« La musique, c'est du bruit qui pense. »
Victor Hugo.
J'ai la tête dans le guidon ce matin, je pense ne m'être jamais réveillé aussi tôt de ma vie.
Légèrement à la traîne, je presse le pas lorsque je sors du bus. Il est six heures vingt et j'ai bien peur d'être mal accueilli par mes potes.
Dans la gare, il n'y a pas foule. Essoufflé, je dépasse la majorité des quais avant de trouver le mien. La cerise sur le gâteau, c'est la monté !
Je trouve sans difficulté David et Tony riant à pleins poumons avec leurs copines respectives. Je connais bien Clarisse, l'ayant pas mal vu avant que je ne me mette en retrait quelques semaines, cela dit, je n'ai jamais rencontré la conjointe de Tony. Cette, il s'en est beaucoup vanté, mais je n'ai jamais pu poser un visage sur cette fille.
Reprenant mon souffle, je les rejoins avec mon sac qui semble à présent peser une tonne sur mon dos, en plus de ma guitare électrique et de ma valise musicale.
Curieusement, lorsque j'arrive à leur hauteur, personne ne daigne se retourner afin de me saluer. C'est étrange, en une fraction de seconde, j'ai eu comme un sentiment de rejet et ça me fait réellement chier.
– Salut tout le monde, lancé-je alors, ces derniers me jetant un regard oblique peu conventionnel.
– Hey ! baragouine David, enlacé à Clarisse.
Me sentant de trop, je m'éclipse et m'assois sur un banc afin d'attendre le train.
Observant un peu les alentours, je remarque que non loin de moi, sur un autre banc est assis une femme recroquevillée sur elle-même. En la détaillant d'un peu plus près, celle-ci me rappel une personne que j'ai déjà connu, mais je n'arrive pas à me souvenir de qui cela peut bien être.
Un sifflement me tire de ma rêverie, le train est enfin arrivé sur le quai. Cependant, toujours intrigué, je dévie de nouveau mon regard vers le banc voisin, mais la fille ne s'y trouve plus. Au lieu de ça et au tout dernier moment, je la vois monter dans le compartiment du milieu, dans le train que je dois prendre pour me rendre à Paris.
Ni une, ni deux, je me rue dans le même wagon. Mon groupe passe au second plan et je m'en fiche pas mal. Quand je vois comment ils m'ont accueilli, ça ne me donne pas vraiment envie d'être en leur compagnie.
Là, devant moi, la fille me tourne le dos et essaye tant bien que mal de mettre son sac à dos sur l'étagère du haut prévue à cet effet.
Retrouvant instinctivement mon culot et cette envie de draguer à tout-va, j'attrape inopinément son sac afin de le ranger.
– Non, mais... ! commence celle-ci, ébahie par mon geste.
Fier de moi d'avoir réussi à attirer son attention, je pose mes yeux sur elle, le torse bombé. Néanmoins, je redescends aussitôt sur Terre quand je la reconnais.
– Montaine ? Zack ? dit-on en cœur.
– Je ne m'attendais pas à te voir ici, ajouté-je, surpris par cette découverte.
D'un autre côté, je ne devrais pas l'être, puisque finalement, tout paraît logique. Clarisse n'a fait qu'inviter sa copine en réalité.
Montaine me sourit avec timidité avant de me répondre tout en prenant place sur son siège.
– Moi, si. Mais ça semble logique.
– C'est vrai, ricané-je, étonnement anxieux en sa présence.
Le fait de la retrouver de cette manière et en plus de la voir là, face à moi, me fait bizarre. Je n'ai jamais ressenti ce genre de sensation. C'est presque comme si j'étais devant un examen du baccalauréat.
Du coin de l'œil, j'aperçois l'autre partie de la bande se rapprocher de nous. Peu envieux de me retrouver auprès d'eux, je m'assois en catimini sur le siège voisin. Montaine semble surprise, mais n'en dit rien. Au lieu de ça, elle sort des écouteurs d'un style dépassé un peu vintage et les pose sur ses oreilles.
Je préfère largement ce genre de situation à celle que j'ai subi en arrivant à la gare. Mes deux potes et qui plus l'est mes deux acolytes de musique m'ont totalement ignoré. Jamais je me suis senti aussi rejeté de la sorte. C'est vrai, j'ai toujours été le mec cool avec qui tout le monde rêvait de traîner. Cela ne m'a jamais réellement dérangé d'être le centre du monde, au contraire, parfois, j'avais la sensation d'avoir un poids constant sur mes épaules, car au fond de moi, je suis loin d'être le type le plus cool du monde.
D'un naturel réservé, je n'ai jamais été très proche de mes parents. J'en ai ressenti un profond regret le jour où je les ai perdus tous les deux dans un accident de voiture.
Après ça, je me suis forgé une solide carapace en me faisant passer pour quelqu'un que je ne suis assurément pas.
Je sais que je me mens à moi-même, et que mes parents ne reconnaîtraient pas le petit garçon qu'ils ont élevé. Heureusement, ma tante Chantal est encore présente pour moi et me rappeler d'où je viens.
Sauf qu'aujourd'hui, en revoyant la belle Montaine, j'ai comme l'impression que celle-ci peut m'aider à renouer avec mon ancien moi. Je sens que cette fille peut me faire devenir meilleur, mais cela m'effraye, car j'ai construit mon image et ma notoriété naissante avec ce masque. Or, le vrai moi pourrait me faire chuter et briser tout ce que j'ai créé jusqu'ici.
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You give Love a bad name
RomanceMontaine est une jeune femme au cœur brisé, qui préfère de loin la littérature aux relations humaines. Lorsqu'elle se rend à son premier jour de travail, elle fait la rencontre d'un banal client cherchant conseil auprès d'elle. À partir de ce jour...