Chapitre 9

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La famille Shelby était presque au complet dans la maison d'Ada. Seul Arthur, qui avait emmené sa sœur à l'hôpital, manquait.

Quant à moi, j'étais assise sur un petit fauteuil du salon quand Polly s'approcha de moi. Elle me prit dans ses bras. Son étreinte était chaude et chaleureuse, ce qui était en contradiction avec la femme froide qu'elle était. Elle ne me dit rien, mais nous nous comprenions. C'était sa façon à elle de me remercier.

J'observais les Shelby tout autour de moi. John et Finn réconfortaient leur tante qui était sous le choc, en lui disant que tout allait s'arranger. Thomas restait de marbre, il se tenait droit devant la fenêtre qui donnait sur la rue, une éternelle cigarette entre les lèvres.

Je m'interrogeais toujours sur sa capacité à rester stoïque en toute circonstance, et sur son habilité à gérer ses émotions, s'il en avait. Cet homme ne laissait jamais rien paraître. Sa sœur avait tenté de mettre fin à ses jours, son beau-frère avait été tué dans un attentat, mais il restait là, impassible, enfermé dans un vivier de force émotionnelle.

Contrairement aux membres de sa famille, qui étaient arrivés sur les lieux quelques temps avant lui, il ne m'avait pas adressé la parole. Il s'était contenté de son silence habituel tout en essayant de régler la situation en formulant des injonctions pour ressaisir tous les Shelby, et surtout Polly qui était très inquiète, en indiquant que « Ada s'en sortirai » et qu'il « trouverai qui est derrière l'assassinat de Ben Younger » et qu'ils ne « devaient pas craindre que cela touchera leur famille car il n'avait rien à voir avec tout cela ».

Quant à moi, je ne savais pas où me mettre. Je ne savais pas comment me comporter face à Thomas, qui quelques jours plutôt, m'avait ordonné de quitter « sa » ville. Hormis notre brève conversation téléphonique l'informant de l'accident de sa sœur, il m'ignorait totalement depuis son arrivée. En sa présence, une ambiance étrange résonnait toujours. J'avais le sentiment de continuellement devoir marcher sur des œufs.

Une petite heure passa, pendant laquelle je pris le temps de discuter avec John et sa tante au sujet des détails de ce qui était arrivé à Ada. Polly s'en voulait énormément et culpabilisait de ne pas avoir apporter suffisamment de soutien à sa nièce suite à la mort de Ben. C'était la première fois que je voyais cette femme dans cet état. Depuis que je la connaissais, je n'avais jamais percé à jour cette facette de sa personnalité, qui était celle d'une femme sensible et attendrissante, et même maternelle. J'avais définitivement changé le regard que je lui portais.

Ils me proposèrent de rester prendre le thé et de ne pas reprendre la route tout de suite car ils avaient bien remarqué que j'étais tout aussi désorientée qu'eux. Mais je décidai de décliner leur invitation car je ne me sentais pas réellement à ma place, il était le moment de les laisser en famille.

Après avoir indiqué que j'allais rentrer chez moi, je saluai tout le monde chaleureusement et je pris la direction de la porte d'entrée.

A ma grande surprise, l'homme aux yeux bleus m'emboita le pas et franchit le portillon. Nous étions tous les deux sur la chaussée et un lourd silence s'installa. Je me tenais droite face à la route pour esquiver son regard et dans l'espoir qu'un taxi puisse vite arriver et me sauver de cette situation. Lui, était debout droit devant moi et me fixait d'un regard lourd. Je ne le regardai pas, mais j'entendis le clapotis de son briquet, annonciateur d'une énième cigarette qu'il consumerait.

Une angoisse monta soudainement en moi, je n'avais aucune idée de ce qu'il s'apprêtait à faire, ou à me dire. On ne savait jamais à quoi s'attendre avec cet homme et c'était en cela qu'il me terrifiait. Allait-il me remercier d'avoir été présente pour aider sa sœur ? Allait-il m'ordonner de ne plus jamais s'approcher de sa famille ?

Malheureusement, aucun taxi ne vint pendant ces longues secondes. Mon cœur battait un peu plus vite à chaque instant. J'entendis le son du crépitement de sa cigarette en contact de l'eau, et ses bruits de pas m'indiquèrent qu'il s'avança vers moi.

-    Merci, Chiara.

Je me tournai en sa direction, et je découvrit son visage, baigné par les rayons du soleil qui accentuaient la couleur perçante de ses yeux. Ses yeux qui, à ma grande surprise, soutenaient un regard différend que qu'habituellement. Thomas avait l'air désemparé. Même si son langage corporel ne trahissait aucune forme d'appréhension, qu'il se faisait un mal de chien à ne rien laisser paraitre, ses yeux le trahissait. Je devinai qu'une vague de tristesse et de colère le submergeait. Il devait être réellement dévasté d'avoir failli perdre sa sœur. Il avait l'air épuisé. J'étais toujours en colère contre lui, mais ce que je vis dans son regard m'adoucissait. Depuis que j'avais revu Thomas, c'était la première fois que je voyais une once de sensibilité se dégager de sa personne. Cet homme avait donc des sentiments, et n'était pas que la façade infaillible qu'il s'efforçait d'exposer au reste du monde.

-    Thomas... Tu n'as pas à me remercier, j'ai fait ce que je devais faire pour ta sœur, c'est tout à fait normal.

-    J'insiste. Nous te remercions tous et grâce à toi un drame a été évité.

Je ne savais pas quoi répondre à cela, j'étais juste arrivée au bon moment, la chance avait fait qu'Ada soit toujours parmi nous.

Je détournai mon regard quand j'aperçu un taxi, et je levai le bras pour lui faire signe de s'arrêter, ce qu'il fit. Je saisis la poignée de la portière me tournai alors vers lui.

-    Au revoir Thomas.

Il saisit mon bras, juste avant que je me glisse à l'intérieur du véhicule. Sa poigne était ferme, et ses yeux se plongèrent dans les miens.

-    Chiara, attends... Je te serais toujours reconnaissant pour ce que tu as fait pour Ada. Je n'aurais pas supporté de la perdre.

-    Je t'ai déjà dit que ce n'était rien, ne t'en fais pas.

Il avait l'air totalement désorienté et particulièrement agité, ce qui ne lui ressemblait absolument pas. Je commençais à me demander s'il n'avait pas pris un peu de cocaïne pour surmonter la journée.

-    Écoute-moi.

Il retira son étreinte de mon bras et recula d'un pas. Il prit son visage dans ses mains et les passa derrière sa nuque, comme s'il cherchait à remettre ses idées au clair. Il fixa le vide quelques secondes avant de reprendre la parole.

-     Écoute je... je tiens à te présenter mes excuses. Pour l'autre soir où j'ai été particulièrement dur avec toi. Je n'aurais pas supporté la perte de ma sœur et pour cela je te serais toujours reconnaissant. De ce fait, il est évident que je ne vais pas te forcer à partir. Fais attention sur la route.

Je n'eus pas le temps de répondre qu'il s'était déjà retourné en direction de la grande demeure d'Ada. Je montai alors dans le taxi, un peu perplexe mais soulagée et apaisée. Il ne serait désormais plus un obstacle pour moi, du moins je l'espérais. Son comportement étrange m'inquiéta un peu, mais je ne me fis pas de réels soucis. Cet homme savait se ressaisir rapidement en toutes circonstances. Cependant, je ne pouvais pas tergiverser longtemps, je devais rentrer au plus vite chez moi car quelque chose d'urgent m'attendait. Je pris quelques instants pour souffler et remettre mes idées en place. Quelle journée... Le chauffeur s'impatienta et se tourna vers moi dans l'attente que je lui indique la direction.

-    Birmingham s'il vous plait.

Le prix à payer - PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant