Chapitre 17 (Anthony)

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Le lendemain midi, j'ai rejoint Jade à la table de pique-nique. Notre amitié a repris son cours comme si elle ne s'était jamais arrêtée et j'ai ainsi pu retrouver le bonheur de partager des moments de complicité avec ma meilleure amie. La côtoyer m'avait tant manqué. Il a fallu que je sois loin d'elle pour que je comprenne à quel point ce lien qu'il y a entre nous est précieux. A l'avenir, je ferai tout pour le préserver. Quoi qu'il arrive, Jade et moi, nous resterons liés. Je m'en fais la promesse. Je ne veux plus que l'on s'éloigne, jamais.

Au cours des semaines qui ont suivi, j'ai donc cessé de pratiquer la musique. Le soir, parfois, en rentrant des cours, il m'arrivait d'avoir le cœur un peu lourd de voir mon clavier remisé dans un coin de ma chambre et prenant la poussière au milieu de tout un tas d'autres objets dont je ne me servais plus depuis des années. Et parfois aussi, l'envie me prenait de le rebrancher à mon ordinateur et de me remettre à composer. Mais alors je me souvenais de l'humiliation que j'avais vécue aux auditions du lycée, et cette envie me passait aussi vite qu'elle m'était venue. Je dois bien l'avouer, la musique me manquait. Mais cette sensation de manque était quelque peu atténuée par la joie que je ressentais d'être de nouveau l'ami de Jade. Même les moqueries de Kevin et de sa bande qui allaient toujours bon train ne m'atteignaient plus autant car elles me semblaient être compensées par cette joie qui prenait décidément le dessus sur tout le reste. Je ne peux pas dire que je me sentais bien. Mais je me sentais mieux et j'aimais donc à penser que j'avais bien fait d'arrêter la musique, même si au fond de moi il restait un vide. Un vide qui m'empêchait de me sentir vraiment bien et que je ne savais pas comment combler. C'est le problème avec les passions, elles sont ancrées si profondément en nous qu'il est impossible de les effacer complètement de notre cœur. En l'occurrence, mon cœur me réclamait la musique. Et moi je tâchais de l'ignorer, décidé que j'étais à m'en tenir à ma résolution.

Ma vie suivait une monotonie que rien ne semblait pouvoir enrayer. Les jours s'enchaînaient et se ressemblaient tous. Ils étaient dictés par le même programme. Lever de bonne heure, matinée en cours, midi avec Jade, après-midi en cours, moqueries régulières de Kevin et de ses amis, indifférence totale d'Eva, retour chez moi, devoirs, repas, lecture, coucher. Mais la vie est ainsi faite qu'elle nous endort pour mieux nous surprendre ensuite. Et cette routine parfaitement établie s'est trouvée bousculée par un événement totalement inattendu. En fait, il est arrivé quelque chose de vraiment incroyable.

C'était un mercredi. Je venais de passer l'après-midi à flâner dans les rues de Lille avec Jade quand j'ai reçu un message de mon père.

Un monsieur m'a appelé pour me dire qu'il avait à te parler. Je lui ai donné ton numéro, il devrait bientôt te contacter.

Un message au contenu pour le moins énigmatique qui, je dois dire, a fait naître en moi une question obsédante. Qui était ce monsieur et que me voulait-il ? Je n'avais de cesse de me le demander. Je m'en trouvais à la fois curieux et préoccupé.

Dans un premier temps, j'ai choisi de ne pas parler du message de mon père à Jade. Mais il est bien connu qu'elle a une sorte de sixième sens quand il s'agit de deviner ce qui occupe mes pensées. Aussi, elle n'a pas mis longtemps à deviner que quelque chose me tracassait. Fidèle à son habitude, c'est à dire douée d'une curiosité intarissable, elle m'a demandé :

_ Qu'est ce qui te travaille ? Je vois bien que tu es soucieux.

Si j'ai appris une leçon ces derniers temps, c'est que lorsque Jade a une intuition, et a fortiori quand cette intuition s'avère juste, il ne sert à rien de nier. Alors, je n'ai pas nié. Et je me suis décidé à me confier à elle au sujet du message de mon père. Je lui ai dit qu'un monsieur que je ne connaissais pas allait me contacter pour me parler de je ne sais quoi. C'était quand même une chose étrange, qui aurait dû avoir de quoi la surprendre. Et pourtant, il n'y a eu sur son visage aucune trace de surprise, juste un petit sourire en coin. Un de ces sourires intelligents et mystérieux qu'elle arbore parfois et qui font tout son charme. Comme si elle savait quelque chose que j'ignorais. Comme si elle savait qui était ce monsieur et ce qu'il me voulait. J'ai bien essayé de lui faire cracher le morceau, j'ai réclamé qu'elle me dise ce qu'elle savait si toutefois elle savait véritablement quelque chose. En retour, elle m'a juste dit :

Anti StarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant