« Les femmes aiment les garçons qui aiment le rock. »
Virginie Despentes.
Je me sens de trop. Au sens propre, comme au sens figuré.
Je n'ai rien à faire ici. Ce n'est pas moi, cela ne me ressemble pas. Je n'aurais jamais dû accepter de rentrer dans ce bar. Les sorties avec Clarisse, c'est terminé pour moi.
Je réfléchis depuis une bonne heure à la meilleure façon de quitter cette table, mais mon esprit me joue des tours et ne semble pas vouloir me sauver de cette impasse.
Pourtant, il le faut. J'étouffe ici, l'air est oppressant et il fait une chaleur de bête.
Eurêka ! J'ai enfin trouvé l'excuse du siècle. Elle est banale, mais elle fera l'affaire.
Sans dire un mot, je me lève sans interrompre la conversation agitée entre Clarisse et son batteur et sans attirer l'attention de Zack, qui est en train de sourire bêtement devant son écran de téléphone.
En quelques secondes, je retrouve l'air frais de l'extérieur. Les rues sont vides, la seule nuisance sonore provient du bar et des fumeurs qui s'en échappent.
Je me sens seule, totalement laissée pour compte.
Est-ce que je ne ferais peut-être pas mieux de rentrer chez moi ? Après tout, je n'ai que la route à longer, un pont à passer et je ne serais plus très loin de mon domicile.
L'idée m'effleure l'esprit, mais j'ai un peu peur de m'aventurer seule dans ces rues désertes.
C'en est assez ! C'est décidé, je rentre sur-le-champ !
Je parcours une centaine de mètres lorsqu'une voix de l'autre côté de la rue me parvient et me stoppe dans mon élan.– Tu es partie sans prévenir.
Zack est là, les mains dans les poches de sa veste en jean. Depuis combien de temps me suit-il en silence ?– J'avais besoin de prendre l'air, réponds-je, la route pour seul rempart.
– Et de marcher, visiblement.
Les sourcils froncés, je penserais presque qu'il est vexé du fait que j'ai fui. Mais je ne le crois pas si facilement déstabilisé par mon affront.– Je rentrais.
– Seule.
– C'est ça.
– Ce n'était pas une question, plutôt une constatation.
Non, il n'est pas vexé. Il est irrité de ma stupidité.– J'aurais pu te raccompagner si tu souhaitais vraiment rentrer chez toi.
– Je ne voulais déranger personne. Et puis j'ai prit la décision à la dernière minute.
Zack enlève ses mains de ses poches et croise les bras. Je pense le voir plisser des yeux et ériger un sourire en coin, mais je n'en suis pas certaine.– En général, tout se joue en seconde.
Je ne vois pas où il veut en venir, mais je fais semblant de comprendre et j'acquiesce.– Je ne voulais vexer personne.
– Oh ! Mais ce n'est pas le cas, rassure-toi, ironise-t-il, l'air détaché.
– Qu'est-ce qu'il y a ? répliqué-je, piqué dans ma fierté.
– Ce qu'il y a ?
Ce dernier hausse les épaules et fait la moue. Après avoir scruté les environs, il ajoute :– Je ne savais pas quand j'allais enfin te revoir après la soirée à mon concert. Et quand enfin, je te retrouve face à moi, tu fuis la soirée.
– Alors c'est bien ça, tu es vexé.
– Non. Plutôt déçu. Déçu de ne pas avoir eu le cran de te dire ce que je pense de toi.
Ce qu'il pense de moi ? J'ai si mal agi que ça ? Je n'aurais jamais cru qu'une action aussi anodine de ma part provoquerait une réaction aussi démesurée, soit-elle.– Tu ne comprends toujours pas ?
– Qu'est-ce que tu attends de moi ? Des excuses ? Des sourires forcés ? Une conversation hypocr...
– Toi. Je veux juste t'avoir, toi.
Mon cœur bat à mille à l'heure, sans que je sache le contrôler. Pourquoi est-ce que mon corps me trahit autant ?– Je crois qu'on s'est mal compris, je...
– Je ne crois pas, non, rétorque Zack, ses yeux braqués sur les miens.
