Chapitre 21 (Anthony)

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J'ai dit à Jade que je me fichais complètement du résultat de mon pré-casting. Je lui ai dit aussi que je ne pensais pas sérieusement que je puisse être retenu car, à présent que j'avais pu prendre un peu de recul sur ma prestation, je me rendais compte qu'elle était loin d'être satisfaisante. Et pour cause. Durant le pré-casting, mon énergie était toute entière consacrée au combat que je livrais contre mon stress et pas à ma voix dont la justesse s'en est forcément ressentie. La vérité, c'est que je n'ai pas été bon, en tout cas pas bon comme j'aurais dû l'être et certainement pas assez bon pour plaire au jury. J'ai dit tout ça à Jade. En retour, elle a esquissé son fameux petit sourire intelligent et m'a répondu :

_ Alors déjà et d'une, je ne crois pas que tu t'en foutes. Et de deux, je ne suis pas d'accord avec toi. Pour ma part, je crois toujours en tes chances. Mais bon, on verra bien.

Je n'ai rien trouvé à ajouter. Déjà parce que je ne voulais pas risquer de la fâcher en remettant en cause son optimisme à toute épreuve. Et aussi parce qu'elle avait raison sur un point et que je ne voulais pas le lui avouer. Je ne me fichais pas vraiment du résultat du pré-casting. Au début, j'allais jusqu'à consulter ma boîte mail une dizaine de fois dans la journée. Quant à mon téléphone, je lui vouais une attention totalement inédite. Pour ainsi dire, je le couvais comme une mère poule couve ses œufs. Chaque fois qu'il se mettait à vibrer, ce qui arrivait évidemment très rarement, mon réseau de connaissances étant ce qu'il est, je me précipitais pour voir qui tentait de me contacter. Et chaque fois, j'étais déçu en découvrant que c'était mon opérateur téléphonique qui m'envoyait un tendre message pour me rappeler de payer ma facture mensuelle de 12 euros, ou bien un commercial qui avait eu mon numéro de portable je ne sais comment et qui me proposait une promotion à ne pas rater. J'ai fait ça pendant quelques jours et puis j'ai arrêté. J'avais fini par me convaincre que Bruno Lamotet et son équipe ne me contacteraient jamais.

Le 18 décembre est un jour à marquer d'une pierre blanche. Un jour que j'attends depuis des mois avec une impatience non dissimulée. Le dernier jour de cours de cette année qui n'a que trop duré. Celui qui marque officiellement le début des vacances de Noël. Deux semaines sans avoir à supporter Kevin et sa bande. Le rêve ! Je vais pouvoir souffler, enfin. Il était temps. Je crois que je n'aurais pas supporté de passer ne serait-ce qu'une heure de plus dans ce maudit lycée.

Je traverse avec empressement la cour de l'établissement pour rejoindre l'arrêt de bus. Là, je me mets à sonder les alentours à la recherche de Jade. Nous sommes censés passer la soirée ensemble. Je lui ai proposé de venir manger à la maison pour fêter le début des vacances. Et nous avions donc tout naturellement prévu d'aller directement chez moi à la sortie des cours. Mais j'ai beau inspecter la foule des lycéens qui est massée devant les grilles, je ne la vois pas. Par réflexe, je tire mon téléphone de ma poche dans l'intention de l'appeler avant de me souvenir qu'il ne me sera d'aucun secours car il est déchargé depuis le début de l'après-midi. Je songe qu'elle est sans doute retenue en classe et je décide de l'attendre. Les minutes défilent. J'attends encore et toujours, en vain. Quand je finis par me résigner, comprenant que pour une raison que j'ignore Jade ne va pas me rejoindre, tous les autres lycéens sont déjà partis depuis longtemps. Je suis seul à l'arrêt de bus. La nuit est tombée. Il neige un peu, mais cette neige ne tient pas au sol. Il ne fait pas assez froid pour que les rues lilloises se drapent de blanc. Je m'apprête à monter dans un bus quand j'entends un coup de klaxon. Je tourne la tête sur la droite, en direction du bruit. Et là je vois une vieille fourgonnette qui déboule d'un virage à angle droit. Je la reconnais tout de suite. Je traverse la rue pour me diriger vers le véhicule stationné de manière un peu anarchique sur un trottoir. J'ouvre la portière et tandis que je m'installe sur le siège passager, je m'écrie à l'attention du conducteur :

Anti StarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant