[Song reference: Guilty Conscience by 070 Shake]
Maxine fut la première à ouvrir les yeux et pour cause : un superbe cauchemar dans lequel Patrick se faisait littéralement bouffer par un démogorgon sous ses yeux impuissants. Trempée de sueur, elle était à présent assise au milieu du canapé, une main sur le cœur, l'autre occupée à maintenir le drap sur sa poitrine. Elle regarda autour d'elle, ou plutôt, tenta de discerner quelques vagues éléments dans cette obscurité encore bien épaisse. Elle avait beaucoup trop chaud, la tête beaucoup trop lourde, il lui fallait une douche bien froide ; tapotant le sol du bout des doigts, elle trouva finalement ses affaires qu'elle emporta avec elle sur le chemin de la salle de bain ; tant pis pour l'heure – elle n'avait d'ailleurs aucun foutu moyen de savoir l'heure qu'il était – et tant pis s'ils dormaient encore, il fallait qu'elle aille sous l'eau glaciale ou elle allait verser. Et puis, le plus tôt ils commenceraient leurs investigations à propos de Heather, le plus de chance ils auraient de pouvoir venir en aide à Patrick. Du moins, c'est ce qu'elle se disait.
Après s'être cognée quelques orteils et pris quelques coins de meubles dans les hanches en pestant discrètement, elle atteignit la salle d'eau dans laquelle se trouvaient encore la petite bouteille de mercurochrome et les cotons de la veille. Elle observa le lavabo et aperçut quelques traces de sang. Son ventre se tordit douloureusement : en un flash, tout lui revint, tout lui explosa à la gueule. Ce n'était pas qu'elle avait oublié – allait-elle seulement être capable d'oublier tout ça, un jour ? elle n'en était pas certaine ; après tout, les événements de l'année précédente la hantaient encore quotidiennement –, mais plutôt que son cerveau s'était occupé d'effacer toutes ces images, toutes ces images qui maintenant lui apparaissaient devant les yeux, comme si elle revivait tout ça, le corps de Billy à terre, le sang partout, ses paumes sur son torse, ses paumes ensanglantées, ses grimaces de douleur, les cris de Heather, la chaleur, la peur. La terreur. L'impression de mourir. De ne pas être prête à mourir.
Sans attendre, elle se glissa dans la cabine de douche et alluma le jet à la puissance maximale. L'eau glacée eut d'abord l'effet d'une claque, crispant son corps tout entier, ses membres se recroquevillant, comme pour protéger le reste, le reste de la peau, les organes vitaux, le cœur qui pulsait indéfiniment ce sang, ce sang déjà frigorifié, circulant alors librement, à toute vitesse ; une claque d'abord bien brûlante, ce moment particulier où le cerveau ne semble plus distinguer le froid du chaud, où le froid meurtrier devient une douce chaleur familière, nous berce gentiment, pour finalement nous y habituer, nous y réfugier, les membres se relâchant, les bras se laissant tomber le long du corps, la tête renversée en arrière, les yeux bien fermés, la bouche entrouverte pour les plus gourmands, ceux qui veulent goûter de cette eau, boire de cette eau, se noyer. Bien vite, elle se décontracta complètement, laissant ses sens s'éveiller, ses esprits revenir à eux, petit à petit, en douceur, au rythme des gouttes sur son visage. Délicatement, elle passa ses mains dans ses cheveux, les brossant machinalement, les gorgeant de cette eau nouvelle et fraîche, cette eau qui semblait soudainement être la promesse d'un jour nouveau.
Elle crut entendre un mouvement et ouvrit les yeux ; elle se figea. Là, devant elle, sous cette pluie artificielle et glaciale, se dessinait maladroitement la figure de Patrick. Elle plissa les yeux, à la fois sous l'effet de l'incompréhension et pour protéger ses pupilles de ces perles d'eau qui coulaient à flot sur son visage, et la silhouette devint presque plus nette. Le temps d'un instant. Un instant qui parut une éternité, un instant qui suffit à lui fendre le cœur en dix, à la faire saigner intérieurement, vomir intérieurement, pleurer intérieurement, quoiqu'elle n'arrivât pas à dire si ces gouttes sous ses yeux étaient celles de la douche ou ses larmes à elle. Un instant lors duquel elle repensa à leur douche d'il y a deux jours, ce moment délicieusement étrange, planant presque, d'un autre monde, où elle avait été en apnée tout du long, ne pouvant décoller ses yeux de son visage, de son corps à la fois glacial et fumant, de son sourire soudainement presque timide. Lorsqu'elle baignait encore dans l'illusion que tout allait bien, qu'il avait simplement une petite crève comme on en a tous, en particulier après une bonne grosse soirée. Lorsqu'elle était encore certaine, au moment de le quitter, alors qu'elle se lançait dans une course folle pour attraper son bus, qu'elle allait le revoir bien vite, le revoir et lui raconter cette foutue surprise d'anniversaire – dernière fois d'ailleurs qu'elle avait vu Dustin ; ça aussi, c'était inquiétant – et il aurait explosé de rire, se serait foutu de sa gueule, mais elle aurait eu chaud au cœur.
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CONTAMINATED
FanfictionFanfiction française sur Billy et Maxine. Hawkins, 1984. Maxine, dix-neuf ans, découvre une ambiguïté inattendue avec son demi-frère Billy. Pendant ce temps, Dustin ramène une bête bizarre, Will fait des aller-retours entre le monde réel et le mo...