_ Anty !
Le présentateur vient de prononcer mon nom. Aussitôt, le public se lève comme un seul homme et se met à m'acclamer plus fort encore qu'il ne l'avait jamais fait. Des confettis tombent par milliers sur le plateau tandis qu'une épaisse fumée dorée vient envelopper la scène. On se presse autour de moi. Les autres candidats, les musiciens, les producteurs. Il y a tout un monde qui fond aussitôt sur moi. Je me sens comme un coquillage chahuté par la houle au milieu de toute cette effervescence. En fait, je crois que je suis sous le choc. Que je n'ai pas encore bien conscience de ce qui se passe. Il y a tellement d'émotions qui se bousculent en moi que mon esprit a du mal à comprendre ce qui m'arrive. Je suis perdu dans toute cette agitation soudaine autour de ma personne. Je cherche mes repères. Je cherche des visages connus auxquels me raccrocher au milieu dans cette foule anonyme. Je cherche mes parents et Jade dans les gradins. Mais je ne peux pas les voir à cause du monde autour de moi.
On m'étreint, on m'embrasse, on me met un trophée énorme et super lourd dans les bras, on me colle un micro sous le nez, et on m'interroge :
_ Alors Anty, tes premières impressions, ça fait quoi de tenir contre soi le trophée des « Nouveaux Talents » ?
Je ne sais pas quoi dire, je ne sais même pas quoi penser. Alors je dis ce qui me passe par la tête. En bafouillant parce que je suis tellement troublé que j'ai toutes les peines du monde à m'exprimer, je confie au présentateur ce que je ressens en tenant le trophée contre moi :
_ Ça fait mal aux bras !
Et là tous les gens près de moi se mettent à rire. Le public aussi, il rit. Ça rit très bruyamment dans la salle. Comme si je venais de dire la chose la plus drôle de tous les temps. Ces rires ne me sont pas très agréables. Bizarrement, ils suscitent en moi un sentiment négatif. Je crois que c'est à cause de ce que j'ai vécu au lycée ces derniers temps. Quand je vois des gens rire, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'ils se moquent de moi. C'est une sorte de vieux réflexe qui activent des mécanismes d'auto-défense. Et dans ma tête, il y a une voix qui me crie :
_ Fuis !
Je regarde l'issue de secours sur ma droite et un instant je me dis que je vais le faire. Que je vais fuir parce que tout ça, c'est trop pour moi. Parce que toute cette attention soudaine, c'est trop stressant et trop déstabilisant. Mais ensuite, passé le choc de l'annonce, je retrouve un peu de lucidité ce qui me permet de mieux appréhender la situation. Non, ces gens ne se moquent pas de moi. Ils rient à cause de ma réponse à la question du présentateur. Ils rient parce que ce n'était franchement pas la réponse qu'ils attendaient. On me demande ce que ça fait de tenir dans ses mains le trophée du vainqueur de l'émission « Les Nouveaux Talents » et moi je réponds que ça fait mal aux bras. C'est vrai que c'est drôle quand on y pense. Et tandis que je me fais cette réflexion, je prends conscience de ce que je viens d'accomplir. Tous ces gens qui se pressent autour de moi pour me féliciter, ils le font parce que je suis le grand gagnant du concours de musique le plus célèbre du pays. C'est incroyable. Si on m'avait dit ça il y a quelques semaines, je ne l'aurais pas cru. D'ailleurs, j'ai du mal à y croire. Ces derniers mois, j'ai dû affronter tellement de choses négatives. Le harcèlement, les moqueries quotidiennes, le doute, la colère, la tristesse, le sentiment d'être un incapable, l'envie de tout arrêter parce que j'étais sûr que ma musique n'intéresserait jamais personne, la honte aussi après mon échec aux auditions du lycée. J'ai réussi à surmonter tout ça et maintenant me voilà, sur cette scène, avec ce trophée qui pèse une tonne dans les bras, porté en triomphe par le public, félicité par des artistes que j'admire depuis que je suis tout petit.
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Anti Star
RomanceLes murs du lycée sont devenus un enfer pour Anthony. Depuis quelque temps, il est le souffre-douleur des autres élèves. Son quotidien est fait d'humiliations, de moqueries, et de coups bas. Il souffre en silence. Il ne répond pas. Ça ne ferait qu'e...