You give Love a bad name

Montaine - 2

« La musique donne une âme à nos cœur et des ailes à la pensées. »

Platon.

Il est dix-neuf heures et je suis en train de m'empiffrer d'un bon cassoulet réchauffé aux micro-ondes devant une émission de téléréalité lorsque Clarisse, ma meilleure amie et de surplus, reine des ragots, m'appelle. Je m'empresse alors de décrocher afin de savoir ce qu'elle a à me dire de bien croustillant, comme chaque soir.

– Salut ! Quoi de neu...

– Enfile une tenue correcte, je passe te chercher dans vingt minutes, lance-t-elle, du tac au tac.

– Pardon ? C'est une blague, Clarisse ?

– Habille-toi, je te dis ! Je te concocte une soirée du tonnerre !

Elle n'a pas osé ? En pleine semaine ?

– Non, non et non ! Je ne sors pas ! Je travaille demain, contrairement à toi. Je ne peux pas me permettre de faire des écarts, tu le sais très bien.

– Montaine ! Rien que ce soir ! J'ai deux billets de concert sur le dos, Tina m'a lâchée au dernier moment pour être avec son mec. Soi-disant, il avait prévu un dîner romantique. Beurk ! Tu y crois ça ?

– Flo est prêt à tout pour Tina, donc non, ça ne me surprend pas.

Flo et Tina sont fous amoureux depuis le lycée, ce qui remonte à plus de dix ans maintenant. Autant dire que c'est du sérieux entre eux et elle a de la chance d'ailleurs. Ce n'est pas le cas de mon amie, ni même de moi qui enchaîne les relations désastreuses.

– Ne lui donne pas d'excuse ! hurle Clarisse, à l'autre bout du fil. J'ai fait des pieds et des mains pour obtenir ces billets ! Alors que tu sois partant ou non, tu viens ! Ça te changera de tes bouquins poussiéreux.

– Hey ! N'insulte pas mes livres, je te l'interdis !

Un long soupir me parvient à l'oreille. Elle a peut-être raison, une soirée ne me ferait pas de mal et me détendrait un peu. Je n'ai rien à perdre, mais tout à y gagner.

– C'est quoi ce concert ?

– Un tout nouveau groupe de rock qui se produit au Stereolux, ce soir. Tu es partante ?

– Bon, d'accord. Mais ne me refais plus ce coup-là. C'est vraiment pour t'aider.

– Dans vingt minutes !

Elle raccroche sans attendre ma réponse.

Je m'affale sur le canapé. Moi qui pensais être tranquille ce soir, je vais devoir aller supporter une foule de gens agglutinée devant une scène. Super !

Sans perdre de temps, j'ouvre ma penderie à la recherche d'une tenue sympa, mais pas trop. Ce n'est pas un gala, mais un concert donc il vaut mieux être à l'aise, mais pas trop non plus.

J'opte pour un legging et un top long avec des boots bordeaux. Question thème, je suis en plein dedans. J'attache ma crinière en une queue-de-cheval, car je suppose qu'il va faire chaud dans la salle.

Tout juste apprêtée, mon interphone sonne.

Un quart d'heure, c'est le temps que j'ai eu pour me préparer à peu près convenablement. Quand Clarisse me dit une demi-heure, c'est vingt minutes, c'est toujours comme ça avec elle, elle arrive toujours en avance et ne me laisse pas le temps de souffler.

J'attrape mon sac à main en chemin, ferme ma porte d'entrée à clé et dévale les trois étages de mon immeuble. Je retrouve Clarisse toute sourire devant sa vieille Clio grise.

– Vingt minutes, hein ? lancé-je, secouant la tête de gauche à droite.

– Tu me connais, je suis toujours en avance et je n'aime pas attendre. Aller, en route !

Habitant les alentours de Nantes, elle met plus de temps que moi pour se rendre dans le centre-ville. C'est donc un avantage pour moi d'y résider.

Nous déambulons dans les rues jusqu'au lieu-dit du concert. Espérons que je ne me sois pas déplacée pour rien et que cette soirée en vaut le détour.

– Bon, explique-moi ce que je dois savoir. Qui est ce groupe, au juste ?

– Ils s'appellent les Cheeky boys et ils se sont fait connaître sur Internet, plus précisément sur YouTube. J'ai lue que c'était du glam-rock. Mais bon, vu que tu n'es jamais sur le net, tu ne dois pas savoir de qui je veux parler, n'est-ce pas ?

– Pour autant, ça ne veut pas dire que je suis une femme de cro-magnon. J'ai le net, Clarisse, c'est juste que je ne suis pas une accroc, contrairement à toi ! Mais tu as raison sur un point : je n'ai jamais eu vent de ce groupe.

– Eh, bah, dis donc ! Il faut tout t'apprendre à toi, se moque Clarisse en m'attirant contre elle.

Du glam-rock ? Rien que ça ? Je peux au moins trouver un point positif à cette sortie inopinée.

– Et toi, depuis quand tu écoutes du rock ? Ce n'est pas ton genre, tu es plus rap et RnB. Je me trompe ?

– Tout à fait ! Mais les mecs en valent le coup, tu verras.

– Je te demande pardon ? m'égosillé-je, ahurie par cette révélation. Tu vas t'embêter à aller voir un groupe de rock juste pour loucher sur des mecs ?

– Pas des mecs, plutôt LES mecs, ma vieille. Ceux des Cheeky boys.

Clarisse est toute excitée sur son siège, elle ne tient plus en place visiblement. De mon côté, je soupire à la fois contrariée qu'elle me traîne dans ses plans toujours aussi foireux les uns des autres, mais aussi exaspérée par son comportement presque maladif à toujours vouloir mettre un mec dans son lit.

Bon Dieu ! Mais comment ai-je fait pour dégoter une amie aussi lubrique et déjantée qu'elle ?