Montaine - 5

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« Quand on tombe dans l'eau, la pluie ne fait plus peur. »

Proverbe Russe


Cela fait deux mois que je ne travaille plus. Les semaines qui se sont écoulées ont été plus ou moins difficiles, moralement parlant. Clarisse a tenté à de nombreuses reprises de me sortir de ma galère et surtout de ma déprime, mais il n'y avait rien à faire.

Il est presque midi, alors je m'empresse de ranger mes affaires avant que Pôle emploi ne ferme ses portes. Cela fait trois heures que je cherche sans interruption un job qui fera mon bonheur. 

Next la restauration !

Next les entreprises de nettoyage !

Next le baby-sitting ! 

À la poubelle tout ça. Pour moi, dans ces boulots-là, il n'y a aucune perspective d'avenir, alors autant ne pas s'y attarder. 

Lorsque je sors enfin de cet endroit maudit, je ne fais que quelques pas quand la pluie s'abat sur moi, telle un seau d'eau qu'on vous lance dans la tronche dès le réveil. La galère !

J'évite donc de marcher sur les bords de trottoirs, ces crétins d'automobilistes ne lésinent pas sur l'accélérateur lorsqu'il y a des flaques d'eau tout proche. Je n'ai absolument pas envie de finir tremper. Quoique je le suis déjà au rythme où ce déluge se déverse sur moi.

 Au rond-point, j'hésite à m'engager par crainte de glisser en courant entre deux voitures. Ce n'est pas que je suis maladroite, mais si j'attends que quelqu'un me laisse passer, j'en ai pour deux heures.

 – Je traverse dans trois, deux, commencé-je en calculant la distance entre les véhicules, un !

Ce que je n'avais pas prévu, mais alors pas du tout prévu, c'est ce scénario rocambolesque qui a failli mettre fin à ma misérable existence en quelques secondes.

Un bruit de pneus crissant sur l'asphalte mouillé, interrompt ma course à travers le passage piéton et attire mon attention. Figée, je regarde cette moto foncer sur moi, ou plutôt glisser. Je ne sais pas ce qui m'a pris de rester planter là à admirer la scène qui aurait pu m'être fatale. Je me le demande encore.

Enfin bref, cette satanée moto était à deux doigts de me renverser !

Après l'affolement vient la colère. C'est qui encore ce crétin qui roule comme un dépravé ? Ce doit être un de ces idiots qui se croit tout seul sur la route. Quel frimeur !

 – Roule plus vite la prochaine fois ! Crétin !

Sans perdre de temps, le type descend de sa moto sans prêter attention aux conducteurs de derrière gueulant à tout vas. En l'espace de deux minutes, un bouchon immense se forme à la suite de la moto.

 – Tout va bien ? me demande l'inconnu, un brin paniqué.

 – Ça vous arrive de faire attention aux passages piétons ? hurlé-je, la panique prenant le dessus sur la politesse.

Mes cheveux, collés sur mon visage, dégoulinent comme un ruisseau. Je n'arrive même pas à voir nettement l'homme qui se trouve à quelques mètres de moi.

Entièrement vêtu de cuir, un casque noir sur la tête, il s'arrête à une distance correcte avant d'ajouter :

 – Je suis vraiment navré, avec ce temps, on ne voit pas très bien et les gens ne savent plus conduire. C'est l'anarchie totale sur la route par ce temps, crie-t-il, par-dessus la pluie.

Les klaxons ne cessent de retentir en fond sonore, mais dans un moment normal où je me serais sentie gênée, aujourd'hui, je ne le suis pas.

 – Ce n'est rien. Ça va, je suis encore en vie.

Par enchantement, je me détends et j'ose même lui sourire. Quelle cruche je fais...

 – Oh ! Tu dégages le chemin ou tu comptes dormir là ? beugle un automobiliste.

Toujours le casque cachant son visage, il me fait signe qu'il part se garer sur le bas-côté. Je le suis malgré le temps qui se déchaîne.

Qu'est-ce qu'il veut de plus ?

 – Je tenais à me faire pardonner pour cette mésaventure.

Surprise, je ne sais pas où me mettre. D'abord mal à l'aise, mais aussi déroutée, je ne sais quoi répondre face à de tels propos.

 – Ça ira, ce n'est pas si grave finalement, éludé-je, dans l'espoir de mettre fin au plus vite à la conversation.

Il fouille à l'intérieur de sa veste en cuir et y retire un petit morceau de papier qu'il me tend.

 – Si jamais vous changez d'avis.

Il redémarre instantanément sa moto et dans un grondement sourd, il me fait un autre signe de tête puis décampe sur les chapeaux de roues.

Je la fixe jusqu'à temps que je ne la distingue plus et jette un œil à ce petit imprimé qui commence légèrement à s'humidifier.

 – Zack Tova ? lis-je, incrédule. Zack ?

Décidément, c'est la période de croiser des types qui ont le même prénom ?

You give Love a bad nameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant