Chapitre 9 (Anthony)

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Deuxième jour de cours et deuxième réveil difficile. A la nausée que me cause l'angoisse de me rendre en classe se joint un violent mal de tête, héritage des deux nuits sans sommeil que je viens de m'infliger.

La soirée avait commencé d'une manière belle et douce avec Jade. Mais ensuite il a bien fallu qu'elle parte et dès l'instant où je me suis retrouvé de nouveau seul dans ma chambre, le vide s'est fait sentir et mon tourment m'est revenu comme un boomerang. A tel point que j'ai encore une fois été incapable de dormir.

Je reste dans mon lit jusqu'au dernier moment et je fais l'impasse sur le petit-déjeuner. Quand ma mère s'en inquiète, je prétexte d'être barbouillé et me sauve aussitôt pour ne pas lui laisser le temps de revenir à la charge. Je ne veux pas avoir à me justifier. Ce serait courir le risque qu'elle finisse par deviner ce qui ne va pas au lycée. Et ça, je ne veux surtout pas que ça arrive.

La pluie tombe dru aujourd'hui. Je m'abrite autant que faire se peut sous ma veste tandis que je rejoins à petites foulées l'arrêt de bus. Mes efforts pour ne pas finir trempé sont malheureusement anéantis quand une voiture roule sur une flaque d'eau tout près de moi et m'éclabousse.

Tout en pestant contre le chauffard qui vient de m'arroser, je me traîne jusque dans le véhicule pour constater dépité qu'il est plein à craquer. Décidément, cette journée commence mal. Faute de trouver un siège inoccupé, je dois me résoudre à voyager debout. Je me fraie tant bien que mal un passage à travers la foule des passagers pour finalement m'installer dans un coin, tout au fond de l'autocar.

Les premiers kilomètres sont parcourus à une allure raisonnable. Puis le trafic se densifie et nous nous retrouvons bientôt bloqués dans les bouchons. Nous avançons au pas pendant de longues, de très longues minutes. Et lorsque nous atteignons l'arrêt suivant, nous cumulons déjà près d'un quart d'heure de retard.

Les portes du bus s'ouvrent et une dizaine de nouveaux passagers montent à bord, de quoi surcharger davantage le véhicule et rendre l'atmosphère qui règne à l'intérieur encore plus étouffante. L'espace qui me sépare des voyageurs qui m'entourent se résume à quelques centimètres seulement. Une proximité qui m'incommode à un point tel que j'en viens à me demander si je ne serais pas mieux à marcher dehors sous la pluie. Une nouvelle averse, plus violente que les précédentes, parvient toutefois à me convaincre que je suis bien où je suis.

Le bus reprend un peu de vitesse pendant une centaine de mètres mais à la sortie d'un virage un nouvel embouteillage le force à ralentir brusquement. Ce coup de frein inattendu surprend une jeune femme juste devant moi. Elle perd l'équilibre et me tombe littéralement dans les bras. Je suis incapable d'esquisser une réaction à ce contact. Tandis qu'elle m'étreint malgré elle, je reste figé sous l'effet de l'embarras qui m'assaille. Pendant plusieurs secondes, sa tête repose ainsi contre mon torse. Et c'est seulement quand elle la relève enfin que je découvre son visage. Un visage qui ne m'est pas inconnu. Un merveilleux visage qui a bercé quelques-uns de mes plus beaux rêves mais que je n'avais encore jamais vu d'aussi près. Le visage de celle que j'aime. Celui d'Eva.

Tandis que je me noie dans la profondeur de ses yeux bleus, elle reste d'abord silencieuse, se contentant de me fixer d'un drôle d'air. Puis, elle finit par me dire :

_ Oh Anthony ! Salut, comment tu vas ?

La voir m'adresser la parole. L'entendre prononcer mon prénom. La savoir aussi près de moi. Tout cela me bouleverse. Mon cœur se met à battre à tout rompre dans ma poitrine. J'ai le souffle court et le corps raide comme un piquet sous le feu de l'adrénaline qui l'envahit.

Mon état de sidération est tel qu'il m'interdit d'abord toute réponse. Au bout d'un instant, Eva ajoute :

_ Désolé de t'avoir bousculé comme ça. J'ai été un peu surprise au freinage.

Anti StarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant