Chapitre 10 (Anthony)

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_ C'est n'importe quoi !

Ces quelques mots fusent de la bouche de Jade. Je n'ai pas souvenir d'avoir déjà vu mon amie aussi énervée. Elle est pour ainsi dire dans tous ses états. Et je ne comprends ni comment ni pourquoi on en est arrivés à nous disputer comme ça.

En milieu de matinée, nous avons profité d'avoir tous les deux un trou d'une heure dans notre emploi du temps pour nous retrouver dans l'une des salles de permanence laissées à la libre disposition des lycéens. Nous étions là, à parler de choses et d'autres tout en griffonnant des notes sur nos cahiers quand elle m'a demandé :

_ Qu'est ce qu'il t'arrive ?

_ Comment ça ? l'ai-je questionnée sans daigner lever les yeux de ma leçon.

_ Je ne sais pas, tu as l'air différent.

Cette fois, la curiosité m'a fait me détourner de mon cahier pour la regarder. Je l'ai trouvée en train de me fixer d'un regard plein de soupçons. Un peu mal à l'aise de savoir qu'elle m'observait avec cet air scrutateur, j'ai répliqué sur un ton un poil trop défensif qui a sans doute fini de la convaincre que je lui cachais quelque chose :

_ Tu n'arrêtes pas de sourire niaisement. Et je ne crois pas que ce soit ton cours de mathématiques qui te rende si joyeux. Je te connais par cœur Anthony. Tu peux bien faire comme si de rien n'était, je sais qu'il y a quelque chose. Et tu as intérêt à me dire quoi.

Elle a posé ses deux coudes sur la table et ses deux mains sous son menton, adoptant ainsi une attitude semblable à celle d'une inspectrice de police qui est sur le point de faire craquer un suspect. J'ai bien compris qu'elle ne me laisserait aucune chance de pouvoir me défiler. Alors je me suis décidé à lui confier la raison de ma bonne humeur. Je lui ai parlé de ma rencontre avec Eva ce matin dans le bus et de l'échange qui s'en est suivi. Et je lui ai aussi fait part de la proposition de cette dernière et de la réponse que je lui ai donnée. Depuis le temps qu'elle me tannait pour que je fasse de la scène, j'étais sûr que mon amie allait se réjouir d'apprendre que je comptais participer aux auditions pour le concert du lycée. J'en étais tellement persuadé que j'en aurais mis ma main à couper. Heureusement que je ne l'ai pas fait, sans quoi il ne me resterait plus que cinq doigts ce qui serait franchement moins pratique pour jouer du clavier. En effet, la réaction de Jade n'a pas été celle attendue, c'est peu de le dire. Loin d'être ravie, elle est au contraire entrée dans une colère noire qui de par son caractère inédit m'a totalement pris de court.

_ C'est n'importe quoi !

Ce sont donc les premiers mots qui lui viennent. Sous le feu de l'agacement qui l'assaille soudain, elle bondit de sa chaise et se tient maintenant debout en face de moi, les bras croisés dans une attitude de réprimande, les traits du visage tendus, les sourcils froncés, le regard froid. D'une voix hésitante qui en dit long sur mon état de circonspection, je me risque à lui demander :

_ Comment ça c'est n'importe quoi ?

_ Ben c'est clair il me semble, je te le dis et je te le redis, c'est n'importe quoi de participer à ces auditions du lycée ! s'écrie-t-elle encore, inflexible.

Passé le choc de cette réaction pour le moins déstabilisante, l'émotion qui me traverse se mue en incompréhension mêlée d'agacement. Je ne comprends pas pourquoi ma meilleure amie, plutôt que de me soutenir dans mes choix comme elle se devrait de le faire, s'adjuge le droit de me sermonner. D'un ton qui trahit cette fois mon irritation, je la mets face à ses contradictions.

_ C'est pourtant toi qui n'arrêtes pas de m'inciter à me produire en public et quand je t'annonce que je me suis enfin décidé à franchir le cap, tu te braques au lieu d'être contente pour moi.

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