Chapitre 1 (Anthony)

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Quand mon père entre dans ma chambre, il me trouve couché sur mon lit, en position foetale, les yeux rivés sur la fenêtre, ruminant mes angoisses tout en regardant la pluie tomber dru dehors. Il ne me demande pas la raison de ma torpeur. Il la connait déjà. Si je suis dans cet état, c'est parce que les vacances d'été se terminent ce soir. Or qui dit fin des vacances, dit reprise du lycée. Et mon père sait bien que je déteste aller au lycée.

Je m'attends à ce qu'il vienne prendre place juste à côté de moi et à ce qu'il me sorte un de ces discours réconfortants dont il a le secret. Non pas que ces discours soient inutiles - mon père a depuis toujours l'art de trouver les mots justes pour apaiser mes tourments – mais simplement qu'ils ne suffisent plus, car les maux dont je souffre sont désormais trop grands pour que des mots, aussi bien choisis soient-ils, puissent les guérir.

Mes parents pensent que je développe une phobie scolaire. Ce qui est vrai. Mais ils n'imaginent pas quelles en sont les causes. Ils ne soupçonnent pas les raisons qui se cachent derrière se repli sur moi-même que j'opère depuis l'année dernière. Ils me pensent naturellement solitaire, un peu insociable sur les bords. Ils mettent mon rejet du système scolaire sur le compte de mon anticonformisme. Ils se disent que je ne rentre pas dans le moule. Que je suis un original. Que je suis différent des autres. Et cette différence ne les dérange pas. Bien au contraire, ils en sont fiers. Ils sont fiers que leur fils casse les codes, qu'il échappe aux habitudes sociales qui régissent la vie d'un jeune garçon de 17 ans. Ils y voient une marque d'intelligence. D'un côté, ils sont fiers. Et d'un autre côté, ils sont inquiets parce qu'ils voient bien que je suis mal dans ma peau. Et moi je ne veux pas les inquiéter davantage, alors je ne leur parle pas de ce qui se passe au lycée, ni de ce que j'y subis au quotidien. Je ne leur en parle pas, et je n'en parle pas non plus à ce psy qu'ils m'obligent à voir régulièrement car je sais qu'il finirait par les mettre au courant. La seule à qui je dis ces choses-là, c'est Jade. Ma meilleure amie. A elle, je peux tout dire, et ainsi me décharger d'une partie de ce fardeau qui m'est de plus en plus lourd à porter.

J'attends le discours réconfortant de mon père mais il ne vient pas. Il reste plongé dans un silence qui me surprend venant de lui, car il a toujours été un grand bavard. Je finis par lui demander :

_ Qu'est-ce que tu veux ?

Il ne répond pas. Décidément, son attitude est vraiment très étrange. Je me demande à quoi il joue. Je roule sur le côté pour me retrouver face à lui. Je pose les yeux sur son visage. Il est couvert d'un drôle d'air qui me fait penser qu'il manigance quelque chose. Au bout d'un instant, il me dit :

_ Habille-toi, ce soir on sort.

Il ponctue ces quelques mots d'un sourire qui finit de me convaincre si toutefois j'en doutais encore qu'en effet, il manigance quelque chose. Mais il refuse de me dire quoi. Et quand j'objecte que nous ne sortons jamais tous les deux, encore moins une veille de reprise des cours, il me répond d'un ton autoritaire qui ne lui va pas du tout :

_ J'ai dit qu'on sortait. Alors cesse de protester et va chercher tes affaires.

Je m'apprête à intervenir mais il m'en empêche lorsqu'il ajoute dans la foulée :

_ Et ne t'avise pas de me redemander où on va. C'est une surprise.

Le problème avec les surprises de mon père, c'est qu'elles ne sont pas toujours bonnes. La fois où il a offert à ma mère un saut en parachute pour leur vingtième anniversaire de mariage alors même qu'il savait pertinemment que le simple fait de monter sur une échelle lui filait le vertige en est une illustration éloquente. De fait, je ne peux pas dire que je me sens très rassuré au moment de monter en voiture avec lui pour aller je ne sais trop où faire je ne sais trop quoi, et ce même si ma mère, elle aussi dans la combine visiblement, m'a promis que cette surprise me plairait.

Anti StarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant