24 - Jealous

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[Song reference: Jealous by Eyedress]

Lundi 6 juin. Dans la tranquillité du matin, une voiture rugissante déboula au milieu de l'allée, manquant de peu de percuter un arbre alors qu'elle glissait, ou plutôt dérapait, dans le virage qui menait à cette longue et infinie route délicieusement droite – un vrai délice pour tout amateur de skateboard. Billy enfonça encore davantage l'accélérateur, plaquant avec force le dos de la passagère contre le dossier du siège.

- Tu fais vraiment chier, tu sais ça ? maugréa-t-il, en jetant un coup d'œil furtif à la rouquine dont le visage était tout bonnement livide.

- Plains-toi pas ; pour une fois que tu peux conduire vite..., riposta-t-elle.

Pour la quinzième fois depuis qu'elle était entrée dans le véhicule, Maxine fouilla son sac, s'assurant que toutes affaires étaient bien là. Déjà qu'elle était en retard pour le premier jour des examens, elle ne pouvait pas se permettre d'avoir oublié quelque chose.

- Si tu me dis que t'as laissé un truc à la maison, j'te jure Max, j'te défonce, claqua la voix de Billy.

Elle leva les yeux au ciel et referma son sac, à moitié soulagée. Il était maintenant question de calmer son rythme cardiaque et de chasser cette terrible boule d'anxiété qui tordait son ventre depuis la soirée de la veille. Si elle était capable de 'combattre' des monstres en tout genre avec un semblant de sang-froid et de lucidité, elle perdait toute maîtrise de ses émotions dès lors qu'elle était en situation d'examens. Que ceux-ci soient académiques ou de conduite, ils avaient ce point commun que de la terroriser.

Ce n'était pas tellement qu'elle désirait être la meilleure étudiante qui soit – c'était même plutôt l'inverse pour être tout à fait honnête –, c'était qu'elle avait la fameuse manie de percevoir les examens comme un test évaluant sa propre personne. Un fantasme qui remontait à son enfance, alors que son père claquait définitivement la porte de leur petite maison californienne pour ne plus jamais revenir : ce fantasme que d'être une personne qui était capable. Capable de rédiger ses pensées, d'articuler ses réflexions, capable de se faire remarquer par le simple fait d'exister, capable d'être aimée de tous – ou du moins, admirée de tous. Papa, ne pars pas. Papa, regarde-moi. Papa, je ne suis pas aussi nulle que tu ne le crois.

L'angoisse l'avait entièrement submergée si bien qu'elle ne perçut pas qu'ils étaient arrivés. Billy posa doucement sa main sur la cuisse de la rouquine, l'interpellant d'une voix douce, presque inquiète :

- Ça va ?

- Hein ? s'exclama-t-elle, comme tirée d'un songe.

- Faut que tu bouges ton cul, on est arrivés.

Un simple « oh » et la voilà détachée, à moitié penchée en avant, le visage dégustant les premières notes douces d'une journée nouvellement estivale. Elle fut alors brusquement tirée en arrière (cela commençait décidément à devenir routinier), retournant ainsi à la case départ.

- Nique tout. Tu vas gérer, je te connais, lança Billy avec un sourire.

- Je suis pas si sûre... mais merci, sourit-elle.

- Embrasse-moi. Ça porte chance, continua-t-il en se léchant la lèvre inférieure comme à son habitude.

Max lui tira d'abord la langue mais fondit bien vite sur ses lèvres, oubliant presque qu'ils étaient actuellement au milieu du parking de son collège.

- Bonne fille, susurra-t-il.

Elle leva les yeux au ciel mais ne put réprimander un sourire amusé. Une gentille claque sur les fesses plus tard, elle fut dehors du véhicule, son sac balancé sur l'épaule, fonçant vers la salle d'examens. Elle poussa la lourde porte en bois et fut accueillie par un silence des plus lourds. À la vue des visages tournés vers elle – désapprobateurs du côté des enseignants, blasés du côté des étudiants –, elle devina qu'elle devait être la dernière, la retardataire dont le retard ne fait juste tout sauf sens. Monsieur Swift la conduisit à sa place et elle croisa le regard inquisiteur de Mike auquel elle répondit par un de ces sourires gênés qui en disait long sur la situation. Les feuilles furent enfin distribuées ; plus le temps d'angoisser, il fallait maintenant prouver qu'elle était pourvue d'un sens aiguisé de la réflexion et d'une mémoire extraordinairement performante.

CONTAMINATEDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant