Le saut des anges

Chapitre 41

Elyo

J'y suis. Je suis enfin à ces championnats. Ils m'ont rendu si malheureux et si fier. C'est dingue comme un évènement peut changer selon ce qu'on ressent sur le moment. Il y a quelques années, je n'attendais qu'une chose remporter une médaille et me prouver que tous mes sacrifices ont payés. Il y a un an, j'étais furieux d'être dans ce centre ennuyeux à mourir et qu'on m'interdise de m'entraîner. J'ai été obligé de mentir, de dire à la fédération et les médias que ce n'était qu'une simple blessure. Dans un sens, ça l'était. Moralement, j'étais au plus bas et je ne sais pas comment j'ai eu la force de m'en sortir.

La gymnastique, c'est ma passion, c'est toute ma vie. C'est le seul truc qui me fait me sentir vivant. Quand la paume de mes mains est arrachée, je souffre certes mais quel bonheur.

Retrouver, ce lieu, cette ambiance de compétition me fait me sentir libre comme l'air. J'ai seulement un truc qui s'est ajouté par rapport aux autres fois. C'est l'anxiété. Je veux tellement bien faire que je me mets une pression de dingue. Les gars et mon coach l'ont vu. Ils sont derrière mon dos à me surveiller que tout se passe bien et en vrai, oui. Je gère parfaitement les enchaînements qui me sont imposés mais il est très clair que je ne ferai pas ceux-là lors de la compétition. Je vais m'attirer les foudres mais je me suis entraîné durement avant de venir ici. Pendant des nuits entières et je suis capable de reprendre le même niveau que j'avais. Je serai même meilleur.

Asha ne m'a pas donné des nouvelles ces derniers jours, ça ne m'inquiète pas. Je sais qu'elle est à fond dans son petit job. Elle semble avoir trouvé quelque chose qui l'a passionné. Je souris toujours comme un débile quand je l'appelle en FaceTime et qu'elle est dans son petit bureau alors qu'il est vingt-trois heures et qu'elle aurait déjà dû rentrer depuis longtemps. Elle m'a promis de venir.

— Ça va ? demande Jacob.

Mes pensées éclatent et je me retourne vers les gars qui me regardent tous.

— Ouais !

Andy attrape mon sac et sort du vestiaire en dansant. Nous rigolons en voyant son enthousiasme et le suivons. On sort d'une petite séance d'entraînement et l'ambiance était vraiment chaleureuse.

— Au fait, les gars on va au restaurant, ce sont mes darons qui paient ! annonce Gabriel en poussant les portes de sortie.

Je souris à peine car je n'ai pas tellement envie de sortir. Je préfère m'enterrer sous ma couette et rester concentrer pour demain.

— Ça sera sans moi...

— J'entends pas ! me coupe Gab. Tu viens, un point c'est tout ! De toute façon on a une voiture. On est tous douchés, pas besoin d'aller à l'hôtel.

Andy met nos sacs dans le coffre et me fait un clin d'œil.

— Tu viens un point c'est tout. On est trois contre un, rigole Jacob.

Je sais que j'aurais beau dire non, ils m'écouteront pas.

— Bon d'accord.

Ils hurlent comme s'ils avaient gagné quelque chose, je lève les yeux au ciel et on s'installe. Ça me permettra de manger correctement parce que ce matin à cause du stress, je me suis fait vomir. Je ne suis pas fier mais quand je ne le fais pas, je m'en veux.

La musique augmente dans l'habitacle et les garçons n'hésitent pas à chanter comme si c'était la dernière fois. Je regarde Gabriel qui conduit, si heureux. Il me lance un regard presque ému et attrape ma main pour la serrer très fort. J'ai l'impression qu'il me fait passer son émotion parce que j'ai immédiatement des frissons. Je me prête au jeu et je me mets à hurler les paroles de la musique. Andy et Jacob à l'arrière applaudissent et font résonner leur rire avec la musique.