Montaine - 1

80 12 20
                                    

« En fuyant la pluie, on rencontre la grêle »

Proverbe Turc

Je cours dans la rue comme si ma vie en dépendait. Sous la pluie, mes cheveux ressemblent à une serpillière qui dégouline, c'est affreux.

Aujourd'hui, c'est mon premier jour de travail et autant dire que je l'ai attendu des années celui-ci.

D'abord parce que de trouver un boulot dans une librairie avec seulement un Bac en poche et pas de diplôme universitaire, c'est difficile.

Et puis aussi parce qu'il faut avoir un sacré curriculum vitae déjà bien remplie pour accéder ne serait-ce qu'à un entretient.

Autant dire que c'est mission impossible, mais disons que l'année de mes vingt-sept ans commence bien. J'ai enfin le boulot de mes rêves ! Et je le mérite, je ne céderais ma place pour rien au monde !

J'arrive aux abords du centre-ville, et accours à travers bon nombre d'allées et de rues afin de trouver cette satanée librairie.

Par miracle, je la remarque moins de cinq minutes avant que je n'embauche. Il ne manquerait plus que ça, que j'arrive en retard dès mon premier jour.

La porte s'ouvre alors que j'étais sur le point d'attraper la poignée, un homme y sort alors j'en profite rapidement pour m'engouffrer à l'intérieur, au chaud et surtout au sec.

– Ah ! Te voilà. Va enfiler ton gilet et reviens me voir. Il faut que je t'explique deux ou trois petites choses.

– Très bien, je fais vite.

Comme si je n'avais pas assez couru et transpiré, je file en vitesse me changer à l'étage. L'avantage quand il pleut, c'est que les gens ne distinguent absolument pas les traces de sueurs d'un pull trempé.

Une fois mon gilet sur le dos, toujours mes vêtements mouillés en dessous, je dévale les escaliers et rejoins la responsable de la boutique.

– Très bien, commençons. Il faut que tu saches que quoiqu'il arrive, qu'importe la personne qui travaille en binôme avec toi, tu n'as en aucun cas la responsabilité de la caisse, compris ?

– Compris, acquiescé-je comme si j'étais à l'armée.

– Deuzio, contrairement à une librairie lambda, ici nous vendons des livres de seconde main, donc tu n'as pas spécialement de rayon attitré. Tu gères ton travail par rapport aux bouquins qu'on nous ramène et qu'on reçoit. Compris ?

– Compris.

– Eh, bah, c'est parfait ! Maintenant, il n'y a plus qu'à s'y mettre !

Je me mets illico presto au charbon. Je vais tout d'abord vérifier l'état des rayons et les ranger, afin de par la suite, y mettre les petits nouveaux.

La sonnette retentit enfin. Le client salut poliment ma responsable, Chantal, puis s'avance d'un pas décidé vers moi.

Dos à lui, je peux deviner les bottes lourdes qu'il a aux pieds et au genre de mec qui pourrait les porter. J'imagine un homme d'un certain âge, venant chercher son petit bouquin de la semaine.

– Excusez-moi ?

Je me retourne en catastrophe, retenant ma pile de livres sur le point de s'écrouler. Ma maladresse aura raison de moi un jour.

– Bonjour ! Comment puis-je vous aiver... aider ?

C'est très loin de ce que j'imaginais, mais vraiment très très loin. Je suis à des kilomètres de mon hypothèse.

Le type qui se présente à moi est un canon de beauté. Si je n'avais pas de doute quant à l'existence des dieux grecs, je l'aurais directement inséré dans cette catégorie.

– Je recherche un livre sur la musique, plutôt ce qui a un attrait au Rock. Vous avez ça ?

– A... alors on en a, oui. Je vais voir s'il y en reste dans le style que vous recherchez.

Je le fais patienter le temps d'aller vérifier le coin musique, qui se trouve être bien fourni.

Ce garçon semble vraiment très gentil en plus d'être bel homme. Du haut de mon mètre soixante-dix, il me dépasse de presque une tête. Son corps ne semble ni maigrichon, ni trop costaud. Le parfait archétype ! Ses cheveux blonds cendrés, à la Alex Pettyfer, ne fait qu'accroître ce côté australien que j'aime tant.

– Du calme !

– Pardon ? me demande-t-il, en se retournant vers moi.

– Désolée, je me...

Il faut être folle pour dire que je parle toute seule, non ?

– Je me concentre pour vous trouver le livre adéquat, souris-je, un peu trop peut-être.

Je dégote enfin le bouquin parfait, « Les Dieux du rock ». Ça devrait lui plaire, je pense.

Il le feuillette quelques secondes, d'un regard qui semble si doux et attentionné, et tout cela rien que pour un livre.

– C'est super. Merci beaucoup, mademoiselle.

– Si vous avez besoin d'autre pose... d'autre chose, pardon, n'hésitez pal... pas !

Oh mon Dieu, non ! Je sens mes joues bouillir telle une cocotte-minute. J'ai chaud, j'ai les mains moites et je bégaye comme une idiote. Le combo parfait pour faire fuir autrui.

Un sourire se fend doucement sur ses joues rosées.

– Magnifique...

– Vous disiez ?

Quelle boulette ! J'ai parlé à voix haute.

– Je disais que ce bouquin est très très bien, me rattrapé-je, honteuse, la couverture est magnifique !

– J'espère bien. Je reviendrais vers vous pour vous donner mon avis. Si je repasse un jour dans le coin, bien sûr.

Quoi ? Comment ça « repasser un jour » ? Il n'habite pas ici ? Quelle poisse...

– Avec plaisir !

Il se dirige vers la caisse afin de régler son achat. Durant tout ce temps, je multiplie les œillades, curieuse.

– À plus tard, Chantal !

– Reviens nous voir très vite, tu me manques beaucoup, tu sais.

Je tente de tendre l'oreille, mais une grand-mère m'accapare à ce moment-là, ce qui me fait perdre le fil de leur discussion.

Ce qui est sûr à présent, c'est qu'ils se connaissent bien ces deux-là et peut-être aurais-je la chance de le revoir un de ces jours dans la boutique.

Qui vivra, verra !

You give Love a bad nameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant