Il me faut plusieurs secondes pour digérer cette information. Je n'en reviens pas que Jade ait osé faire cette vidéo à mon insu. Je comprends mieux pourquoi elle a déployé tant d'énergie à me convaincre de lui accorder une dernière prestation, n'hésitant pas pour ce faire à me prendre par les sentiments. Je le vis comme une trahison. Je lui en veux. Et surtout j'ai mal, j'ai mal parce que le fait qu'elle ait agi ainsi dans mon dos montre que, contrairement à ce que je pensais, notre relation n'est pas redevenue ce qu'elle était. Nous avons construit notre complicité sur la confiance. Aujourd'hui, cette confiance est fissurée. Et avec elle, c'est notre amitié qui s'en trouve menacée. Oui, je lui en veux. Je lui en veux de mettre ainsi en danger notre amitié.
_ De quel droit tu as fait ça sans m'en parler ? je m'écrie au bout d'un instant, laissant échapper tout l'ampleur de mon indignation.
Sous le coup de la colère, j'ai prononcé ces mots d'une voix plus forte que je l'aurais voulu. Résultat, j'ai attiré l'attention de tout le magasin. Les clients se sont immobilisés, leurs vêtements à la main, et nous fixent, Jade et moi, d'un œil surpris. La gérante du commerce nous observe elle aussi, avec désapprobation. La main suspendue au dessus du téléphone, elle hésite à appeler la sécurité, songeant que les conflits ne sont pas bons pour les affaires et qu'il vaudrait mieux nous évacuer au plus vite afin de préserver la tranquillité des autres acheteurs.
Je ne tiens pas à me donner en spectacle. Cette situation me met profondément mal à l'aise. Je me sens oppressé. Alors, sans même attendre la réponse de Jade, je fais volte-face et je me dirige d'un pas pressé vers la sortie du commerce. Parvenu dans la rue, je continue de marcher, droit devant moi et de plus en plus vite, sans me préoccuper de savoir où je vais, incapable de me calmer. Jade se lance à ma poursuite. Je l'entends d'abord, au loin, qui me crie de m'arrêter. Mais je n'en fais rien et je m'obstine à avancer. Pas de quoi la décourager, ce qui n'a rien de très surprenant car son caractère obstiné n'est plus à prouver. Pendant de longues secondes, elle me suit comme mon ombre à travers le dédale des rues du centre-ville. A chaque mètre parcouru, elle se rapproche un peu plus. Je le sais parce que je peux entendre le bruit de ses pas qui battent le pavé de la ruelle. Elle marche vite. Je crois même qu'elle court. J'envisage de jeter un œil derrière moi pour voir à quelle distance elle se trouve, mais je n'ai pas le temps de le faire qu'elle est déjà là, à ma hauteur. Je sens sa main qui agrippe ma veste au niveau de mon épaule. Elle tire fort vers elle et voilà ma fuite stoppée net.
_ Tu n'as pas bientôt fini de faire ton cinéma ! me lance-t-elle d'un ton agacé, à présent que nous nous faisons face.
Elle me plante un couteau dans le dos en envoyant à un directeur de casting une vidéo de moi sans même m'en avertir et par dessus le marché elle se paye ensuite le droit de me sermonner. Elle ne manque pas de culot. Je ne vais pas laisser passer cette remarque sans rien dire. Je me dois de riposter. C'est d'ailleurs ce que je fais. Je riposte.
_ Tu me fais du chantage affectif pour me contraindre à chanter une dernière fois devant toi. Tu en profites pour m'enregistrer contre mon gré. Et après c'est moi qui fais du cinéma ? Non mais sérieusement, c'est l'hôpital qui se fout de la charité !
Jade a repris du poil de la bête. Le sentiment de malaise qu'elle semblait éprouver a disparu. Désormais, elle se montre beaucoup plus combattive. Hors de question pour elle de me présenter ses excuses ou de faire son mea culpa. Sûre d'avoir agi pour le mieux, elle décide d'assumer ses actes et me dit avec aplomb :
_ Tu voulais arrêter la musique, tout ça parce qu'une bande d'abrutis et un jury de pacotille ont décrété que tu n'étais pas fait pour faire de la scène. Je n'allais quand même pas rester les bras croisés, à te regarder te saboter et gâcher ton talent au seul motif que tu as manqué une audition sans intérêt !
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Anti Star
RomanceLes murs du lycée sont devenus un enfer pour Anthony. Depuis quelque temps, il est le souffre-douleur des autres élèves. Son quotidien est fait d'humiliations, de moqueries, et de coups bas. Il souffre en silence. Il ne répond pas. Ça ne ferait qu'e...