J-1 avant l'émission. Nous sommes dans le train en direction de Paris. La ville lumière sera le théâtre du plus grand défi que je n'ai jamais eu à relever. A mesure que les secondes passent, à mesure que je me rapproche de la capitale, je me sens de plus en plus fébrile. Je ne sais pas véritablement ce qui m'attend. A près de 300km/h, je m'en vais participer à une émission aux enjeux démesurés dans la plus belle ville du monde que je n'ai jamais vue autrement qu'à la télévision. Je file donc droit vers l'inconnu. Et cet inconnu me fait peur.
Je suis assis raide sur mon siège, un regard anxieux rivé sur le paysage qui défile à travers la vitre du wagon et occupé à me débattre avec mon tourment dont rien ne semble pouvoir barrer l'irrésistible ascension. Mais soudain, un contact sur ma peau me ramène à la réalité. Jade vient de poser sa main sur la mienne. J'en frémis de surprise, à tel point que j'en oublie momentanément mon tourment. C'est la première fois que nos mains se touchent de la sorte. Je ne sais pas trop comment réagir à ce geste inattendu. Je tourne la tête vers elle. Je la trouve en train de me sourire. Et dans ce sourire qu'elle m'adresse, je peux voir une nouvelle fois toute la bienveillance et la tendresse qu'elle me témoigne. Fidèle à ses habitudes, elle lit dans mes pensées. Et comme elle devine l'angoisse qui m'assaille, elle me donne un coup d'épaule et me dit :
_ Déstresse Anthony, tu vas juste participer à une émission suivie par des centaines de milliers de personnes, je ne vois vraiment pas pourquoi tu t'en fais ! Il n'y a aucune raison d'avoir peur !
A ces paroles teintées d'ironie succèdent d'abord quelques secondes de silence. Et puis soudain, sans prévenir, un fou rire nous emporte. C'est un fou rire nerveux, inexpliqué et totalement incontrôlable qui attire sur nous l'attention de tous les voyageurs. Moi qui suis tant attaché à la discrétion, cette situation devrait me mettre profondément mal à l'aise. Mais bizarrement ça n'est pas le cas. Je me fiche que tous les regards soient braqués sur moi, je me fiche des remarques désobligeantes qui s'élèvent ici et là. Tout ce qui compte, c'est ce moment de complicité que je partage avec Jade. Tout ce qui compte, c'est ce lien qui nous unit et qui se renforce jour après jour. Tout ce qui compte, c'est elle, et moi, et ce rire que nous partageons. N'en déplaise aux autres voyageurs, n'en déplaise au monde entier.
Nous rions encore et encore. Et quand nous retrouvons enfin notre calme, la peur a momentanément relâché son emprise sur moi. Oh je sais qu'elle ne va pas tarder à resurgir. Mais à cet instant, je n'éprouve plus que du bonheur. Celui d'être dans ce wagon, avec mes parents et Jade, en voyage pour Paris, en route pour cette émission auquel je n'aurais jamais imaginé, même dans mes plus beaux rêves, pouvoir participer. Mais ce qui me rend le plus heureux, c'est la sensation de la main de mon amie dans la mienne. Oui, ça vraiment, c'est une sensation que je n'oublierai jamais.
Le train sillonne pendant encore quelques minutes la campagne. Puis les champs laissent place à des bâtiments, de plus en plus grands et de plus en plus nombreux à mesure que que nous approchons de notre destination. Lorsque nous arrivons finalement en gare, il est près de 18h. Nous sortons du wagon et nous trainons nos valises à travers la foule des voyageurs. Les quais sont bondés, et toute cette foule me donne le tournis. J'eprouve un profond soulagement quand nous parvenons enfin dans la rue. Je prends une grande bouffée d'air pollué pour me remettre de mes émotions. Puis nous montons dans le taxi que la production de l'émission a commandé pour nous. Car la production sort le grand jeu pour accueillir ses candidats. Le taxi, ce n'est qu'un début. Ensuite, il y a le restaurant. Pas le fast food du coin, c'est une table gastronomique dans un des établissements les plus en vogue de Paris qui nous a été offerte. Le bœuf était bon à se damner, lorsque j'ai avalé la première bouchée, j'en ai eu les larmes aux yeux tellement c'était bon ! Sans rire, je crois que j'aurais pu passer le restant de mes jours à manger ce morceau de bœuf ! Et enfin, après le restaurant, la cerise sur le gâteau, le bouquet final, l'apothéose. Un truc tellement fou que je ne sais même pas comment décrire ce que j'ai ressenti quand le taxi m'a dit où on allait dormir. Le Palacio, rien que ça ! Un hôtel particulier à la renommée internationale et au luxe insolent situé à deux pas de la tour Eiffel.
A peine avons-nous mis un pied dans l'immense hall d'entrée qu'un employé se presse vers nous pour nous accueillir. Avec un sourire de commercial et un enthousiasme un poil exagéré, il nous lance :
_ Mesdames, messieurs, j'espère que vous avez fait bon voyage. Je vous souhaite la bienvenue à l'hôtel Le Palacio.
Mon père se redresse et gonfle le torse. Puisqu'on le traite pour une fois avec les égards que l'on doit à un grand homme, il tient à en adopter l'allure. Ma mère arbore un sourire en coin en le voyant faire. Quant à Jade et moi, nous éclatons carrément d'un rire sonore qui fait se retourner sur nous nombre de personnes présentes dans le hall. Je rougis de gêne en songeant que nous faisons un peu tâche dans tout ce faste. Des éléphants dans un magasin de porcelaine, voilà l'image que m'inspire cette drôle de situation. Et cette image qui défile dans mon esprit comme un mauvais film ajoute un peu plus à mon embarras. Je me sens très soulagé au moment de quitter le hall pour nous rendre dans nos chambres. En l'occurrence, nos chambres, parce qu'il y en a deux qui nous sont attribuées, comptent parmi les plus modestes de l'hôtel (la production n'a pas poussé la générosité jusqu'à nous offrir une nuit dans une suite princière), ce qui ne les empêche pas d'être les plus luxueuses dans lesquelles j'ai jamais dormi. Je partage une chambre avec Jade, mes parents occupant l'autre chambre. L'idée de dormir pour la première fois dans la même pièce que mon amie m'a beaucoup plu. Il y a juste un détail auquel je n'avais pas pensé. Un détail qui me saute aux yeux sitôt que la porte s'ouvre sur l'intérieur de la chambre.
Je m'arrête net. Jade, quant à elle, ne semble pas y faire attention dans un premier temps. Elle pénètre dans la chambre et commence à sortir quelques affaires de sa valise tout à fait tranquillement. Voyant que je reste figé sur le pas de la porte et que j'observe les lieux d'un air perplexe, elle me questionne :
_ Qu'est-ce qui t'arrive ? Cette chambre ne te convient pas ? Tu rêvais d'une suite ? Désolée mon petit chou, mais pour ça il va falloir attendre encore un peu. Peut-être que quand tu auras gagné l'émission « Les Nouveaux Talents » tu auras une suite. Mais pour l'instant il va bien falloir te contenter de cette toute petite chambre avec vue sur le monument le plus célèbre du monde !
_ La chambre est très bien, il y a juste un truc qui me perturbe un peu... je bredouille, comme je sens déjà l'embarras me gagner.
_ Qu'est-ce qui te perturbe ? relève Jade en baladant un œil surpris un peu partout autour d'elle.
_ Tu ne remarques rien ? C'est pourtant évident. Le lit !
_ Quoi le lit ? Il a l'air très bien, dit-elle avec détachement.
_ Le lit, il n'y en a qu'un. Et nous, eh bien nous, on est deux.
_ Et alors, c'est un lit double, je ne vois pas où est le problème.
Elle fait mine de ne pas voir le problème. Mais elle arbore un petit sourire au coin de ses lèvres qui me fait penser qu'elle est en train de se jouer de moi une nouvelle fois. Oui, j'en suis sûr, elle a bien remarqué ce que j'ai remarqué. Et je ne comprends pas pourquoi elle prétend le contraire. Au fond peu importe, je ne vais pas la laisser esquiver la chose plus longtemps. Je vais lui dire texto ce qui ne va pas.
_ Le problème, c'est qu'on ne va pas dormir dans le même lit.
J'espère que ce chapitre vous a plu :)
Comment Jade et Anthony vont-ils faire avec ce problème de lit ?
Exceptionnellement, je publierai le prochain chapitre dès mercredi :)
A mercredi pour la suite :)
VOUS LISEZ
Anti Star
RomanceLes murs du lycée sont devenus un enfer pour Anthony. Depuis quelque temps, il est le souffre-douleur des autres élèves. Son quotidien est fait d'humiliations, de moqueries, et de coups bas. Il souffre en silence. Il ne répond pas. Ça ne ferait qu'e...