23 - Bleeding Out

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[Song reference: Bleeding Out by Imagine Dragons]

Cela devait faire une bonne vingtaine de minutes qu'elle marchait, au bord de cette route bordée d'une allée de chênes à sa droite et d'une épaisse forêt à sa gauche. Vingt minutes et pas une seule voiture. Vingt minutes et Maxine commençait sérieusement à en avoir marre ; qu'est-ce qu'elle pouvait détester marcher, ce n'était pas pour rien qu'elle avait supplié son père de lui apprendre le skateboard dès qu'elle avait eu l'âge d'aller à l'école. Elle avait été la fierté de Sam Mayfield, cette gamine de cinq ans plus à l'aise sur une planche que sur une balançoire.

Mais plus que l'action même de marcher, elle détestait devoir marcher seule à cet endroit précis. Impossible de faire taire son esprit : elle repensait à Will, à ce qui lui était arrivé, alors que lui aussi rentrait seul chez lui sur cette même route. Comme si ces pensées ne suffisaient pas, sa tête repassait en boucle les images des démogorgons qu'ils avaient dû combattre il y a tout juste quelques mois. Et s'il en restait un ? Et si d'autres monstres se cachaient dans les bois, encore plus abominables, encore plus surnaturels ?

Vingt minutes qu'elle ne pouvait s'empêcher se retourner tous les quinze mètres pour s'assurer qu'il n'y avait rien derrière elle. Vingt minutes qu'elle sursautait au moindre bruit provenant des bois. Mentalement aussi, elle commençait à fatiguer. Ses pas s'accélérèrent et les battements de son cœur également.

Et au-dessus d'elle, ces nuages anthracites qui semblaient se moquer d'elle en rendant cette soirée de mai beaucoup plus sombre que la norme, menaçant par la même occasion d'éclater à tout moment. Le vent, finalement, se joignit à la partie, balayant ses cheveux, s'engouffrant sous son pull beaucoup trop léger pour les circonstances, l'obligeant à serrer ses bras contre elle. Enfin – parce que la vie ne serait pas drôle autrement –, la pluie finit par la frapper, alors qu'elle était à moins de dix minutes de chez elle.

Elle courrait sous l'averse et maudissait Billy de tout son être. Évidemment qu'il n'était jamais venu la chercher aux arcades. Naïve, elle lui avait d'abord laissé le bénéfice du doute, assurant aux garçons que, oui oui, ils pouvaient bien partir sans elle. Alors elle avait attendu, cinq, dix, vingt-cinq minutes, d'abord debout, puis assise sur les marches du bâtiment. Les gouttes de pluie glacée agressaient son visage, traversant bientôt l'entièreté de ses vêtements, et elle se disait qu'il fallait vraiment qu'elle arrête de s'acharner. Qu'elle arrête de chercher le 'bon' en lui. Ce n'était pas qu'il l'avait oubliée, c'était qu'elle était insignifiante au point qu'il l'eût oubliée. Son cœur se serra.

Il était dix-huit heures quarante lorsque Maxine atteignit le seuil de sa maison. Pas de Camaro en vue, mais c'était peut-être mieux ainsi. D'après la lumière les parents, eux, étaient bien là. Elle posa sa main sur la poignée et tenta de l'abaisser le plus doucement possible, mais la porte se révéla être fermée à clé. Putain. Prenant une longue inspiration, elle appuya sur la sonnette et attendit. La soudaine clarté fut presque éblouissante et elle entendit juste sa mère pousser un léger cri de surprise en la découvrant :

- Maxine, ma chérie ! mon dieu, entre vite, s'exclama-t-elle en se dégageant de l'entrée.

Une fois à l'intérieur, Maxine ôta ses chaussures d'un geste brusque et s'apprêta à foncer à la salle de bain, espérant que sa mère n'allait pas lui demander d'où elle venait. Elle put à peine faire un pas dans le couloir que Susan l'enveloppait déjà d'une immense serviette, lui essorant tendrement les cheveux.

- Comment ça se fait que tu rentres dans un état pareil ? l'interrogea-t-elle.

- Je suis rentrée à pieds, maugréa la rouquine.

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