Montaine - 16

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« L'amour de la musique mène toujours à la musique de l'amour... »

Jacques Prévert.

Ce serait mentir si je disais que je ne m'attendais pas à le voir dans ce train. C'est son groupe qui doit se produire à Paris, donc c'est logique que je me retrouve nez à nez avec Zack.

Je ne suis donc par si surprise, même si je n'imaginais pas que ce soit lui qui puisse porter mon sac, mais je pense qu'il ne s'y attendait pas non plus. Ou pas du tout me concernant.

Contrairement à moi, Zack n'était peut-être pas au courant de ma venue. Je ne sais pas si ses comparses lui ont parlé de moi, mais à en voir la tête d'étonnée qu'il fait, ils ont visiblement omis de lui en faire part.

– Je, commence-t-il, dérouté, je suis surpris de te voir ici. Je t'avoue que je ne m'y attendais absolument pas. Pas après...

Celui-ci ne finit pas sa phrase. Les yeux dans le vide, il fixe un point invisible avant que son regard ne redevienne vivant. 

– Oui, je sais.

– Mais tu as accepté, bien que tu savais que je serais présent.

J'acquiesce, déviant mon regard vers la fenêtre où le paysage défile à une vitesse affolante. 

– Pourquoi ? insiste Zack, d'une voix basse, presque gêné.

– J'étais recluse chez moi depuis trop longtemps. Au début, je n'en avais pas très envie, je te l'avoue. Et puis finalement, je me suis dit que c'était une aubaine pour me remettre le pied à l'étrier.

Prenant mon courage à deux mains, je tourne la tête vers lui. Son regard a changé. Je me demande bien pourquoi.

Zack me dévisage quelques secondes avant de baisser la tête. Il semble soucieux et bien trop songeur pour le genre de garçon qu'il est. 

– Je me suis moi aussi confiné chez moi durant trois longs mois. Longs, mais bénéfique. Ça m'a fait du bien de couper le contact avec le monde extérieur. Ne me demande pas pourquoi, mais je sais seulement que ça m'a fait un bien fou. 

– Il faut croire qu'on en avait réellement besoin.

– Extrêmement. En réalité, je me pose pas mal de questions et je remets tout en doute.

Ça me parait étrange que Zack se confie à moi. C'est vrai après tout, on ne se connaît pas tant que ça. Alors pourquoi moi ?

Je secoue la tête, ne sachant quoi répondre. C'est une situation un peu gênante pour moi. Être là, assise dans ce train juste à côté d'un type qui a tenté sa chance avec moi, et moi qui l'ai éconduit et laissé en plan au beau milieu d'un pont en pleine nuit. Tout cela semble loufoque et pourtant, on en est là. On se parle comme si de rien n'était. Cependant, j'ai même l'impression qu'il a mûri, que c'est un autre Zack qui se trouve à mes côtés.

– Et toi ? Comment tu vas ? 

Sa question me prend de court, mais je préfère ça que de m'épancher sur ma mesurable existence. 

– Bien mieux. J'ai hâte de découvrir Paris.

– C'est la première fois que tu y vas ? s'étonne celui-ci.

– Oui, ça semble aussi étrange que ça ?

– Non, ricane Zack, pour ma part, je n'y suis allé qu'une seule fois, mais je n'ai rien pu visiter. 

– Ah oui ? Pourquoi ça ?

Ma question semble l'embarrasser puisque qu'il se referme instantanément. 

– Eh bien, disons que c'était pour une raison... comment dire ? Une situation que j'aurais aimé éviter, tout compte fait.

– Ah. Ce n'était donc pas pour profiter de la ville si je comprends bien. 

– Absolument pas. 

Un silence de plomb s'installe entre nous, pesant et froid. A contrario, nos deux corps semblent vouloir se rapprocher dans une sorte de tension électrisante. Je n'avais jamais ressenti ça auparavant et je n'aurais jamais pu imaginer que cela puisse exister.

– Mes parents ont eu un accident de voiture, balance Zack, d'une traite me laissant déconcerté, ils étaient en vacances là-bas, moi, j'étais chez ma tante. 

Le regard perdu dans ses souvenirs, celui-ci se mordille la lèvre inférieure. Happée par ce geste machinal qui m'attire étrangement, je m'imagine être cette dernière, comme hypnotisée.

– Depuis ce jour, ma vie a été du grand n'importe quoi jusqu'à ce que je décide de partir vivre chez ma tante. C'est une sacrée bonne femme, tu sais ? Ajoute-t-il d'un air plus détaché.

– Euh, je ne sais pas.

– Tu dois bien le savoir, Montaine, tu connais Chantal, je me trompe ?

Là, j'en tombe des nues. Alors tout ce petit manège que je voyais lorsque je travaillais à la bouquinerie, c'est parce que Chantal est sa tante ? Je n'y aurais jamais pensé !

Devant mon air abasourdi, mon voisin ricane de bon cœur et je sens alors la tension que prenait cette discussion tragique s'évanouir dans la nature. Je suis quand même contente qu'il se soit confié à moi, cela prouve que je ne suis plus n'importe qui pour lui.

Mais qu'est-ce que je raconte à la fin ? Ne dit-on pas que se confier à une personne inconnue est plus aisé ? C'est sûrement ça, pourquoi je me monte autant la tête alors que je ne veux rien qui ne dépasse l'amitié entre nous ? Il faut vraiment que je me ressaisisse.

You give Love a bad nameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant