1 - Everyday Life

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[Song reference: Everyday Life by Coldplay]

Un an et demi déjà qu'ils avaient emménagé à Hawkins et tant de choses avaient changé. Par quoi commencer ? elle-même ne savait pas vraiment. Elle avait débarqué dans leur classe tel un coup de vent, insaisissable et glaciale. Sans le vouloir, elle avait attiré les regards – elle et son skate abîmé, elle et sa mine renfrognée – et plus particulièrement, leurs regards. Ces quatre gars aux habits drôlement démodés (comme elle, finalement), aux cheveux désordonnés et à l'intelligence extraordinairement brillante. Son premier avis fut des plus négatifs : elle les trouva horriblement agaçants et qu'est-ce qu'ils l'étaient, à la suivre partout, à observer ses moindres faits et gestes – elle les avait une fois surpris avec des jumelles, alors qu'elle se rendait aux arcades.

Le hasard fit qu'elle accepta de se rendre à une de leurs « réunions » (en vérité, elle venait se disputer avec son beau-père et avait besoin d'air) et c'est ainsi qu'elle découvrit qu'ils étaient, il n'y avait aucun doute là-dessus, les personnes les plus intéressantes de la ville. Des caractères encore enfantins, certes, mais une énergie débordante et inépuisable qui rendait la vie à Hawkins moins ennuyante. De nulle part, une sorte de club des cinq était né, elle et ses garçons, comme s'il en avait toujours été ainsi. La vie faisait bien les choses, commençait-elle à penser, mais il y eut la disparition de Will. Ils avaient à peine eu le temps de partir à sa recherche qu'Eleven était arrivée, sans prévenir, juste comme ça, une nuit de pluie glaciale au milieu de la forêt.

Une fille au crâne rasé, à la robe d'hôpital sale, la mine défaite et du sang séché au commencement de la narine. S'il n'y avait pas eu les garçons – s'il n'y avait pas eu Mike – elle aurait pris ses jambes à son cou. Mais il resta là, les bras ballants, complètement captivé par cette créature à la forme humaine qui se tenait devant lui. Cette fille qu'il trouva (il ne l'admettra jamais) terriblement jolie comme ça. Lukas et Dustin, quant à eux, étaient très clairs : il était hors de question qu'ils ne s'occupent de cette fille bien trop bizarre qui ne présageait rien de bon.

D'abord prise au dépourvu par leurs réactions, Maxine se résigna à se joindre à eux, poussée par la jalousie qu'avait provoqué cette attraction démesurée de Mike à l'égard d'Eleven ; elle avait si peur d'être remplacée, d'être oubliée. Elle devait confesser, lorsqu'elle la regardait un peu mieux et qu'elle lisait le désespoir et la terreur au fond de ses yeux, elle ne pouvait s'empêcher de comprendre Mike. Mais son égoïsme prenait à chaque fois le dessus. Un jour, ils découvrirent qu'elle avait des pouvoirs magiques et tout ce qu'ils croyaient savoir sur la science se révéla n'être qu'une poignée de trivialités dans un monde beaucoup trop vaste.

Éventuellement, ils comprirent ce qui était véritablement arrivé à Will et cherchèrent, nuit et jour, un moyen de l'aider. De le délivrer de ce monde à l'envers. Mais comme Max, Eleven était terrorisée à l'idée de se retrouver seule et ce fut à son tour d'être égoïste. Seule la rouquine sembla saisir pourquoi Eleven leur avait menti et pourquoi il ne fallait pas lui en vouloir ; ce fut à ce moment-là que les deux jeunes filles se rapprochèrent et devinrent inséparables. Dans leurs passés à la fois si différents mais si similaires, elles se comprenaient. Les semaines passèrent, Max vit pour la première fois ce qu'était un démogorgon et Eleven disparut, du moins c'est ce qu'elle se répétait. Elle refusait catégoriquement de penser à l'éventualité que sa meilleure amie s'était fait tuer dans son affront avec le monstre – mais elle l'avait bien vu, ce nuage de cendres qui semblait s'envoler vers le ciel. Les garçons savaient qu'il ne fallait jamais en parler, ni même le mentionner, pas devant elle. Et pas devant Mike.

Cinq ans déjà qu'ils se connaissaient et rien n'avait changé. Toujours cette même hostilité, cette même répulsion et ces mêmes insultes quotidiennes. Probablement même que ça avait empiré. Maintenant qu'il devait l'emmener au campus avec lui (collège et université faisaient partie de la même infrastructure), il avait quotidiennement une raison de l'engueuler, une occasion de lui rappeler ô combien elle était minable. Elle avait finalement appris à faire avec et cela consistait à lui obéir docilement, à toujours lui donner raison. Peut-être était-ce terriblement humiliant – elle avait toujours eu la réputation d'être cette rousse à l'attitude impertinente –, mais cela relevait de sa survie. Tout simplement.

CONTAMINATEDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant