Chapitre 51

793 38 11
                                    

Un brouillard épais et glacial s'était abattu sur la capitale. Thomas traversait ces rues sombres, sa cigarette vissée sur ses lèvres. Il marchait de manière presque robotique. Son regard était vide, son esprit brouillé. Il était tellement épuisé.

Avant chaque rendez-vous important, il aimait prendre un moment pour se retrouver seul. C'était un introverti, un amoureux de la solitude. Qui au final, était toujours sollicité et entouré.

Quand il eut terminé sa balade, il chercha du regard une cabine téléphonique. La nuit commençait à tomber et le froid se faire ressentir. Une fois celle-ci repérée, il pénétra à l'intérieur. Il sorti une pièce de sa poche, la plaça dans le creux de sa main et l'examina quelques secondes.

Il ferma les yeux le temps d'un instant. Il prit une grande respiration et marmonna quelque chose d'inaudible dans une frénésie presque religieuse. Puis il lança l'objet en l'air. Après avoir pivoté frénétiquement sur elle même, la pièce retomba dans sa paume.

Pile.

Il saisit le combiné et composa un numéro.

- Johnny?

- Oui Tommy ! On est tous prêts.

- Ce ne sera pas nécessaire.

- Quoi ? Mais qu'est-ce que tu racontes Thomas ! Tu as perdu la tête ?

- Johnny, fais ce que je te demande. Je vais m'y rendre seul. C'est la seule option. S'il te plaît, ne pose pas de questions. Je suis fatigué.

- Non Thomas ! Je ne peux pas te laisser faire ça. On ne le connaît pas ce mec, il sera sûrement avec d'autres gars armés. Si ça pète on doit couvrir tes arrières.

- Je vais gérer la situation.

- Tho...

Il raccrocha l'appareil brusquement. Il sorti de la cabine et leva la tête vers le ciel. Puis il alluma une deuxième cigarette. Il senti l'air frais caresser son visage et la bruine lui chatouiller les narines.

Après quelques longues secondes, il reprit ses esprits, ajusta sa veste. Et disparu dans la pénombre de la ville.

***

Turner avait indiqué au chef des Peaky Blinders l'adresse d'un bar dans le quartier de Soho. C'était un endroit plutôt élégant, et surtout, à l'abri des regards.

La pièce principale était parsemée de grands miroirs sur les murs qui reflétaient les lumières des grands lustres au plafond. Quelques hommes buvaient des pintes de bières et des femmes gloussaient.

Il était assis sur une chaise, il tapotait son cigare du bout des doigts et buvait frénétiquement son verre de whisky écossais. Il était nerveux. Mais confiant.

Quand Thomas Shelby l'avait contacté pour lui faire part de son impayé envers Alfie Solomons, il avait su
immédiatement. C'était enfin le moment. Ce qu'il avait imaginé se réalisait.

Il avait préparé cela pendant des mois entiers. Il savait que le gang de Birmingham était un concurrent de taille. Et que ses membres étaient très respectés dans leur business. Mais également craints.

S'il voulait s'assurer de devenir le numéro un dans l'exportation d'alcool de l'autre côté de l'Atlantique,
il devait en venir à bout. Car cela représentait beaucoup d'argent. Une somme colossale. La prohibition profitait largement aux gangster comme lui.

Et comme il l'avait prévu, ne pas donner sa part à Alfie allait mettre Thomas dans une situation délicate. Le décrédibiliser et surtout l'affaiblir. Il souhaitait que Thomas perde son alliance si fragile avec le juif pour le mettre plus bas que terre. Et il tenait le bon filon.

Normalement si tout se déroulait comme dans son plan, tout sera à lui dans quelques jours. Il sera le roi, le plus puissant et le plus riche. Et plus personne ne se trouvera en travers de son passage. Les Peaky Blinders perdraient leur leader et serait réduis à néant, discrédités par tous.

Quinze bonnes minutes s'écoulèrent quand l'homme aux yeux bleus entra dans le bâtiment. Il se dirigea, le visage impassible, vers là où se trouvait son rival.

Turner regarda furtivement les trois hommes qui étaient installés quelques mètres plus loin sur les tables. En retour, ceux-ci montrèrent leurs armes cachées sous leur veston tout en souriant malicieusement.

Le Shelby tira une chaise et s'assît à table en face de son rival. Ce dernier le dévisagea d'un air hautain. Puis Thomas enfila le masque qu'il s'avait si bien revêtir, celui d'un homme insensible et glacial.

- On ne va pas passer par quatre chemins. Je n'ai pas de temps à perdre et vous non plus, précisa Thomas tout en allumant sa tige de tabac. J'ai besoin de la somme complète demain matin.

Il regardait Turner droit dans les yeux. Ce dernier lâcha un petit ricanement et leva les yeux au ciel. Mais le chef des Peaky Blinders resta impassible.

- Vous savez, je me suis toujours demandé comment le descendant d'une famille de gitans a bien pu en arriver là, rétorqua son adversaire. C'est vrai. C'est plutôt impressionnant. Vous avez eu beaucoup de chance. Ou alors serait-ce du culot ? Un excès de confiance en vous peut être ?

- L'argent demain matin. Sur Birmingham.

- Je suis un homme de parole, vous aurez votre argent. Je voulais seulement vous faire venir ici pour que nous puissions, comment dire... discuter ?

- Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas le temps pour vous faire la conversation, lâcha Thomas tout en se redressant pour partir.

Les trois hommes derrières eux se levèrent pour lui faire barrage. Ils sortirent leurs armes. Un léger sourire se dessina sur le visage de Tommy, qui ne se rassit pas. Puis il prit la parole.

- Sérieusement ? Allez-y tirez si vous le souhaitez. Ce sera mon jour de chance.

Il vissa sa casquette sur son crâne et commença à ranger son paquet dans sa poche. Turner fût surpris. Il se demanda si cet homme était suicidaire ou tout simplement fou.

- Vous avez terminé maintenant ? Le provoqua Thomas.

Turner essaya tant bien que mal de garder son calme et inspira profondément. Il n'avait qu'une seule envie, lui tirer une balle dans la tête. Mais il attendait le bon moment. Ce n'était pas ce soir. Puis il prit une intonation tout à fait solennelle.

- Dites moi monsieur Shelby, vous avez baisé ma future femme ?

Thomas éclata de rire. Tout ce spectacle pour cela ? C'était ridicule. Il le regarda droit dans les yeux d'un air condescendant. S'il voulait s'amuser, alors il rentrerait dans son jeu.

- Pas exactement, dit-il. À vrai dire, elle est venue me trouver par elle même. Puis je l'ai invité au théâtre, nous sommes ensuite rentrés dans une magnifique suite. Et après me l'avoir demandé plusieurs fois, je lui ai fait l'amour. Comme vous pouvez le constater, j'ai passé une merveilleuse soirée. Et au regard des gémissements qu'elle faisait, je suis certain qu'elle aussi.

Turner ne dit rien. Mais il implosait au fond de lui. Il se sentait humilié et touché dans son ego masculin. Il contenait toute sa rage en se répétant en boucle : "Pas maintenant, pas maintenant, pas maintenant. Son heure viendra. Bientôt."

- Agréable soirée Turner, dit le Peaky Blinders très poliment. La transaction se fera demain matin, 11h devant le Garrison. Il n'y aura pas de deuxième chance.

Il tourna les talons et claqua la porte pour disparaître dans les ruelles sombres de Londres. Turner était fou de colère. Elle était tellement intense qu'il sentait son sang bouillir dans ses veines. Mais une pensée le rassura.

Demain matin, l'arrogance de Thomas Shelby le tuera.

Le prix à payer - PEAKY BLINDERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant