Montaine - 4

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« L'échec fait partie intégrante de notre réussite. L'échec, c'est l'envers de la réussite. »

Adonis.

Un mois s'est écoulé depuis ma prise de fonction à la librairie d'occasion de Chantal, ma responsable.

Un mois. Ce qui signifie la fin de ma période d'essai. Je stresse, mais j'ai à la fois hâte que le verdict tombe. En tout cas, j'ai fait tout mon possible pour décrocher le job et le garder. Autant dire que je n'ai pas compté mes heures.

J'arrive un peu en avance au travail ce matin. Les mains moites, je pousse la porte battante de la librairie et monte à l'étage, où se trouve le bureau de Chantal.

– Tu es déjà là ? s'étonne-t-elle. Viens t'asseoir, n'hésites pas.

Je m'exécute et accepte le verre d'eau qu'elle me tend, bien que mes mains soient tremblotantes.

Est-ce que le verre d'eau va me servir à mieux avaler la pilule ?

– Alors, j'ai repris ton dossier. J'ai analysé ta façon de travailler et tu te débrouilles très bien. Je n'ai vraiment rien à redire de tout ça.

Je sens que le mot « mais » n'est pas loin. Je me liquéfie petit à petit sur ma chaise, dépassée pas la situation.

– Tu sais qu'en ce moment nous avons du mal à embauché, car nous avons nous-même, au siège, de gros problème de financement et d'aide. Enfin bref, c'est compliqué.

Ce n'est pas possible ! À chaque fois que je décroche un job, je tombe dans une entreprise en faillite. C'est bien ma veine !

– Je suis donc à regret de t'annoncer que je ne vais pas pouvoir te garder. Je ne sais pas de quoi est fait l'avenir de cette boutique, mais tu es une battante et tu t'accroches. Alors continue comme tu le fais et ça va finir par payer, crois-moi.

La mine contrite, je ne peux lui en vouloir. Nous avons toutes les deux tissé des liens uniques entre une employée et sa supérieure. C'est le plus important après tout.

– Je comprends, je réponds, néanmoins déçue.

– Je vais essayer de t'aider, j'y tiens ! Car tu es quelqu'un de bien et de responsable. Tu as toutes les qualités pour travailler parmi les livres. Et tu as réussi à me prouver une chose : un CV ne signifie rien. Ton peu d'expérience ne veut rien dire, car tu as une culture littéraire, et même musical très varié. C'est un plus.

– Merci. Ça me touche beaucoup.

Elle se lève et j'en fais de même. Aujourd'hui, c'est donc ma dernière journée de travail.

Rebonjour galères ! Me revoilà Indeed !

Durant la journée et malgré la mauvaise nouvelle de ce matin, j'y mets du cœur à l'ouvrage dans mes tâches.

Parfois, les larmes arrivent sans crier gare et sont sur le point de glisser le long de ma joue. Cependant, très pudique et fière, je les essuie le plus rapidement possible afin que personne ne les remarque.

C'est dur de se dire que c'est bientôt la fin. Le mois est passé beaucoup trop vite. Pour une fois que je m'épanouissais dans un boulot, tout s'est écroulé du jour au lendemain. Comme quoi, rien n'est jamais réellement acquis.

Pour la première fois, lors de ma fin de journée, je ne repars pas avec ma tenue de boulot. C'est presque un crève-cœur. Si je pouvais, je la garderais en souvenirs.

Je descends au rez-de-chaussée et préviens Chantal que j'ai laissée ma tenue dans le petit vestiaire. Elle opine et me sourit d'un air compatissant.

C'est rare d'avoir une supérieure aussi appréciable et respectueuse avec ses salariés.

– Je dois juste te donner ce papier, m'annonce-t-elle en me le tendant, c'est l'adresse du siège pour aller récupérer ton bulletin de salaire ainsi que les papiers que tu devras fournir à Pôle emploi.

– D'accord. Merci.

– Je suis vraiment navrée, cependant, je vais essayer de te faire parvenir un papier signé de ma part et tamponné afin de te conseiller à tes futurs recruteurs. Si cela peut t'aider.

C'est adorable, je ne l'y attendais pas du tout.

– Ça va beaucoup m'aider, en effet. Merci encore, c'est très gentil de votre part.

– On ne te garde pas parce qu'on ne veut pas, seulement parce qu'on ne peut pas. J'espère que tu comprendras.

– Je comprends. Il n'y a aucun problème là-dessus.

– Je te souhaite bon courage, Montaine.

Je lui renvoie son sourire et passe pour la dernière fois les portes de la librairie, en tant que vendeuse du moins.

You give Love a bad nameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant