Chapitre 39 (Anthony)

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D'un pas fébrile, je suis le technicien à travers les coulisses du plateau de tournage

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D'un pas fébrile, je suis le technicien à travers les coulisses du plateau de tournage. Nous parcourons ainsi plusieurs dizaines de mètres dans un dédale de couloirs jusqu'à parvenir dans un grand espace plongé dans la pénombre. Au sol, il y a une croix rouge. Le technicien me dit de me placer dessus. Je m'exécute aussitôt. Il m'explique que quand le décor s'ouvrira devant moi, il me faudra avancer jusqu'à atteindre le centre d'un cercle dessiné sur le plateau, et que je devrais rester dans ce cercle durant toute ma prestation afin d'être dans le champ de la caméra principale. Je l'écoute me donner ces consignes d'une oreille un peu distraite. Toute ma concentration et toute mon attention sont d'ores et déjà focalisées sur ma performance. Dans ma tête, je suis déjà sur scène. Le technicien vérifie que mon micro et que mon oreillette fonctionnent bien. Il me propose un verre d'eau, que j'accepte volontiers car j'ai la gorge aussi sèche que si j'avais marché toute la journée au beau milieu d'un désert. Je bois une gorgée. Je lui rends le verre. Avant de s'éloigner, il me lance dans un sourire bienveillant :

_ Bon courage.

Du courage, il va m'en falloir pour relever l'immense challenge qui se présente devant moi. Quelques secondes s'écoulent. Et puis le décor du plateau commence à s'ouvrir doucement face à moi. Je vois apparaître les gradins, remplis de spectateurs qui guettent avec curiosité mon arrivée sur la scène de l'émission. Je me sens impressionné par la présence de tout ce monde. Et quand je pense aux centaines de milliers de personnes qui sont derrière leur poste de télévision, je suis littéralement terrifié. Mais il n'est pas question de faillir. Je ne vais pas reculer, pas maintenant que je suis à quelques mètres de mon rêve. Alors je tâche d'ignorer la peur qui me serre le ventre et je marche en direction de la scène. J'avance jusqu'à me trouver dans le fameux cercle que m'a décrit le technicien. Je m'arrête au centre de celui-ci et j'attarde de nouveau mon regard sur les gradins face à moi. Le public est encore plus impressionnant vu de près. Mais ce qui m'intimide le plus, ce sont les fauteuils du jury. Ils me semblent plus grands que lors des répétitions. Mon objectif dans les deux prochaines minutes sera de les faire se retourner. Et pour y parvenir, il va me falloir livrer une très bonne prestation. 

Les murmures qui descendaient jusqu'alors des travées se taisent. Pendant un bref instant, le silence est total. Je prends une grande inspiration. J'adresse un signe de tête à la régie pour signifier aux techniciens qui s'y trouvent que je suis prêt à commencer. Les lumières s'éteignent. Un seul projecteur demeure allumé, sa lumière blanche est braquée dans ma direction. Sans plus tarder, car si j'attendais ne serait-ce qu'une seconde de plus je crois que je pourrais m'évanouir, j'approche mes mains du piano vertical que je serre contre moi et je commence à faire courir mes doigts sur les touches du clavier. Tandis que les premières notes résonnent dans le studio de tournage, j'approche ma bouche du micro et je commence à chanter.

Ma voix est d'abord hésitante, tellement hésitante qu'elle tremble quelque peu. Je me souviens des commentaires que m'avait faits Bruno Lamotet sur ma performance au pré-casting. Il m'avait reproché d'être trop timoré justement. Je ne dois pas commettre à nouveau la même erreur. Je dois m'affirmer, je dois avoir l'air sûr de moi sur scène si je veux avoir une chance de réussir. Alors je me redresse. J'appuie un peu plus énergiquement sur les touches de mon instrument, et surtout je pousse davantage mes cordes vocales. Je m'efforce de mettre du rythme, parce que je sais que le rythme est essentiel, d'autant plus essentiel que j'ai choisi d'interpréter un morceau plein d'entrain. Une musique mythique sur laquelle les gens dansent depuis des générations. Stayin' Alive. J'en propose une version piano-voix revisitée avec laquelle j'espère séduire le jury. J'ai les yeux rivés sur leurs fauteuils dans l'espoir de les voir se retourner. Mais les secondes s'égrènent et ils continuent de me tourner le dos.

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