– Je ne peux pas.
– Pourquoi ? Dis-le-moi, et peut-être que je pourrais comprendre.
Comment aborder le sujet sans cette fois-ci, le vexer définitivement ?– J'ai déjà quelqu'un, commencé-je avant d'ajouter afin d'enlever toute ambiguïté, dans ma tête.
– Un ex encombrant ?
– Plus ou moins.
– Je peux m'y faire.
– Zack, je t'apprécie, mais...
– Je t'arrête tout de suite. Clarisse nous a énormément parlé de toi quand tu n'étais pas là. Je suis désolé de te le dire, mais j'avais promis de garder ça pour moi. Sauf que la situation s'avère compliqué.
– Pourquoi ?
– Parce que c'est compliqué pour moi. Comme ça l'est pour toi.
– Moi, je vais très bien.
– Pas aussi bien que tu le prétends, non.
– Zack, soupiré-je, fatiguée par cette discussion qui n'a ni queue ni tête, je ne suis pas la fille qu'il te faut. Et tu n'es pas le garçon qui me conviendra au quotidien.
Je ne sais plus quoi dire pour le repousser, alors parfois la meilleure façon pour s'en sortir, c'est de blesser les gens. Ça me fait mal au cœur, mais je suis dépassée. Aussi bien dans ma tête que dans mon cœur.
Certes, avant mon ex, je n'avais plus ressenti cette sensation de chaleur, de joues en feu et de papillons dans le ventre. Zack m'a rappelé ce que c'était, alors qu'il ne s'est encore rien passé de concret entre nous deux. Mais je veux me protéger, son monde est loin d'être sain et je ne veux pas souffrir de nouveau. Je ne veux plus connaître ce sentiment qui m'a tant oppressé et qui dicte encore ma vie depuis ces trois dernières années.– Tu ne peux pas juger alors que rien n'a débuté. À ce rythme, jamais tu n'avanceras, Montaine. Laisse-moi t'aider. Laisse-moi entrer dans ta vie.
Je l'évite du regard, car j'ai honte de moi-même. Honte de lui avoir fait espérer quelque chose. Honte de mes possibles agissements ambigus. Honte de moi toute entière.– Laisse-moi t'aimer, ajoute-t-il, rompant la barrière que je tentais de maintenir jusque-là.
– Ça va être difficile. Je suis beaucoup trop brisée pour que quelqu'un puisse m'aider. Personne n'y est jamais parvenu.
– Alors je suis arrivé au bon moment dans ta vie. C'est peut-être l'occasion pour toi de refermer ce livre douteux et d'en commencer un nouveau.
Une lumière s'illumine dans ma tête. Comment arrive-t-il si aisément à trouver les bons mots, alors que Clarisse n'a jamais su le faire ?– Ce serait quel genre de roman celui-ci ?
Un sourire se fend sur son visage à peine éclairé par le lampadaire non loin de là.– J'opterais pour une histoire à rebondissement. Quelque chose qui a une morale et donne de l'espoir. Une belle romance, haut en couleur, non-platonique, mais faite d'un amour passionnel. Une fusion. Un déclic. Une étincelle dans la pénombre. Un amour unique et un peu vache.
– Je peux éventuellement rédiger cette histoire, dis-je malgré moi.
– Dans ce cas, est-ce que je peux l'écrire avec toi ? demande-t-il soudain tout près de moi.
– Si tu as de l'imagination, pourquoi pas.
En cinq minutes, il m'a redonné espoir. Il m'a redonné foi en moi. Et cette fois, c'est non pas mon corps qui a réagi contre mon gré, mais ma tête et ma bouche. Cette stupide bouche qui esquisse, à mon plus grand étonnement, un sourire sincère et plein d'espoir.– Alors commençons par écrire le prologue, conclut Zack, le regard brillant et le sourire aux lèvres en me tendant ma veste en cuir.
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You give Love a bad name
RomanceMontaine est une jeune femme au cœur brisé, qui préfère de loin la littérature aux relations humaines. Lorsqu'elle se rend à son premier jour de travail, elle fait la rencontre d'un banal client cherchant conseil auprès d'elle. À partir de ce jour...