Prologue

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Asha

Parfois, j'ai l'impression de ne plus faire partie de mon corps, comme si j'avais une vision à la troisième personne. C'est juste un instant, un instant où j'ai cette sensation de flottement, comme si je n'existais plus. Et quand il y a cette étincelle dans ma tête qui me ramène à la réalité, c'est comme si je me prenais une gifle. Les bruits, les voix, l'oxygène, le poids de mon corps, le vent, les regards, les jugements ; tout ça, me donne envie de fuir.

Et c'est ce que je ressens dans la petite bijouterie perdue dans un quartier de ma ville avec les morceaux de verre qui crépitent sous mes pieds. Tout est au ralenti, tout est flou, pour la première fois de ma vie, je perds le contrôle. Mon cœur saigne quand le gendarme me plaque contre le mur, le métal froid des menottes m'assomme. Ce n'est pas réel, ils n'ont pas pu m'abandonner, pas eux, nous étions une famille.

— Vous m'entendez ? siffle la voix rauque du gendarme derrière mon dos. Vous êtes en état d'arrestation pour complicité d'une attaque à main armée dans un magasin.

Je me retourne vers lui complètement sonnée et la bouche pâteuse, son sourire satisfait me donne envie de vomir. La lumière bleue des gyrophares me procure l'impression d'avoir pris une mauvaise drogue. Mes yeux se ferment lentement quand une migraine s'empare de mon crâne avec une pression tellement puissante que le malaise me chatouille l'esprit pendant quelques secondes.

— Je vais vous énoncer vos droits ; vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous direz pourra être utilisé contre vous. Vous avez aussi le droit à l'appel d'un avocat ou d'un médecin mais je vous conseille pas, vous risquez d'être prolongée, ça va nous faire perdre du temps.

Ils m'ont piégé, les seules personnes en qui j'avais confiance, ils m'ont utilisé comme un vulgaire mouchoir. Je me fais pousser en dehors du magasin les mains pleines de sang d'être tombée sur un sol avec des éclats de verre. Comment j'ai pu ne rien voir...?

— Elle a l'air complètement en état de choc, t'es sûr qu'elle est responsable ? demande une voix masculine plus inquiète.

— C'est du cinéma, elle traîne avec le petit gamin blond qui vend sa merde. Et au pire des cas, elle nous donnera des informations non ? La garde à vue la fera réfléchir.

Je fronce les sourcils en essayant de comprendre ce qu'ils disent, je ne veux pas aller en garde à vue, non. Non, non. Son emprise me démange et quand j'essaie de me libérer, je me prends un rappel à l'ordre.

— On va appeler vos parents vu que vous êtes mineurs, ajoute-t-il en ouvrant la porte de la voiture de police.

Ma lucidité me frappe le visage quand j'entends ce mot que je déteste, je serre mes poings en le dévisageant.

— Faites donc ça, vous allez être surpris monsieur le gendarme, dis-je d'un ton sarcastique.

— Ah bah vous voyez, je savais que nous pouvions communiquer. Quels sont leurs numéros ?

Je rigole nerveusement en rentrant dans la voiture, l'homme attend toujours une réponse. Mon sourire amusé se dessine sur mes lèvres.

— Vous m'aviez dit que j'avais le droit de garder le silence ?

— Exactement mademoiselle.

Je me pince les lèvres en lui jetant mon regard narquois.

— Alors, c'est ce que je vais faire.

Le saut des angesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant