Chapitre 37

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Asha

Je croyais que j'étais suffisamment forte pour refuser ce qu'on me demanderait dans le futur. Une sorte de pensée rationnelle qui me dirait : « Asha, tu vois pas que tu déconnes à accepter des choses pareilles ? tu te rends pas compte que tu risques ta vie ? ».

Il est vrai que j'ai cette pensée parfois mais je n'arrive jamais à la garder très longtemps. C'est peut-être un signe d'un gros manque de maturité. Félix m'a de nouveau envouté alors que j'étais persuadée d'être assez forte pour lui résister. Je n'estime pas que ce soit ma faute, je préfère me dire que c'est lui qui est expert en la manipulation.

Mes mains attrapent vulgairement l'argent dans la caisse d'une petite épicerie du coin pendant qu'Evan surveille les alentours. Je sais très bien que les caméras de surveillance ne marchent pas, j'avais vu ça au cours de mes nombreuses visites faisant mine d'acheter des choses pour mieux observer. L'épicerie est plongée dans le noir, elle n'est pas très grande et les seules choses qui nous permettent de voir mieux, ce sont les lumières du réfrigérateur des boissons. J'ai aussi remarqué ça en passant devant celle-ci la nuit à multiple reprise.

La journée, la porte offrant l'accès à l'arrière-boutique n'était jamais fermée. J'en ai donc profité pour me cacher dans la réserve avant que le gérant s'en aille.

— Bouge ton cul Asha, s'impatiente Evan.

J'ignore sa remarque continuant de remplir le sac. Je sais que je vais faire souffrir une personne en retirant tout l'argent de cette boutique. Une malheureuse personne qui aura sûrement du mal à se nourrir à la fin du mois par ma faute. Elyo ne m'aimerait sûrement plus en sachant ce que je suis en train de faire. Plus j'y pense, plus l'envie de prendre mes jambes à mon cou et m'enfuir de ce casse. À l'époque aucune personne ne me tenait à cœur, je n'avais de compte à rendre à personne. Mais maintenant, je culpabilise à l'idée de décevoir les gens que j'aime. Je n'ai plus envie de mentir, je l'ai assez fait. Je veux qu'on soit fier de moi.

Evan se rapproche de moi, agacé. Mon cœur bat si vite, l'adrénaline m'empêche presque de respirer.


Je me fige presque déboussolée. Evan n'a jamais eu d'arme et je doute qu'il ait le courage de me pointer dessus avec. Félix doit sûrement douter de mon obéissance et il a bien raison. Il sait très bien que je crains la mort et que je ferai n'importe quoi pour ne pas mourir. Malheureusement, Elyo est toujours dans un coin de ma tête et je ne peux m'empêcher de penser au fait que je vais le décevoir.

Je lâche alors le sac que j'ai dans les mains. L'argent s'étale au sol et les pièces rebondissent sur le carrelage faisant un bruit monstrueux. Mon coéquipier me lance un regard noir avant de m'attraper par le cou et poser le canon de son arme à feu sur ma joue.

— Non mais qu'est-ce qu'il te prend ? Tu veux qu'on se fasse chopper ?! chuchote-t-il, menaçant.

— Je te conseille de me lâcher si tu veux pas que j'hurle.

Evan rigole et resserre son étreinte autour de mon cou. Je m'apprête à crier mais il plaque sa main sur ma bouche. La peur me paralyserait de base mais je ne me laisserai pas faire sur ce coup-ci.

— Qu'est-ce qu'il te prend ? Asha, je te jure que je vais te tuer, bouge-toi !

— Non.

Evan charge son arme puis pose son doigt sur la détente. Dans une rapidité insoupçonnée, j'attrape le couteau planqué dans ma chaussette et lui enfonce dans la cuisse. Il se plie de douleur en m'insultant de tous les noms. Je retire le couteau et le met dans la poche de mon pull puis je m'élance dans un sprint vers la sortie. Je cours de toutes mes forces pour aller le plus loin possible, je ne veux pas que Félix qui est sûrement dans les parages en voiture me voit. Je me glisse entre des ruelles sombres et peu éclairées là où les voitures ont du mal à passer. Mon cœur va sauter de ma poitrine, j'ai l'impression que je frôle la crise cardiaque à chaque nouvel effort.

Le saut des angesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant