à nos futures fiançailles, avec sa fille rayonnante à sa droite. J'avais bien l'impression que c'était la plus belle soirée de sa vie à voir ses yeux pétiller à chaque fois qu'elle me regardait mais je comptais bien faire de notre mariage le plus jour et la plus belle soirée de sa vie. Je ne voulais en aucun cas qu'elle regrettât son choix alors que de nombreux nobles étaient prêts à se battre pour sa main.
Sans cesse sa main venait trouver la mienne sous la table, elle ne pouvait s'empêcher de chercher un contact entre nous.
- C'est de cela que voulait t'entretenir le Duc tout à l'heure ?
Sa question avait été chuchotée pour n'être entendue que de nous.
- Entre autres choses, oui.
Un léger silence s'installa mais je savais pertinemment qu'il n'allait pas durer.
- Quelles autres choses ?
La question à laquelle je ne voulais pas répondre, en tous cas pas tout de suite. Elle n'avait pas besoin de savoir que tant que nous restions à la Cour sa vie était en danger.
- Rien de trop important, ne t'en fais pas.
Le repas se déroula tranquillement au milieu des conversations joyeuses et loin de certains regards meurtriers de l'autre côté de la salle dont je fis volontairement abstraction.
Les musiciens finirent par prendre place dans un coin de la salle et la musique s'éleva au milieu des nombreuses voix. Lentement mais surement, les couples de danseurs commencèrent à investir le centre de la pièce au rythme des mélodies jouées. La lueur dans les yeux d'Héloïse ne me tromperait pas, elle mourrait d'envie d'aller les rejoindre et je comptais bien la faire participer.
Je me levai de mon siège, attirant immédiatement le regard de ma voisine de table.
- Où est-ce que tu vas ? Demanda-t-elle incertaine.
- Où allons-nous, la corrigeai-je avec un sourire en lui tendant ma main.
Elle la saisit et je la hissai sur ses deux pieds avant de l'entraîner au milieu des autres danseurs.
- Je sais que tu meurs d'envie de participer.
Héloïse me rendit mon sourire tandis que nous entamions les premiers pas. J'en vins rapidement à presque regretter d'avoir proposé à Héloïse de danser, la séance était devenue une vraie torture avec tous les frôlements de nos corps, tous les contacts que nous ne pouvions prolonger devant autant de monde et les sourires provocateurs que me lançait ma partenaire après quelques effleurements en rien innocents et involontaires. Ce jeu entre nous devint rapidement dangereux, mes mains s'égaraient vite en de discrètes caresses dans le bas de son dos et autour de sa taille.
Lorsque la musique ralentit pour des danses plus intimistes, je plaquai Héloïse contre mon torse. Son souffle s'égara dans mon cou, me perturbant encore plus que le contact de son corps.
- Quelle chambre mon père t'a-t-il attribuée ?
Je me reculai suffisamment pour trouver le regard d'Héloïse.
- Pourquoi poses-tu la question ? L'interrogeai-je soupçonneux.
- C'est pour ton valet. S'il a besoin de te trouver, il ne sait pas où te chercher...
Le sourire fugace que je surpris sur les lèvres de ma future fiancée m'indiquait qu'elle avait clairement une idée derrière la tête mais je cédai tout de même à sa demande en lui indiquant comment rejoindre ma chambre.
Le Duc d'Orléans finit par venir réclamer ma place et je le laissai danser avec sa fille. Héloïse souriait constamment au bras de son père et il finit lui aussi par se détendre et lui sourire tendrement, malgré l'inquiétude qui lui rongeait les entrailles et dont il m'avait fait part plus tôt dans la journée. Frédéric se joignit à moi sur le banc avant de me donner une tape dans l'épaule.
- Tu vas faire partie de la famille maintenant !
Je lui rendis son sourire en acquiesçant. Mais l'instant d'après, il réitérait la menace faite quelques jours plus tôt, impliquant son poing, mon visage et sa sœur en pleurs. Et je savais qu'il était parfaitement capable de la mettre à exécution si j'avais le malheur de faire souffrir sa sœur d'une manière ou d'une autre.
Le reste de la soirée se déroula dans une ambiance légère et festive et ce ne fut qu'au milieu de la nuit que nous gagnâmes nos chambres. Sous le regard noir de Frédéric, j'avais du le laisser raccompagner Héloïse à sa chambre pour mon plus grand malheur puisque depuis nos premières danses, elle avait sans cesse été accaparée par son père, Frédéric et d'autres membres de la cour qu'elle ne connaissait pas.
Mais je la retrouverais le lendemain.
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Héloïse ou Le double jeu
Historical FictionAutant vous prévenir de suite, il y aura bien une demoiselle en détresse mais pas de dragon, pas de marraine la bonne fée ni de chevalier servant. Quant au noble qui doit épouser la demoiselle en détresse à la fin de l'histoire... c'est un Vicomte m...