35 - Nightmare

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[Song reference: Nightmare by Kensuke Ushio (from DEVILMAN crybaby)]

Cela faisait une petite dizaine de minutes qu'elles avaient retrouvé la pluie et marchaient en direction de la maison de Maxine. Oh, elles en avaient pour un moment encore, à traverser tout le quartier, puis prendre cette gigantesquement longue route de bitume qui paraissait pourtant si ridiculement courte lorsqu'elle était en voiture avec Billy – à cette pensée, Maxine fut presque prise de nostalgie, se remémorant leurs trajets quotidiens en direction des cours, il y a encore deux semaines, ceux du retour se faisant quasi toujours avec sa main sur sa cuisse. Une petite dizaine de minutes, donc, et pas l'une d'elle n'avait encore osé ouvrir la bouche. Éventuellement, la rouquine brisa le silence :

- Bon bah... problème réglé ! s'exclama-t-elle, prenant un air faussement rassuré.

Sa meilleure amie ne dit rien et continua d'afficher cette mine complètement défaite ; la même que lorsqu'elle avait croisé Heather la veille. Cherchant son regard qui ne cessait de la fuir, Max s'approcha d'elle.

- Arrête... j'te jure que y a plus aucune raison de t'inquiéter.

- C'est pas logique tout ça, répondit simplement la brunette, la voix sombre.

- Qu'est-ce qui est pas logique ?

- Heather... ses réactions.... mes réactions.

- Heather était malade ou j'sais pas quoi, c'est juste qu'elle se sentait mal. Mais elle va mieux maintenant, essaya d'argumenter Maxine. C'est la seule explication – autre du fait qu'elle est juste insupportable. Mais on l'a vue ; on l'a vue toutes les deux. Elle était parfaitement normale avec ses cookies à la con.

- Oui, et mes réactions dans tout ça ? C'est seulement quand je suis en présence du Fl–

- Bah j'sais pas..., la coupa Max. Si ça se trouve c'est juste moi qui t'as retourné le cerveau et que t'as exactement les mêmes réactions que moi quand tu la vois, autrement dit : l'envie viscérale de l'étrangler, termina-t-elle sur le ton de la rigolade, dans l'espoir de détendre l'atmosphère.

Si El continuait avec ses sous-entendus, elle allait vraiment faire une crise d'angoisse. Déjà qu'elle avait une peine monstrueuse à se convaincre elle-même qu'elles paniquaient pour rien. Il fallait bien que l'une d'elles garde la tête froide. Cela marcha, ou du moins Eleven voulut lui faire croire que cela avait marché – elle avait très certainement compris qu'elle n'arriverait pas à la raisonner aujourd'hui –, si bien qu'elle fut prise d'un léger rire qui, une fois que les deux amis se regardèrent, partit en un réel fou rire. Ce genre de fou rire qui semble tombé du ciel, tombé pile au bon moment, au moment où l'on en a le plus besoin, où l'on commence à ne plus se rappeler ce que ça fait de rire, de rire autant, de rire à gorge déployée, ce rire qui génère des syllabes toutes rondes, qui est l'incarnation du rire écrit, net et sincère. La pluie n'existait plus. L'orage non plus. Toute sensation de fraîcheur avait soudainement disparu.

Après avoir trotté une centaine de mètres sur cette dernière longue route, qui débouchait sur le quartier de Maxine, celle-ci tourna d'un coup à gauche et commença à se faufila dans la lisière de la forêt. Percevant la confusion d'Eleven, elle s'arrêta.

- Viens. C'est un raccourci, déclara-t-elle.

- Mais on passe jamais par-là...

- C'est pas fait pour les vélos, expliqua-t-elle avec un clin d'œil.

Ni pour son cœur de paranoïaque. Elle ne pouvait même plus dire quand était-ce la dernière fois qu'elle l'avait emprunté, ce raccourci qui – il fallait le souligner – faisait gagner un sacré bout de temps en permettant d'éviter cet immense virage et d'avancer en ligne droite en direction de sa demeure. Mais il est vrai que depuis la disparition de Will, depuis la découverte de cet autre monde, cette sorte de monde sous-terre, à l'envers comme ils disaient, ce monde et ses créatures dégueulasses, à en gerber, à en mourir ; depuis tout ça, elle avait perdu beaucoup de son courage. Tout paraissait un moindre piège. Tout bruit une menace. Si son esprit se taisait lorsqu'elle était en compagnie de ces amis, de sa meilleure amie en particulier – cette fille, oh, si sensible mais si puissante, capable de réduire n'importe qui à l'état de poussière en un mouvement de tête –, celui-ci était en roue libre dès lors qu'elle se retrouvait seule. À l'extérieur. Dans l'obscurité.

CONTAMINATEDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant