Je me rends au lycée encore plus stressé que d'habitude. Je crains tout particulièrement l'accueil que vont me réserver Kevin et ses amis après le fiasco d'hier. Ils vont forcément y faire allusion. D'ailleurs, j'imagine qu'à l'heure qu'il est ils ont déjà mis tout le lycée au courant de ma prestation lamentable. Je longe les murs dans les couloirs. J'ai la pénible impression d'être l'objet de tous les regards. J'interprète chacun des sourires que je vois sur les visages des élèves comme des moqueries qui me sont directement adressées. Je tente de me raisonner. Je me dis que je suis sûrement parano. Que je me fais des idées. Que mon impression est fausse. Mais j'ai beaucoup de mal à m'en convaincre.
Une fois n'est pas coutume, je suis en retard en cours. Lorsque j'arrive devant la porte de la salle, celle-ci est déjà fermée et je peux entendre la voix du professeur qui a déjà commencé à dispenser sa leçon. Je frappe et j'attends qu'il m'y invite pour entrer. A peine ai-je mis un pied dans la salle de classe que Kevin s'écrie :
_ Oh les gars, sortez vos téléphones pour immortaliser ça, une star de la chanson vient de faire irruption dans notre cours de français !
Il éclate ensuite d'un rire sonore qui a vite fait de contaminer les élèves qui l'entourent. Et finalement, c'est presque toute la classe qui se fend la poire à la suite de sa blague. De toute évidence, et comme je le redoutais, mes camarades ont tous eu vent de mes déboires lors des auditions du lycée. L'information a dû se répandre comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. La honte rajaillit en moi, et elle le fait plus violemment encore que la veille. Je tente tant bien que mal de garder une contenance mais je ne peux rien contre le feu qui me monte aux joues et je ne peux rien faire non plus pour empêcher les tremblements qui s'emparent de mes jambes. Je me sens tellement mal à l'aise qu'il me faut produire un effort monumental pour me hisser jusqu'à ma chaise. Une fois assis, je lance un regard suppliant au professeur, comme pour l'inciter à prendre ma défense. Au bout de quelques secondes, il se décide à intervenir pour exiger le retour du silence. Mais cette intervention n'a pas vocation à m'aider. Au contraire, elle m'enfonce.
_ Ça suffit maintenant, taisez-vous ! Ici, c'est une salle de classe. On n'est pas au cirque. Et vous Anthony, la prochaine fois, veillez à ne pas être en retard. Par votre faute, nous venons de perdre des minutes précieuses.
Je ne trouve pas la force de répliquer. Je reste donc muré dans un silence honteux, les yeux baissés vers mon bureau, à compter les secondes qui s'égrènent lentement, n'ayant qu'une hâte : que le cours reprenne et que l'attention de mes camarades cesse d'être focalisée sur moi.
Je passe les deux heures qui suivent à me morfondre. La colère et le chagrin ont maintenant laissé la place à la résignation. Chaque fois que je tente quelque chose pour m'intégrer auprès des autres élèves, le résultat est désastreux et j'aggrave encore mon cas. J'ai beau déjà être au fond du trou, je réalise l'exploit de creuser encore. Il faut croire que je n'ai pas mon pareil pour ce qui est de cultiver l'art du pire.
***
17h30. Le professeur de mathématiques nous libèrent enfin après nous avoir assommés pendant près de trois heures avec sa leçon sur les probabilités. Je me dépêche de rassembler mes affaires et je sors parmi les premiers de la salle. Pas question de traîner et de prendre le risque de me retrouver avec Kevin et sa bande dans les couloirs. Si je devais avoir le malheur d'essuyer une nouvelle offensive de sa part, ce serait plus que je ne pourrais en supporter. De peur qu'il me rattrape, je marche d'un pas pressé en direction de la sortie du bâtiment quand soudain mon téléphone se met à vibrer dans ma poche. Cela tient d'un événement car ma popularité étant ce qu'elle est, il est rare que quelqu'un m'envoie un message. Je ne résiste pas à la curiosité de consulter l'écran de l'appareil. Mon visage s'illumine quand je découvre l'identité de l'expéditeur.
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Anti Star
RomanceLes murs du lycée sont devenus un enfer pour Anthony. Depuis quelque temps, il est le souffre-douleur des autres élèves. Son quotidien est fait d'humiliations, de moqueries, et de coups bas. Il souffre en silence. Il ne répond pas. Ça ne ferait qu'e...