2 - Or Nah

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[Song reference: Or Nah by SoMo]

Elle ne savait pas vraiment si c'était l'immense douleur qui lui traversait la gueule entière ou son ton si froid et si peu compatissant qui lui piqua les yeux. Cinq minutes plus tard, ils étaient de retour chez eux et se pressaient dans la salle de bain.

-       Assieds-toi, ordonna-t-il, alors qu'il fouillait les placards.

Il en ressortit un petit flacon au liquide rouge vif – elle grimaçait déjà – et imbiba une rondelle de coton avant de l'appuyer, le plus doucement possible, sur la plaie qui lui taillait l'arcade. La douleur lui provoqua un vif spasme. Il la regarda, ayant l'air de dire « sérieusement ? » et elle détourna le regard, serrant ses poings de manière à se concentrer sur les ongles qui se plantaient dans ses paumes. C'est alors qu'elle se rendit compte de leur proximité : accroupi devant elle, il tenait doucement ce ridicule bout de coton sur son front, tandis que son autre main était tranquillement posée sur sa cuisse (question de confort certainement). Elle ne se rappelait n'avoir jamais été aussi proche de Billy. En fait, elle ne se rappelait un quelconque contact physique avec lui, hormis lors de ses excès de colère.

Un silence enveloppa la petite pièce et c'était comme si le ciel menaçait d'éclater à tout moment. Sans doute l'avait-il remarqué lui aussi, car toute expression avait disparu de son visage. Il se tenait là, à quelques centimètres d'elle, les yeux rivés dans les siens, la bouche à peine entre-ouverte. Une odeur de Cologne. Dieu ce qu'elle aurait aimé savoir à quoi il pensait. La réalité sembla le frapper, car il se leva brusquement et claqua la porte de l'armoire à pharmacie, la faisant sursauter.

-       Fous des pansements et on y va.

Un long soupir s'échappa de ses lèvres : que venait-il de se passer ? Elle avait cette dérangeante impression que quelque chose lui échappait. Mais putain, qu'est-ce qu'il sentait bon. Le reste de la journée se passa sans encombre. En arrivant, le collège sembla se rappeler qu'elle était de sexe féminin. Elle sentait les yeux se suspendre à ses jambes dénudées, elle apercevait ces têtes curieuses qui se tournaient, ces filles qui chuchotaient. Ce sentiment, jusqu'ici désagréable, fut atténué par le regard affamé de Lukas qui, malgré elle, fit naître une douce chaleur dans son ventre. Les flammes sur la peau, elle se sentait rougir. Il lui glissa un maladroit compliment et elle leva les yeux au ciel, se donnant un air faussement agacé, alors qu'un immense sourire étiraient ses lèvres.

Les cours semblèrent interminables, encore plus lorsque sa tête ne cessait de ressasser la douceur de la main de Billy, lorsqu'il épongeait le sang de son front. Le soleil commençait à prendre une teinte caramel lorsque la sonnerie retentît. Elle se leva d'un bond, décidément trop heureuse de pouvoir enfin échapper à ces débiles analyses de textes. Elle se dirigea vers le parking du collège – après avoir encore discuté quelques minutes avec les garçons, ils planifiaient leur prochaine sortie aux arcades – et le rejoignit. Lui et sa Camaro. Lui, appuyé contre la portière, une clope à la bouche, le regard menaçant. Elle le contourna, lui adressant un vague demi-sourire de politesse et entra dans le véhicule.

-       T'es encore en retard, trancha sa voix.

Elle s'immobilisa.

-       Ouais j'avais des devoirs à rattraper...

-       C'est ça ouais, j'en ai rien à foutre. Arrive encore en retard et tu rentreras en skate à la maison, tu piges ?

Elle hocha discrètement la tête, la gorge nouée. Ces trajets en voiture, elle les maudissait. Billy démarra, monta la volume de la musique à ce qui ne pouvait être que le maximum – Wango Tango, sa préférée – et sorti du parking en ne manquant pas de déraper, histoire de correctement attirer les regards. En arrivant à l'université de Hawkins, le californien s'était immédiatement fait remarquer, aussi bien par la gente féminine que masculine. Deux semaines plus tard, il avait dérobé le titre de roi au populaire Steve Harrington ; il était maintenant question de faire honneur à sa réputation. Car jamais, oh dieu jamais, quelqu'un ne prendrait sa place.

CONTAMINATEDOù les histoires vivent. Découvrez maintenant